Choisir son domaine de pratique à l’université ?
Pierre Arcand
2020-01-15 14:15:00
Bonjour M. Arcand,
Je suis étudiante de deuxième année au baccalauréat en droit. Je ferai la course aux stages cet hiver et la préparation soulève diverses questions concernant mes intérêts pour les différents domaines de pratique. N'ayant qu'une idée floue de celle-ci, j'ai besoin de votre aide.
Bien qu'étant ouverte à tous domaines de pratique, les cours que je préfère sont ceux se rapprochant de « grands principes », tels que les cours de droit constitutionnel, de droit administratif et d'interprétation juridique, plutôt que ceux pouvant être qualifiés de plus cléricaux et se résumant à la compréhension d'articles tels que le droit des obligations et le droit des sûretés.
À quels domaines puis-je donc rapprocher cette préférence ?
Réponse :
Chère lectrice,
J’ai le malheur de vous apprendre que vous ne pouvez absolument pas vous baser sur un ou plusieurs cours afin d’orienter votre carrière. Certes, l’expérience vécue à la faculté constitue un premier aperçu des différents domaines de droit mais le contexte de la pratique dans ces domaines n’est jamais considéré (ou en de très rare occasions).
Par exemple, vous aimez les grands principes soulevés par le droit constitutionnel. Si vous désirez enseigner à l’université ou travailler en politique, ça pourra être utile mais la pratique en cabinet ou en entreprise n’a que peu de chance de vous soumettre des questions constitutionnelles. Quant à l’interprétation juridique, vous en ferez indirectement peu importe votre domaine de pratique.
Voici une autre raison de ne pas se fier à vos cours pour faire votre choix de carrière : votre perception est grandement influencée par la performance de l’enseignant. Or ledit enseignant ne sera pas là lorsque vous pratiquerez. Petit fait vécu : j’ai adoré mon cour de droit constitutionnel 1 mais j’ai détesté constitutionnel 2 simplement à cause de l’approche du type « grande rhétorique sans application dans la vie de tous les jours » de mon second professeur.
Alors sur quoi vous baser pour faire votre choix ? Vous êtes en deuxième année, vous avez donc encore du temps même si la course aux stages est à votre porte. D’ailleurs, un des avantages de faire son stage dans un grand cabinet est que vous ferez sans doute une rotation dans les différents groupes afin d’être en mesure de faire un choix plus éclairé sur votre domaine de pratique. Vous n’avez donc pas à prendre une décision pour le moment.
Vous vous demandez quoi répondre si on vous interroge ? Posez-vous d’abord les trois questions suivantes (desquelles découlent plusieurs autres …).
1- Voulez-vous plaider ? Vous êtes timide. Vous n’aimez pas les argumentations. Les relations interpersonnelles ne sont pas votre force. Vous avez votre réponse et dans ce cas vous auriez avantage à exclure le litige de vos choix. Si vous êtes à l’autre extrême, alors le litige peut être une option. Litige d’assurance ? Litige en droit commercial ou en droit du travail ? Pas nécessaire d’aller si loin dans votre réflexion. Vous voulez plaider c’est tout. Ou à tout le moins, essayer afin d’être en mesure de faire votre choix.
2- Êtes-vous intéressée par les affaires ? Non, les notions de rentabilité, de profits et de concurrence vous donnent de l’urticaire et vous ne comprenez rien aux chiffres. Excluez le droit commercial / transactionnel et optez pour des secteurs plus orientés vers les relations humaines comme le droit du travail. Si vous êtes passionnée par la business, vous avez une partie de réponse.
3- Quel type d’environnement de travail vous est bénéfique ? Vous êtes une « one woman show » ? Vous avez besoin de vous sentir encadrée, de faire partie d’une équipe ? Vous êtes une vendeuse naturelle ? Vous évitez les environnements compétitifs ? Vous avez besoin d’une certaine sécurité financière ? Aimez-vous être dans l’action ou dans la réflexion ? etc, etc…
Les réponses vous aideront à définir ce qui vous convient comme environnement et par le fait même, les secteurs qui sont les plus susceptibles de vous rendre heureuse. Par exemple, sans tenir compte des tâches en tant que telles, pratiquer en propriété intellectuelle ou en droit constitutionnel n’offre pas les mêmes stimulations que la pratique en droit criminel ou le fait de plaider régulièrement en assurances. Travailler en droit de la santé ne vous met pas en contact avec les mêmes personnes que si vous exercez en litige de la construction (je généralise grossièrement ici…). Une bonne séance d’introspection est vivement recommandée.
Les réponses combinées de ces trois catégories de questions vous en apprendront beaucoup plus sur les domaines de pratique pouvant vous rendre heureuse que tous vos cours de droit réunis. Les mêmes réponses pourraient également vous aider à identifier les employeurs qui ont le plus de chance de vous apporter le bonheur professionnel. Les grands cabinets, les petits cabinets, vous-même, une entreprise, le gouvernement, etc…
En terminant, je vous répète que vous avez encore amplement le temps de vous pencher sur la question de votre domaine de pratique et qu’en plus, la vie risque de prendre sur elle de faire ce choix à votre place. Vous avez donc tout avantage à vous garder le plus de portes ouvertes possibles.
J’espère que ma réponse pourra vous aider et je souhaite à tous un excellent début d’année 2015.
La Question au Recruteur
Chaque semaine, le recruteur juridique Pierre Arcand répond à une question posée par vous, chers lecteurs.
La Question au Recruteur de la semaine est choisie parmi toutes celles reçues sur le site. Toutes les questions sont bonnes pour autant qu’elles concernent votre carrière de juriste.
Sur l'auteur
Pierre Arcand s'est spécialisé en recrutement juridique après avoir pratiqué le droit pendant une douzaine d'années. Ayant été associé au sein de cabinets boutiques ainsi que d'un important cabinet de Montréal, il connaît bien la communauté juridique et les enjeux reliés à la pratique du droit tant en cabinet qu'en entreprise. Arcand et Associés, une entreprise spécialisée dans le recrutement de cadres et de professionnels, a été fondée en 1999. Pierre Arcand et son équipe apporte un soutien professionnel tant aux entreprises qu'aux cabinets qui cherchent à recruter les meilleurs candidats disponibles.
Me
il y a 4 ansExcellente année 2015 à vous également.