Les juges ne veulent pas publier leurs dépenses !
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Jean-Francois Parent
2017-10-31 16:00:00

Il est porte-parole des juges fédéraux dans ce dossier.
Le projet de loi C- 58 pourrait exiger des magistrats fédéraux, qui siègent notamment au tribunal de l'impôt, qu'ils divulguent dans le détail leurs dépenses de fonction. Chaque juge devrait ainsi rendre public le montant, l'endroit et la raison de la dépense engagée.
Selon Pierre Bienvenu, le projet de loi soulève de « graves inquiétudes » pour les juges. Ces derniers le jugent incompatible avec la fonction judiciaire, a-t-il plaidé devant les membres du Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique.
Par ailleurs, les nouvelles obligations feraient double emploi : « Les types de dépenses autorisées pour les juges sont déjà régis par la loi sur les juges, et un commissaire aux affaires judiciaires doit les approuver. »
En outre, le fait que l'on confère à l'exécutif parlementaire la responsabilité de juger si la publication des dépenses des juges peut nuire à leur indépendance, tel que le prévoit le projet de loi, rebute : « D'un point de vue constitutionnel, ce n'est pas à l'exécutif de décider ce qui est constitue un risque à l'indépendance judiciaire », a-t-il dit.
http://www.cscja-acjcs.ca/ propose plutôt que les juges en chef décident de ces questions pour les dépenses de la magistrature.
Les juges ont leurs habitudes...
La publication des dépenses des juges fédéraux est problématique aussi parce que ces dernières sont particulièrement importantes. « Les juges des cours fédérales sont tenus de résider dans la capitale fédérale, ce qui les oblige à voyager fréquemment. C'est pourquoi leurs dépenses pourraient bien se démarquer de celles des élus ou des fonctionnaires », a dit Pierre Bienvenu.
Sans compter que, « au contraire des autres membres du gouvernement soumis à la Loi sur l'accès à l'information, les juges ne peuvent se défendre publiquement », si on devait les prendre à partie pour des dépenses personnelles engagées par l'un ou l'autre des juges.
On propose plutôt de faire cette divulgation dans un cadre plus général, en regroupant par exemple les dépenses de chacune des cours par postes de dépense. On préserverait ainsi l'anonymat des juges, soutient Pierre Bienvenu.
Les informations nominales peuvent être risquées pour les juges, notamment lorsqu'il est question de déplacements.
Les juges ont leurs habitudes quant aux hôtels dans lesquels ils descendent, les conférences auxquelles ils assistent, et leurs habitudes professionnelles en général. Rendre ces détails publics « pose un risque à leur sécurité ».
On craint en outre que les décisions de déplacement soient influencées par l'obligation de divulguer les frais de déplacement. Les juges qui ont moins voyagé seraient privilégiés pour les causes exigeant de longs déplacements, afin de répartir les dépenses entre tous les magistrats.
Ni l'ACJCS, ni Pierre Bienvenu n'ont répondu rapidement à nos demandes de commentaires.