Un juge a-t-il tenu des propos racistes?
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Marie-Ève Buisson
2025-02-17 10:15:22
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Le Comité d’enquête du Conseil de la magistrature recommande une réprimande à l’encontre du juge Gaétan Plouffe, de la Cour municipale de Montréal, en raison de propos tenus lors d’une audience sur la mise en liberté d’un accusé.
Le Comité a conclu que le juge avait fait preuve de biais culturel et de stéréotypes en associant l’origine nationale du défendeur à une propension à la violence conjugale.
Le juge Plouffe, de son côté, a affirmé que ses propos étaient motivés par une préoccupation pour la protection de la victime et qu’il n’avait aucune intention discriminatoire.
« Se faire accuser de racisme c'est quelque chose. Pour moi, c'est extrêmement grave et ça ne correspond pas à mon parcours professionnel », a-t-il dit au Comité d’enquête.
Contexte
L’affaire remonte au 16 novembre 2021, lorsqu’une audience est tenue pour statuer sur la remise en liberté d’un homme accusé de plusieurs infractions criminelles dans un contexte de violence conjugale.
Durant l’audience, le juge Plouffe interroge l’accusé, M. Singh, sur son pays d’origine, l’Inde, avant de l’interpeller sur les pratiques culturelles en matière de violence conjugale :
« Vous savez qu’au Canada, on n’a pas le droit d’exercer des violences contre sa femme? (…) Monsieur, ici, est immigré de l’Inde. Il y a des problèmes en Inde, de violences envers les femmes. Est-ce que monsieur a importé ses coutumes ici? C’est ça la question. Vous savez, au Pakistan, c’est le pays au monde où il y a le plus de crimes envers les femmes. »
Ces propos ont immédiatement été contestés par l’avocat de la défense, Me Vincent Petit, qui a rappelé que son client ne venait pas du Pakistan.
Enquête
Me Petit a déposé une plainte auprès du Conseil de la magistrature, soutenant que ces commentaires démontraient un parti pris fondé sur l’origine du défendeur.
L’enquête visait à déterminer si les propos du juge constituaient un manquement aux articles 2, 5 et 8 du Code de déontologie de la magistrature, qui encadrent l’impartialité et la dignité des juges.
Le Comité a conclu que le juge Plouffe avait tenu des propos généralisateurs et stéréotypés, suggérant un lien entre l’origine nationale ou culturelle d’un individu et la probabilité qu’il commette des violences conjugales. Il lui est également reproché d’avoir orienté son évaluation de la crédibilité du défendeur en fonction d’un préjugé culturel.
De plus, le Comité a noté que l’apparence d’impartialité du juge avait été compromise, ce qui soulève des préoccupations quant à la perception d’un traitement juste et équitable des accusés issus de l’immigration.
Droit-Inc a tenté de rejoindre le juge Plouffe, sans succès.