Ramadan : comment plaider le ventre vide?

Pour tous les musulmans, le Ramadan est une période cruciale dans l’expression de leur foi. Depuis le 27 mai, ils ne peuvent ni boire ni manger avant la tombée de la nuit.

Me Mohammed Chkikar, venu du Maroc pour s’installer au Québec en 2003 est en plein dedans.

Il concède que le Ramadan est plus facile à suivre dans son pays d’origine où forcément, la société entière change de rythme, ce qui n’est pas le cas au Québec. « C’est un petit défi en plus », lance-t-il en souriant.

Mais cette année, le démarrage a été un peu plus facile selon lui, puisqu’il est tombé en fin de semaine.

Au travail, il ne rencontre pas de difficultés particulières : « mes collègues comprennent vraiment, c’est parfois eux qui me rappellent qu’il va bientôt commencer », explique cet avocat qui exerce dans le service de contentieux de la STM.

Si la faim se fait forcément sentir de temps à autres, il assure que le Ramadan n’impacte pas ses performances : « lors d'un procès, l'adrénaline est tellement élevée qu'on oublie le jeûne ! », dit-il.


Plus alerte

Me Shahad Salman, qui exerce chez Aligo Innovation, trouve même que le jeûne à ses avantages : « je trouve que la digestion peut déconcentrer par l’énergie qu’elle requiert. Alors pendant le Ramadan, j’ai l’impression d’utiliser autrement cette énergie et je me sens plus alerte ». Pour elle, le corps s’adapte finalement assez vite à ce rythme, de sorte qu’elle ne se sent pas vraiment affamée.

Pour ce qui est des relations avec les clients, la chose ne semble pas être difficile non plus pour Me Chkikar. Il témoigne : « j’ai eu un dîner de travail dernièrement, je n’ai simplement pas mangé. Cela suscite la curiosité des gens. Ils me demandent ce que j’ai le droit ou pas de faire, comment je le vis ».

En plus de soulever un soupçon d’intrigue, le « régime » que suit Mes Chkikar et Salman suscite parfois de petites culpabilités. Ils prennent cela plutôt avec humour : « les gens culpabilisent de manger devant moi, mais je les rassure tout de suite. Ils ne doivent pas se sentir mal à l’aise. À midi, je n’ai aucun problème à rejoindre mes collègues à la cantine et m’asseoir à côté d’eux même si je ne mange pas. C’est important de ne pas s’isoler, de maintenir un bon esprit d’équipe », dit l’avocat de la STM.

Le plus possible, il tente d’aménager un peu ses horaires, en proposant des rencontres en dehors des heures de dîner. « Parfois c’est possible, d’autres fois non. » Quoi qu’il arrive, le client reste sa priorité.

L’occasion pour lui d’expliquer aussi la portée spirituelle de ce jeûne diurne. « C’est un exercice d’abstention qui nous permet un peu de nous rapprocher de ceux qui n’ont rien et qui nous permet aussi de développer le contrôle de soi », explique-t-il.

Me Shahad Salman elle aussi, vit cette période comme l’occasion « de prendre le temps de faire le vide, de faire un exercice d’introspection et de prendre conscience de la chance qu’on a ».

Depuis quatre ans, elle est même ambassadrice pour Give 30, une initiative lancée par un avocat torontois, Me Ziyaad Mia. Elle a pour but de collecter des fonds en demandant à chacun de soutenir la lutte contre la faim pendant le mois du Ramadan en donnant aux banques alimentaires partout au Canada.

« Depuis son lancement, nous avons récolté 526 000 $ partout au Canada dont 10 000 $ au Québec », dit fièrement l’avocate.