Peut-on légalement consentir à la décapitation?
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Jean-Francois Parent
2016-08-31 10:15:00
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Le Russe Valery Spiridonov, souffrant d’amiotrophie spinale, une maladie dégénérative, s’est porté volontaire.
« Cette opération nécessite une décapitation. Spiridonov peut-il légalement consentir à cet exercice? », demande la docteure en droit de l’Université Duke Nita A. Farahany dans le Washington Post.
L’état actuel des connaissances laisse présager une mort quasi certaine pour Valery Spiridonov, estime Nirita Farahany. « Le chirurgien veut décapiter un homme, qui mourra très certainement, tout en espérant qu’il réussira à greffer la tête sur un nouveau corps et que le patient survivra », explique l’universitaire.
Les docteurs Canavero et Ren ont transplanté avec succès des têtes de singes et de souris, rattachant la moëlle épinière entre une tête et un corps. Mais l’opération n’a jamais été tentée sur des humains. Les travaux de Canavero et Ren sont tellement controversés que la greffe céphalique éventuelle se fera en Chine.
La question qui se pose est de savoir si le consentement de Valery Spiridonov peut être légalement valide. Surtout si on applique la doctrine voulant qu’on ne peut consentir à être assassiné. L’euthanasie et la mort assistée sont illégales en Chine, poursuite la Dre Farahany.
« Sous l’angle du droit américain, on constate qu’ici aussi l’euthanasie active est illégale ; les médecins insistent que le but de l’opération n’est pas de tuer le patient, mais on peut penser qu’une procédure impliquant la décapitation est en fait une forme d’euthanasie active. »
À l’opposé, les chirurgiens ne veulent pas que le patient meurt, bien au contraire, même si c’est ce qui risque très probablement d’arriver. « Dans ce cas, (Ren et Canavero) pourraient être accusés d’homicide volontaire (intentional or reckless homicide) si le patient meurt. Et ce dernier ne peut pas plus consentir à l’homicide volontaire. » Sous l’angle du consentement, il ne semble pas y avoir d’issue satisfaisante, estime la Dre Farahany.
Si le patient survit…
Prenons maintenant l’hypothèse que le patient survive, écrit Nirita Farahany. La décapitation implique une mort cérébrale de quelques secondes. « Si cette mort est temporaire, et annulée grâce à la procédure médicale, est-ce que les chirurgiens auraient toujours commis un homicide volontaire? »
Nirita Farahany conclut en si demandant si analyser une transplantation céphalique sous l’angle du risque qu’elle comporte est opportun. En effet, on permet aux chirurgiens d’opérer des patients chaque jour, même si ces derniers peuvent en mourir.
« Est-ce que la transplantation proposée ne devrait être simplement vue comme une procédure extrêmement risquée à laquelle le patient devrait pouvoir consentir? »
Un casse-tête familial
Un éditorial du quotidien China Daily entretenait quant à lui d’autres questionnements juridiques.
« On veut transplanter la tête de l’un sur le corps de l’autre. Si cela fonctionne, qui sera la nouvelle personne? Celle de la tête ou celle du corps? », demande le quotidien.
« Plus encore, est-ce que le statut matrimonial des deux personnes fusionnées se poursuivra? »
Est-ce qu’on verra par exemple une guerre testamentaire, Valery Spiridonov réclamant l’héritage de la personne dont il a obtenu le corps?
« La question est en outre de savoir si, légalement, le corps appartient nécessairement à la tête ? », conclut le China Daily.