Un nouveau régime de pollueur-payeur ?

Agence Qmi
2015-02-23 08:55:00

Une fois le projet de loi adopté, les compagnies de chemin de fer fédérales devront ainsi observer des niveaux minimaux d'assurance responsabilité allant de 25 millions de dollars, pour les marchandises non dangereuses ou à petit volume, à 1 milliard $ pour les volumes importants.
Ces changements se feront cependant de façon graduelle pour certaines compagnies de chemins de fer d’intérêt local - autres que le Canadien National (CN) et le Canadien pacifique (CP) - qui pourraient avoir de la difficulté à absorber des coûts d’assurance minimale de 100 millions à 250 millions de dollars.
La ministre Raitt a indiqué que ces mesures découlaient des leçons tirées de l’accident ferroviaire, mettant en cause la Montreal, Maine & Atlantic Railway (MMA), qui a fait 47 morts. La compagnie ferroviaire transportait 7,7 millions de litres de pétrole brut avant de dérailler au centre-ville.
«Nous étions stupéfaits d’apprendre qu’il n’y avait que 25 millions de dollars d’assurances pour ce chemin de fer. C’était nettement insuffisant pour compenser ce qui s’est produit pour les familles de cette communauté et pour les dommages causés à l’environnement», a-t-elle déclaré.
Fonds d’indemnité
Un fonds d’indemnité en cas d’accident ferroviaire sera aussi créé et financé par les transporteurs de pétrole brut qui devront verser une redevance de 1,65 dollars par tonne de liquide transportée.
La ministre Raitt a indiqué que tous ces changements feront en sorte que les victimes d’un accident ferroviaire n’auront plus à se battre devant les tribunaux pour prouver qu’il y a eu faute ou négligence pour obtenir réparation.
Selon le projet de loi, les provinces et les municipalités pourront aussi présenter une demande à l’Office des transports du Canada (OTC) pour demander à une compagnie de chemin de fer de rembourser les dépenses liées à un incendie qui la met en cause.
La mesure législative accordera aussi à la ministre le pouvoir de donner un ordre ministériel pour obliger une compagnie de chemin de fer à apporter des mesures correctives, s'il est estimé que l'application de son système de gestion de la sécurité risque de compromettre la sécurité ferroviaire. Les changements apportés obligeront aussi les compagnies de chemin de fer à échanger de façon systématique de l'information avec les municipalités.
L’Association des chemins de fer Canada (ACFC) appuie les changements prévus dans le projet de loi, mais estime que le fonds d’indemnisation ne devrait pas viser uniquement le transport de pétrole brut.
serait possible d’améliorer le régime en incluant dès maintenant d’autres marchandises dangereuses – comme le chlore – dans le fonds d’indemnisation », a déclaré le président-directeur général de l’ACFC, Michael Bourque.
Le maire suppléant de Lac-Mégantic, Richard Michaud, a estimé pour sa part que ces mesures étaient un pas dans la bonne direction.
« Il va de soi que c’est aux compagnies ferroviaires de prendre la responsabilité financière des accidents. Dans le cas de Lac-Mégantic, actuellement ce sont les contribuables canadiens et québécois qui assument les coûts », a-t-il indiqué.
M. Michaud invite maintenant Transports Canada à « faire preuve de rigueur » dans l’application de ces nouvelles règles, rappelant que des règlements étaient aussi déjà en place avant la tragédie.
C’est aussi l’avis des partis d’opposition aux Communes qui exigent plus d’inspecteurs fédéraux sur le terrain.
« Ils mettent beaucoup de règlements de l’avant. Par contre le Bureau de la sécurité des transports a mentionné ce que le vérificateur général a déjà mentionné, à l’effet qu’il y a un manque de ressources à Transports Canada pour s’assurer que, sur le terrain, la loi et les réglementations sont en place », a fait valoir le député du NPD, Hoang Mai.
La ministre Raitt a pour sa part soutenu que le nombre d’inspecteurs avait doublé depuis la tragédie, passant de 35 à 66.
Le porte-parole du Comité de vigilance pour la sécurité ferroviaire, André Lachapelle, croit que le projet de loi est un pas dans la bonne direction, mais qu'il faudrait en faire plus pour prévenir d'autres tragédies comme celle survenue en juillet 2013 à Lac-Mégantic.
« Les entreprises auront beau apporter des ajustements à leur programme de gestion de la sécurité à la suite d'avis ministériels, s'il n'y a pas d'inspecteur de Transports Canada qui se rend vérifier si les mesures et normes sont appliquées et respectées, ça ne donne rien », a-t-il jugé.
« Je ne vois rien dans la loi qui limite le nombre de citernes lors de convois de transport de matières dangereuses. On a déjà vu des convois de 140 citernes, ça ne fait aucun sens, a ajouté M. Lachapelle. De limiter leur nombre serait rassurant en cas de déraillement et limiterait considérablement les risques il me semble », de dire celui dont le comité réclame plus de transparence de la part des compagnies de chemin de fer et des organismes gouvernementaux qui les réglementent.