Mauvaises vibrations
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Jean-Francois Parent
2016-11-11 14:30:00

C’est une cour de l’Illinois qui entendra la cause: une plaignante américaine, N. P., a inscrit récemment une requête en autorisation d’action collective contre le fabricant du We-Vibe.
We-Vibe, qualifié de « Maserati des vibrateurs » par le magazine Maxim, est le produit-phare de la société outaouaise.
Le vibrateur est ainsi jumelé à une application pour téléphones intelligents qui permet aux amoureux de jumeler leur jouet respectif par l’entremise de Bluetooth, et de se donner du plaisir ensemble, à distance.
L’application, We-Connect, sert de télécommande permettant de modifier les réglages à distance et, en utilisant la fonction « Connect Lover », de converser—et-plus par vidéo, de se sexter, cependant qu’on utilise la verge artificielle.
Le hic : toutes les données colligées par l’application sont ensuite utilisées par Standard Innovation… qui ne fait jamais mention de cette particularité dans son matériel publicitaire.
Contrevenances aux lois
La plaignante insiste ainsi sur le fait que des données définitivement personnelles sont colligées à l’insu des clients, telles la fréquence et la durée d’utilisation, l’intensité des réglages et le type d’activités pour lesquelles on utilise le vibrateur.
La plaignante insiste pour dire que, eût-elle su que les détails de vie sexuelle allaient être diffusée avec force détails, elle n’aurait jamais acheté le vibrateur. La requête soutient en outre que personne n’aurait acheté l’engin.
Côté légal, le fait de colliger autant de détails sans le consentement des utilisateurs contreviendrait à de nombreuses lois et règles illinoises : le Federal Wiretap Act, l’Illinois Eavesdropping Statute, l’Illinois Consumer Fraud and Deceptive Business Practice Act et diverses autres règles qui incitent les demandeurs à exiger des dommages punitifs.
Au Canada
Depuis le dépôt de la demande d’action collective, Standard Innovation a revu ses pratiques de collecte de données personnelles.
Mais voilà, au Canada, l’adresse IP d’une personne—essentielle pour identifier les appareils mobiles—est considérée comme une information personnelle par le Commissaire à la vie privée, explique la chroniqueuse du magazine Canadian Lawyer Lisa Lifshitz, associée du cabinet Torkin Manes. « Je ne sais pas comment Standard Innovation peut dire qu’elle ne collecte pas d’infos personnelles dans ce contexte », écrit-elle.
En outre, parce qu’elle propose aux utilisateurs de se retirer de la fonction de partage de données, plutôt que d’y souscrire, ce qui contreviendrait à la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, estime Lisa Lifshitz.
« Mais la question fondamentale, conclut la chroniqueuse, c’est comment est-ce qu’une entreprise, aujourd’hui, peut bien penser que des consommateurs partageraient volontairement autant de détails intimes? »
Morale de l’histoire : tout ce que vous faites avec votre vibrateur pourra être retenu contre vous…!