DPCP: une décision prévisible, mais profondément injuste

Louise Langevin, Lorraine Guay Et Diane Lamoureux
2016-11-29 10:15:00

Nous pensons, à l’instar de l’observatrice indépendante Fannie Lafontaine, qu’une telle enquête n’était probablement pas le cadre le plus approprié pour traiter les enjeux soulevés par les femmes autochtones. On peut difficilement régler un problème politique et personnel par des moyens judiciaires. Car il y a autre chose en jeu ici : à la fois le racisme et le sexisme systémiques qui nourrissent la triste réalité des femmes autochtones et de celles disparues ou assassinées pour lesquelles le gouvernement fédéral a créé une commission d’enquête dont nous espérons que les conclusions ne finiront pas sur des tablettes.
Quand des policiers enquêtent sur d’autres policiers, le soupçon de partialité est toujours présent, d’autant plus que ceux-ci manifestent un esprit de corps très important. De plus, de telles enquêtes ne peuvent viser que des cas précis et non mettre en cause la logique d’un système. Or il nous semble que l’attitude de la police envers les autochtones est profondément teintée de racisme et que celui-ci est systémique.
Impunité des corps policiers
Ce racisme s’inscrit dans les politiques coloniales que les divers pouvoirs politiques ayant existé sur le territoire du Québec et du Canada depuis sa « découverte » au XVIe siècle ont entretenues à l’égard des populations autochtones. Ce colonialisme engendre la tendance à traiter les autochtones comme des administrés dénués de droits (logique de la Loi sur les Indiens) dont on peut piller le territoire et qui ne bénéficient aucunement du respect et de la dignité qui sont pourtant garantis par nos Chartes.

Dans le cas des femmes autochtones, ce racisme se conjugue avec un sexisme tout aussi systémique qui fait en sorte que la culture du viol puisse exister et prospérer. Là encore, l’impunité est trop souvent de mise. Dans un monde où on peut se faire élire à la présidence des États-Unis en pensant que richesse et célébrité permettent de traiter les femmes comme des objets à disposition des riches et célèbres et où un animateur de radio est innocenté parce que les plaignantes ne sont pas des « témoins crédibles », il est plus que nécessaire de dire aux femmes autochtones, de Val-d’Or et d’ailleurs, que nous les croyons et que nous admirons leur courage à dénoncer les crimes commis à leur encontre.
Mais nous ne pouvons pas taire notre indignation devant le fait que, pour pouvoir faire juger et condamner les auteurs d’agression sexuelle, il faille que la victime soit un « témoin parfait ». L’agression sexuelle est le seul crime où c’est principalement le comportement de la victime qui est jugé.
Des situations inacceptables
Peu importe que la victime fasse de la prostitution, se drogue, consomme de l’alcool, appartienne à un groupe racial ou à un autre, ou porte une ceinture de chasteté, l’agression sexuelle devrait être sanctionnée comme tous les autres crimes. Face aux résultats d’une telle enquête, il est aisé de comprendre pourquoi si peu de victimes portent plainte. L’impunité dont bénéficient la plupart des agresseurs n’est qu’un indice de ce sexisme systémique.

Une telle commission fournirait un cadre dans lequel les femmes autochtones devraient pouvoir s’exprimer en toute confiance et rendre publiques les violences qui leur sont infligées, afin que nous puissions trouver ensemble des façons de mettre fin à l’impunité dont jouissent actuellement les agresseurs. Nous osons espérer que, cette fois-ci, Québec ne fera pas le gros dos en attendant que la tempête passe…
Lorraine Guay et Diane Lamoureux sont respectivement militante féministe, et professeure au Département de science politique de l'Université Laval.
Anonyme
il y a 8 ans"Peu importe que la victime fasse de la prostitution, se drogue, consomme de l’alcool, appartienne à un groupe racial ou à un autre, ou porte une ceinture de chasteté, l’agression sexuelle devrait être sanctionnée comme tous les autres crimes."
Quand la victime ne peut pas reconnaître son agresseur et qu'elle ne fournit pas assez de détails pour que la preuve circonstancielle puisse pointer vers un suspect, on fait quoi? On accuse tous les policiers qui ont travaillé à Val D'Or entre 2000 et 2016???
Je comprends que le système puisse être démoralisant pour les victimes, mais avant de dire que les crimes sont impunis, il faut savoir pourquoi personne n'est accusé. On n'accuse pas simplement parce que quelqu'un mentionne avoir été victime d'agression sexuelle. Il faut de la preuve, tant sur l'identité que sur les circonstances de l'agression.
On a beau dire que M. Untel m'a agressé, si on n'est pas capable de donner d'autres détails, par exemple, quand, où, commet, je suis désolé, mais ce n'est pas plus suffisant pour porter des accusations contre M. Untel.
Francois Desrochers
il y a 8 ansJe suis étudiant en droit, 3e année. Je suis également retraité avec 25 années de service au sein de la GRC. Je suis consterné par le titre de l'article. Comment deux professeures de droit peuvent-elles affirmer que la justice est injuste ? La loi existe et il y a un fardeau de preuve qui doit être rencontré pour déclarer un individu coupable. Nous savons très bien que la présomption d'innocence est à la base du système pénal.
Ce peu être sûrement malheureux de subir de telles violences et que ce ne soit pas sanctionné. Malheureusement, des "injustices" de ce type, il y en a des dizaines à chaque jour dans les cours de justice criminel au Québec. Est-ce qu'au Canada l'on a pas choisi entre mettre un coupable en liberté plutôt qu'un innocent en prison ? C'est peut-être "injuste" mais c'est le prix de notre système de justice.
L'article semble conclure que tous les policiers du poste de Val-d'Or jouissent d'une impunité inconditionnelle. Il faudrait peut-être aller sur le terrain et passer quelques semaines dans une auto-patrouille pour porter un jugement aussi fort. Ce n'est pas avec un tel discours que l'on va établir des bonnes relations entre les autochtones et les policiers. L'impartialité me semble de mise, on devrait se concentrer sur les solutions plutôt que les condamnations sans faits.
Merci.
Anonyme
il y a 8 ans''On peut difficilement régler un problème politique et personnel par des moyens judiciaires.''
Ça résume bien une partie du problème. C'est comme le droit international. 90% de politique, 10% de droit...