Une enquête met en doute l’origine autochtone d’une avocate
Radio -Canada
2022-10-17 13:15:00
Tout au long de sa carrière, elle a affirmé être une Autochtone de traités, d'ascendance crie, mais une enquête de CBC révèle que cela ne semble pas correspondre aux données historiques.
Mary Ellen Turpel-Lafond s'est fait connaître sur le national dans les années 1990, lors des débats sur l'Accord de Charlottetown. Elle était la conseillère constitutionnelle d'Ovide Mercredi, le chef national de l'Assemblée des Premières Nations de l'époque.
En 1998, elle a été nommée juge à la cour provinciale de la Saskatchewan, ce qui, selon elle, a fait d'elle la première femme juge autochtone de la province.
L'avocate et professeure de 59 ans, affirme qu'elle est biologiquement crie par son père, qui a grandi dans la Nation crie Norway House, au Manitoba. Plus tard dans sa vie, elle s’est associée à la communauté de son mari, la Nation crie Muskeg Lake, en Saskatchewan.
Cependant, à la fin de l'année 2021, CBC a reçu des informations qui ont soulevé des questions sur les revendications d'ascendance autochtone de Mme Turpel-Lafond. Selon CBC, certaines des affirmations de Mme Turpel-Lafond ne correspondaient pas aux documents accessibles au public.
L’enquête de CBC sur le dossier de Mme Turpel-Lafond relève un problème croissant au pays, soulevé par des experts, à savoir que des personnes non autochtones tirent profit d'occasions réservées aux membres des Premières Nations, aux Métis et aux Inuit en revendiquant à tort une ascendance autochtone.
Mary Ellen Turpel-Lafond n'aurait pas grandi à Norway House
Selon plus d'une dizaine de reportages écrits au cours des 30 dernières années, Mary Ellen Turpel-Lafond serait née et aurait grandi à Norway House ou dans une communauté du Manitoba, où ses sœurs et elle ont été victimes de maltraitance.
Dans l'édition de décembre 1998 de ''The Indigenous Times'', elle déclare : « Nous avions décidé que nous n'allions pas devenir des victimes dans la vie... Nous allions être des survivantes. »
Toutefois, Joe Keeper, un homme âgé de 93 ans né à Norway House, n’a jamais croisé Mme Turpel-Lafond, bien qu’il ait côtoyé son père lorsqu’il était enfant.
Avec quelques recherches, il a découvert qu'elle n'avait pas grandi à Norway House, mais qu’elle était née et avait grandi à Niagara Falls, en Ontario.
Les registres électoraux semblent le confirmer. Ses parents, William et Shirley Turpel, figurent sur les listes électorales de 1957 à Niagara Falls et y sont restés pendant des décennies. Des membres de la famille ont également déclaré à CBC que Mme Turpel-Lafond a grandi à Niagara Falls.
Dans un courriel, CBC a demandé directement à Mary Ellen Turpel-Lafond si elle était née et avait grandi à Norway House ou à Niagara Falls. Elle a refusé de répondre, déclarant qu'elle n’était pas responsable de la façon dont les médias ou d'autres personnes la dépeignent.
Plusieurs liens avec la communauté manitobaine
Joe Keeper a expliqué qu'une famille Turpel vivait dans la communauté de Norway House dans les années 1920 et 1930, lorsqu'il était enfant.
« Il y avait un docteur Turpel à Norway House. Je me souviens de lui », dit-il.
Le médecin, William Nicholson Turpel, était un employé des Affaires autochtones et du Nord Canada. Il a été au service du pensionnat, de la Ville et des communautés des Premières Nations environnantes.
Selon les archives généalogiques, William Nicholson Turpel était d'ascendance irlandaise, allemande et américaine, tandis que sa femme, Eleanor, est née en Angleterre de parents britanniques. Le couple s'est marié en 1927 à Victoria avant de déménager à Norway House, qui se trouve à environ 450 kilomètres au nord de Winnipeg.
Le 24 juillet 1929, le Victoria Times Colonist a annoncé que le couple avait donné naissance à un fils. CBC a obtenu une copie du certificat de baptême, qui indique que William Turpel, fils de William Nicholson Turpel et Eleanor Turpel, a été baptisé à Norway House le 27 mars 1932.
Selon les registres scolaires datant de 1935, William, aussi connu sous le nom de Billy, a fréquenté l'une des quatre écoles de Norway House. L'un de ses camarades de classe était Joe Keeper.
« Je me souviens que c'était un petit garçon blanc » et « pas un garçon autochtone », affirme M. Keeper.
Selon les journaux de l’époque, la famille Turpel a quitté Norway House en 1939, peu après que Billy eut commencé à souffrir du diabète, et n'y est jamais retournée.
Mme Turpel-Lafond pense que son père a été adopté
Mary Ellen Turpel-Lafond a été questionnée par CBC au sujet de ses racines autochtones, à la suite de la découverte de ces documents. Elle a refusé de répondre ou de dire qui étaient, selon elle, les parents biologiques de son père.
L’avocate a expliqué qu’elle est crie, car « (son) père, William, était cri ».
« Mon père a été élevé en parlant cri, avec des valeurs, des croyances et un mode de vie cris (…) avec la chasse, le piégeage et la pêche. »
Dans sa correspondance avec CBC, Mme Turpel-Lafond a également affirmé qu'une femme crie avait adopté et élevé son père.
« La sage-femme, Mary Clarke, a adopté mon père, dit-elle. Elle avait perdu un fils et elle a fini par prendre mon père comme fils ». Sa sœur, Melinda Turpel, tient le même discours. Les deux femmes n'ont pas été en mesure de fournir des preuves pour étayer ces affirmations concernant l'adoption.
Selon les registres de recensement, une femme crie appelée Mary Fletcher, dont le nom de famille avant le mariage était Clarke, a vécu à Norway House en 1926. CBC n'a pu trouver aucun document reliant Mary Fletcher et la famille Turpel.
Cependant, selon Joe Keeper, une jeune femme crie nommée Mary Poker, une parente éloignée, a travaillé comme femme de ménage pour les Turpel pendant leur séjour à Norway House.
Après avoir examiné les documents historiques disponibles, Mark Humphries, professeur d'histoire de l'Université Wilfrid Laurier, à Waterloo, a déclaré qu'il semble que Billy est considéré comme étant le fils de William Nicholson Turpel et Eleanor Turpel.
« Lorsque vous voyez toutes ces archives s'aligner, il serait très difficile pour moi, en tant qu'historien, de ne pas conclure que le garçon né à Victoria était en fait l'enfant de William et Eleanor Turpel », dit-il.
Une demande de transparence
La professeure d'études autochtones à l'Université de Saskatchewan Winona Wheeler estime que Mme Turpel-Lafond doit des réponses au public sur son ascendance, car elle a mené une carrière médiatisée en se présentant comme Autochtone des traités.
Selon elle, si une personne prétend être Autochtone des traités, elle devrait être en mesure de désigner un de ses parents sur les listes de traités, qui, selon elle, peuvent être trouvées en ligne.
« J'ai la feuille de paie originale des annuités du traité pour Norway House, déclare Mme Wheeler. Aucun Turpel. »
CBC a contacté le bureau de la bande de la Nation crie de Norway House. Toutefois, la base de données qui, selon elle, comprend tous les membres, vivants, décédés ou transférés à une autre bande depuis 1970, ne présentait aucun membre ayant le nom de Turpel.
« C'est la première fois que je suis conscient que (Mme Turpel-Lafond) a un lien quelconque avec Norway House. »
Selon un article paru en 1991 dans le journal étudiant hebdomadaire de l'Université Carleton, The Charlatan, Mme Turpel-Lafond a déclaré que son père était un Autochtone inscrit. L'article indique que, dans les années 1950, le père de Mme Turpel-Lafond « a vendu son statut pour pouvoir acheter une camionnette et lancer une entreprise ».
Le journal précisait que, lorsque le père de Mme Turpel-Lafond a renoncé à son statut, cela signifiait qu'elle-même ne serait plus une Autochtone inscrite. L'article indique que Mme Turpel-Lafond a essayé de récupérer son statut.
« L'idée que vous puissiez avoir une seule définition pour tous ces différents groupes culturels et historiques est offensante. »
Le gouvernement fédéral a créé un décret qui permet de rechercher toute personne qui a renoncé à son statut, mais il n'y avait aucun Turpel sur la liste. Le processus requiert de nombreux documents, soit la preuve que le parent d'origine était inscrit et les documents qui indiquent qu'il a renoncé à ce statut, mais Mme Turpel-Lafond a refusé de fournir ces documents.
Pour sa part, un avocat de la Nation crie Muskeg Lake, Drew Lafond, soutient qu’on met trop l'accent sur l'ascendance biologique et la documentation dans la preuve de statut autochtone.
« L'autochtonie n'est jamais une question de savoir qui vous prétendez être, mais fondamentalement de savoir qui vous revendique comme faisant partie de sa communauté », écrit M. Lafond, qui est le président de l'Association du Barreau autochtone.
M. Lafond critique également le fait que de nombreuses communautés s'appuient sur la Loi sur les Indiens du Canada, qu'il considère comme une « construction coloniale » imposée aux Autochtones.
Le chef du conseil tribal de Saskatoon, Mark Arcand, également membre de la Nation crie Muskeg Lake, affirme que ce sentiment est partagé par certains membres des Premières Nations au sujet des cartes de statut autochtone, car le système a été imposé par le gouvernement fédéral.
Lorsque CBC a demandé à Mme Turpel-Lafond de montrer sa carte de statut autochtone ou même d'indiquer si elle en a une, elle a refusé. Elle a également refusé d'offrir tout document démontrant son arbre généalogique autochtone.
« Je n'ai pas fourni et ne fournirai pas de documents personnels confidentiels avec un quelconque média », soutient Mme Turpel-Lafond dans un courriel.
Accueillie par la Nation crie de Muskeg Lake
Au milieu des années 1990, Mme Turpel-Lafond a épousé George Lafond, un homme de la Nation crie Muskeg Lake. Elle affirme qu’elle est alors devenue membre de cette nation.
Questionné à ce sujet, le chef de la Nation crie Muskeg Lake, Kelly Wolfe a expliqué que la loi sur l'appartenance à la bande stipule que si un non-Autochtone a été adopté par un membre de la bande, il est possible que cette personne devienne elle-même membre.
« Nous considérons que Mary Ellen a un statut complet », ajoute M. Wolfe.
CBC a demandé à M. Wolfe si Mme Turpel-Lafond était une Autochtone inscrite, selon la liste du gouvernement fédéral. Il a répondu : « Il faudrait que je fasse un suivi à ce sujet. Vous savez, je n'ai pas accès à notre registre en ce moment. »
M. Wolfe a promis de faire un suivi, mais il n'a jamais rappelé CBC ou répondu aux autres messages.
CBC a parlé avec Ovide Mercredi, ancien grand chef de l'Assemblée des Premières Nations et l'ancien chef de la Nation crie Misipawistik.
« Je ne doute pas qu'elle ait des ancêtres cris. »
« Je ne connais pas les détails en termes de liens avec quelle famille et tout cela, mais je ne remets pas en question son identité et je ne doute pas qu'elle puisse montrer ses liens avec une certaine famille de Norway House », dit-il.
Il a déclaré qu' « il est malheureux qu'elle soit placée dans la position d'avoir à prouver qui elle est », compte tenu de ses réalisations.
Pour sa part, l'autrice et avocate autochtone de la Nation crie Red Pheasant, Michelle Good, souligne que de nombreuses bandes au Canada adoptent des personnes non autochtones dans leurs communautés. Elle reconnaît l'importance des liens communautaires .
Toutefois, Mme Good dit que les liens communautaires ne transforment pas les non-Autochtones en Autochtones.
« Ces personnes sont accueillies, chéries, encouragées et soutenues et, dans de nombreux cas, elles ont accompli un travail remarquable au nom de la communauté, indique-t-elle. Cependant, cela ne fait pas d'elles des Autochtones. »
Des doutes sur des informations universitaires
Selon l'enquête de CBC, dans les années 1990, Mary Ellen Turpel Lafond avait indiqué sur de nombreux documents qu'elle avait obtenu un doctorat en sciences juridiques de Harvard en 1990.
Toutefois, Mme Turpel-Lafond a confirmé plus tard à CBC qu'elle avait obtenu le doctorat en 1997.
« J'ai terminé mes cours et ma thèse avant, mais j'ai reçu le diplôme en 1997 après avoir satisfait à certaines exigences administratives finales, notamment le paiement des frais d'études », dit-elle.
Son curriculum vitae de 2018 affirme également qu'elle a obtenu une maîtrise en droit international de l'Université de Cambridge en 1988. Toutefois, CBC a découvert que cette affirmation est fausse. En avril 1989, l'Université lui aurait décerné un « diplôme en droit international ».
« J'ai un diplôme en droit international de l'Université de Cambridge, un programme équivalent à une maîtrise en droit. »
Par contre, dans un courriel, un responsable du bureau des admissions de Cambridge affirme que la maîtrise en droit international et le diplôme en droit international sont des certificats différents.
DSG
il y a 2 ansOne is free to choose his/hers gender, but not cultural affinity.
Anonyme
il y a 2 ansLe wokisme en vogue au gouvernement fédéral enjoint, par exemple, d'accepter les reventications subjectives des trans ("Je pense trans, donc je suis trans", pour paraphraser Descartes), mais lorsque la revendication vise une appartenance autochtone il faudrait qu'elle soit ancrée dans quelque chose d'objectif (en remplissant des exigences prescrites dans la très "patriarcale" Loi sur les indiens, par exemple). Ce qui pourrait apparaitre comme un deux poids deux mesures répond toutefois à la logique wokiste: tout le monde peut vouloir être inverti afin de tenter de gruger le territoire de l'homme blanc cis-genre, mais la tarte idéologique des rentiers du tribalisme autochtone ne se partage qu'au sein d'un club select, même lorsqu'on s'inscrit dans la lutte contre le "colonisateur".
Le wokisme a ceci d'intéressant qu'il contient le germe de sa propre destruction, alors regardons ses adeptes s'attaquer entre eux, et tels des lutteurs se bagarrant dans un "Royal Rumble"*, à la fin il n'en restera plus qu'un, qu'on pourra mettre dans un musée.
* https://www.youtube.com/watch?v=-XPi2RKYPX0
Pirlouit
il y a 2 ansOuf une vraie thèse de doctorat. Les origines indiennes de quelqu'un c'est vraiment sans intérêt.