Paul Weiss: la panique et les vautours ont précipité l'accord avec Trump

Thomas Vernier
2025-03-27 12:00:41

La décision du cabinet Paul Weiss de conclure un accord avec Donald Trump plutôt que de contester son décret présidentiel s'explique en grande partie par une guerre intestine au sein du monde juridique américain, rapporte le New York Times.
Alors que l'ordre exécutif du 14 mars était largement considéré comme une attaque dangereuse contre le système judiciaire, certains concurrents y ont vu une opportunité commerciale.

Dans les jours suivant le décret présidentiel, qui restreignait sévèrement la capacité de Paul Weiss à représenter ses clients, des cabinets rivaux comme Sullivan & Cromwell et Kirkland & Ellis ont contacté les meilleurs avocats de la firme pour les inciter à «sauter du navire» avec leurs lucratifs clients, affirme le NYT. Wachtell, Lipton, Rosen & Katz a également envisagé de débaucher des associés, selon cinq avocats ayant une connaissance directe de ces démarches.
«Nous avons attendu que les autres cabinets nous soutiennent après le décret présidentiel», a écrit Brad Karp, président de Paul Weiss, dans un courriel interne envoyé dimanche. «Malheureusement, loin de nous soutenir, nous avons appris que certains cabinets cherchaient à exploiter nos vulnérabilités en sollicitant agressivement nos clients et en recrutant nos avocats.»
Cette menace a considérablement aggravé la panique qui régnait déjà au sein de Paul Weiss après la publication du décret, qui interdisait à ses avocats de traiter avec le gouvernement, y compris d'entrer dans les bâtiments fédéraux. L'ordre précisait également que les entreprises faisant affaire avec ce cabinet, qui entretient des liens étroits avec le Parti démocrate, pourraient perdre leurs contrats gouvernementaux.

Les dirigeants craignaient particulièrement le départ de Scott Barshay, responsable du département des affaires corporatives et véritable «Rainmaker» (surnom donné aux avocats qui rapportent le plus de clients) du cabinet. Même en cas de victoire judiciaire contre le décret, Paul Weiss aurait été étiqueté comme ennemi de Trump, compromettant sa capacité à obtenir des approbations gouvernementales pour les transactions de ses clients.
La vulnérabilité de Paul Weiss tient à l'évolution de son modèle économique. Autrefois connu pour ses redoutables plaideurs, le cabinet dépend désormais largement de ses spécialistes en fusions-acquisitions. Le département des affaires corporatives est devenu sa principale source de revenus, avec un chiffre d'affaires total d'environ 2,6 milliards de dollars en 2024.
Face à cette menace existentielle, un petit groupe de dirigeants incluant Karp, Barshay et d'autres responsables des départements les plus lucratifs s'est régulièrement réuni pour débattre de la réponse à apporter. Si certains associés et jeunes avocats souhaitaient combattre le décret en justice, la direction a privilégié un accord avec Trump.

Le 18 mars, Karp a pris un jet privé pour rencontrer Trump à la Maison Blanche le lendemain. Dans le Bureau ovale, le président était accompagné de sa directrice de cabinet Susie Wiles, de son conseiller Steve Witkoff et de son conseiller juridique personnel Boris Epshteyn. Trump a également fait participer Robert Giuffra, coprésident de Sullivan & Cromwell - un concurrent direct de Paul Weiss - qui s'est récemment engagé à gérer l'appel de Trump dans l'affaire Stormy Daniels.
L'accord conclu prévoit que Paul Weiss fournira 40 millions de dollars de travail juridique pro bono pour des causes soutenues par la Maison Blanche. Cette décision a suscité de vives critiques, notamment d'un groupe d'environ 140 anciens de Paul Weiss qui ont qualifié cet arrangement de «lâche» dans une lettre ouverte.
«C'est une tâche permanente sur le visage d'un grand cabinet qui a cherché à réaliser un profit en sacrifiant son âme», ont écrit ces avocats dans leur lettre diffusée par Common Cause, une organisation non partisane.

Jusqu'à présent, Paul Weiss ne semble pas avoir perdu d'associés ou de clients importants. Dimanche, dans son courriel interne, Karp a insisté sur le fait que l'accord était nécessaire à la survie du cabinet : «Personne ne peut comprendre le stress que représente un tel décret présidentiel tant qu'il n'est pas dirigé contre vous.»
Mardi, un autre cabinet d'avocats, Jenner & Block, est tombé dans le collimateur présidentiel. Trump a signé un décret contre cette firme qui avait employé un avocat ayant travaillé avec le procureur spécial Robert Mueller sur l'enquête concernant une possible ingérence russe dans l'élection présidentielle de 2016.