L’Apostille : un processus simplifié de légalisation internationale
Adrien Tillet
2024-02-22 11:15:37
Focus sur les enjeux juridiques entourant la procédure d’apostille…
Le 11 janvier 2024, une nouvelle procédure est entrée en vigueur pour la légalisation des documents émis au Québec et plus largement au Canada et qui ont vocation à être déposés auprès d’autorités étrangères, qu’il s’agisse de simples justificatifs administratifs pour l’obtention de permis quelconques ou de véritables preuves au soutien de procédures judiciaires internationales.
Tour d’horizon d’un nouvel outil qui pourrait simplifier votre façon de faire des affaires et qui servira à vos liquidateurs et fiduciaires ou à vos responsables de la conformité et des affaires internationales.
Une nouveauté vieille de 60 ans
Disons-le d’entrée de jeu, le Canada était une des seules puissances mondiales à ne pas avoir adhéré, à l’origine ou au fil des années, à la Convention du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers et, malgré le caractère exhaustif du régime de droit international privé du Code civil du Québec, cela posait des problèmes pour l’import et l’export de documents légaux ou gouvernementaux connaissant un élément d’extranéité.
À la place de pouvoir utiliser un format standardisé identique de part et d’autre (car l’Apostille est avant tout un format de légalisation plutôt qu’une démarche de droit positif), il fallait empiler les procédures et régimes applicables :
- Pour produire un document québécois ou canadien à l’international, il fallait obtenir une première certification provinciale d’une autorité constituante (comme un ordre professionnel) puis la faire contresigner par le gouvernement fédéral et enfin obtenir le sceau d’une représentation diplomatique du pays en question.
- Pour produire un document étranger au Québec, il fallait souvent obtenir des opinions de jurisconsulte conformes à l’article 2809 du Code civil du Québec puis satisfaire aux critères d’un moyen de preuve comme l’acte semi-authentique.
Dans le cas de la production d’un document québécois ou canadien à l’international, la multiplication des intervenants engendrait coûts et délais peu compatibles avec le rythme des affaires : en 2023, le délai de traitement du seul gouvernement fédéral a atteint jusqu’à 75 jours ouvrables sans compter que certains pays n’ont pas ou plus de représentation diplomatique au Québec.
Or, sans crier gare, le Canada a finalement ratifié le 12 mai 2023 la Convention du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers. La nouvelle était passée inaperçue dans la mesure où Affaires mondiales Canada n’avait à l’époque donné aucune visibilité au milieu juridique quant à la réalité législative et réglementaire de cette ratification en droit interne canadien.
Un processus délégué à la province
Depuis lors, et en se reposant sur la compétence provinciale de droit privé de la constitution canadienne, le gouvernement fédéral a désigné certaines provinces, dont le Québec, comme autorités habilitées à délivrer l’Apostille.
En effet, l’intégrité du processus de l’Apostille repose à travers le monde sur la désignation par chaque partie signataire d’une seule autorité habilitée à se prononcer sur l’intégrité des actes qui lui sont présentés.
Le 6 décembre dernier, l’Assemblée nationale du Québec a adopté la Loi sur l’apostille des documents destinés à être produits dans un État étranger parti à la Convention de La Haye du 5 octobre 1961 supprimant l’exigence de la légalisation des actes publics étrangers pour déterminer les modalités qui lui seront applicables.
Aux termes de cette loi, l’ancienne façon de faire est officiellement invalidée, et ce, sans aucune mesure de droit transitoire : selon nos informations, tous les dossiers québécois déposés devant Affaires mondiales Canada sous l’ancienne façon de faire et encore pendants au 11 janvier 2024 seront purement et simplement rejetés.
C’est désormais le ministère de la Justice du Québec qui est habilité à délivrer l’Apostille sur demande du justiciable, de l’avocat ou du notaire et pour des frais fixes de 65 $.
Après un délai de traitement prévu de 10 jours ouvrables et suite à la réception du document portant l’étampe idoine, celui-ci pourra immédiatement être produit comme un document local devant la juridiction étrangère sans qu’il soit besoin de passer par un consulat, une ambassade ou un haut-commissariat de ce pays au Canada.
Une vérification diligente préalable demeure nécessaire
Malgré cet effort de simplification administrative, tous les documents légaux ou d’affaires ne sont pas éligibles à l’Apostille, comme certaines photocopies conformes. De même, certains actes requièrent quand même une validation préalable par un ordre professionnel.
De plus, même si l’Apostille garantit l’intégrité formelle du document présenté, des opinions de droit international peuvent encore être nécessaires pour en expliciter l’équivalence fonctionnelle de leur contenu ou leur authenticité.
Dans ces conditions, nos équipes de droit des successions et fiducies est à votre disposition pour vous aider à faire bon usage de vos testaments, donations, actes de fiducie ou autres documents de travail, obtenir pour vous les certifications nécessaires et vous fournir tout le conseil juridique pertinent pour leur bonne utilisation en contexte international.
À propos de l’auteur
Adrien Tillet est notaire au sein des groupes de Successions, testaments et fiducies, de Droit des affaires et de Droit de la famille du cabinet Robinson Sheppard Shapiro.
Sa pratique vise principalement à accompagner des clients à besoins patrimoniaux ou humains particuliers : en amont par les testaments, contrats de mariages, actes de donation ou actes de fiducie familiale ou de type « Henson »; et en aval avec le règlement de successions à titre de notaire mandaté par le liquidateur ou directement à titre de liquidateur, mais aussi avec l’administration courante des fiducies et le conseil aux fiduciaires.