L’entrevue de Jacques Delisle minute par minute
Agence Qmi
2015-03-20 13:44:00
Dans la foulée de cet ultime recours, Jacques Delisle, qui n’a pas témoigné à son propre procès, émet pour la première fois une nouvelle version des faits, soit celle qu’il aurait aidé sa femme gravement malade à mettre fin à ses jours. Voici ce qu'il a déclaré lors d'une entrevue accordée à l'émission Enquête à Radio-Canada.
21h06
Ça va bien?
«C’est une question à ne pas poser à quelqu’un en détention, surtout quand on est en détention pour un crime qu'on n’a pas commis.»
21h07
Au sujet du jour de son arrestation
«J'étais surpris, je suis tombé en bas de ma chaise.»
Est-ce que la détention est difficile?
«Au départ j’ai connu des petites périodes difficiles. Par exemple je lisais dehors, et je me suis fait tirer des pommes, des cailloux. Mais avec le temps tout ça s'est estompé.»
21h08
«Ce qui est le plus dur, c’est d’accepter d’être ici.»
«C'est la première fois que je parle parce que je veux que les gens sachent ce qui s'est réellement passé ce matin-là.»
21h09
Pourquoi ne pas avoir collaboré davantage avec les policiers?
«Parce qu’au départ, je n’ai pas aimé leur attitude à mon égard.»
21h10
Il donne sa version des événements, le matin du décès de sa femme, le 12 novembre 2009.
«Nicole prenait son petit déjeuner, et j'ai remarqué qu'elle n'avait mangé que la moitié. Elle s'est levée, m'a dit “vient t'asseoir”. Elle m’a dit “je n'en peux plus, je veux le pistolet à l'arrière”.»
«Je lui ai dit : qu'est-ce qui se passe? S'en est suivie une très longue discussion.»
«Je lui ai dit Nicole, voudrais-tu que j'appelle de l'aide? J'essayais de la dissuader. Ça a duré sûrement une grosse heure.»
«Plusieurs fois elle revenait avec son désir d'en finir, il (son désir) était ferme. J'essayais de la dissuader.»
À ce moment vous croyez vraiment qu’elle veut mettre fin à ses jours?
«Y'a aucun doute dans mon esprit.» «On avait déjà eu dans le passé des discussions sur le droit d'une personne de mettre fin à ses jours quand sa vie est misérable.»
«Après la discussion, je suis allée chercher l'arme, qui était sur le haut de la bibliothèque.»
21h15
«Elle était dans une boîte, j'ai inséré le magasin qui avait trois balles dans le pistolet. J'ai déposé la boite du pistolet sur la table en face de là où elle était assise.»
«Je l'ai serrée dans mes bras, je l'ai embrassée. Je lui ai dit je suis là pour toi. Promets-moi une chose s'il-te-plaît, promets-moi de réfléchir avant de poser ton geste.»
«La dernière chose qu’elle m’a dite, c’est : Jacques laisse-moi tranquille, laisse-moi une heure. Et elle m'a dit : “dis bonjour à tout le monde”».
21h16
Parlant de son retour au condo après avoir quitté une heure...
«En ouvrant la porte, j'ai vu Nicole sur le divan pleine de sang. J'ai couru vers Nicole, je me suis agenouillé devant elle. Je n’ai pas pu l’embrasser, elle avait le visage plein de sang, dirigé vers le mur. Je me suis penché, j’ai mis ma tête sur sa poitrine. Et là j'ai dit : “Nicole, Nicole”. J'ai pleuré.»
21h22
Commentant son appel au 9-1-1...
«J’étais sous le choc, on le sent très bien dans ma voix que je suis sous le choc.»
«Il faut que vous sachiez que je n’ai pas tué Nicole.»
Pourquoi ne pas avoir donné cette version aux policiers?
«Je ne voyais pas la nécessité de dévoiler ce qui s’était passé parce que je craignais la réaction de mes enfants, de mes proches et des gens en général. Je vous concède que c’était stupide de ma part.»
21h23
«Cette arme-là, elle a été 25 ans verrouillée dans le tiroir de mon bureau. (...) Je n’étais pas tout à fait moi-même quand j’ai découvert Nicole ensanglantée sur le sofa.»
Charles Levasseur, ex-procureur de la Couronne, questionné sur cette version de Delisle
«Je suis très surpris. Est-ce que ça aurait changé le portrait? Honnêtement, probablement. Ça aurait changé l’approche et la théorie de la poursuite. Est-ce que le chef d’accusation aurait été différent? Je ne peux pas vous dire.»
21h25
Delisle, à propos de la mort de sa femme selon sa nouvelle version
«Objectivement, légalement c’est un crime, mais pour moi ce matin-là, c’est pas ce à quoi j’ai pensé. Ce matin-là, je répondais au cri du cœur de Nicole, je ne commettais pas à un acte, une offense criminelle.»
21h26
Pourquoi ne pas l’avoir dit pendant le procès?
«J’ai rencontré Me Larochelle, j’ai tout dit ce que j’étais pour dire. Mais le dimanche soir vers 8h30, la conjointe de mon fils, Dominique, est venue me voir et m’a supplié de ne pas témoigner.»
«Elle m’a dit que ses propres enfants se faisaient agacer à l’école. Qu’il s’en était déjà trop dit à mon égard, que c’était affreux pour la famille de supporter tout ça.»
21h28
En entrevue, ses enfants et sa belle-fille corroborent cette version.
Jean Delisle, son fils
«Comment allait-on expliquer aux petits-enfants que grand-papa avait aidé grand-maman à s’enlever la vie?»
Dominique, sa belle-fille
«Si je n’avais pas eu cette conversation-là (avec Jacques Delisle), il aurait certainement témoigné. Si je me sens coupable? C’est sûr que oui.»
21h29
Me Jacques Larochelle, son avocat, sur le témoignage
«Il avait une volonté ferme de témoigner, et le matin, sa volonté était complètement disparue.»
21h45
Croit-t-il avoir été jugé plus durement parce qu'il est un juge?
«Je pense que oui.»
21h46
Il remet en question le système de jury :
«Je ne sais pas ce qui s'est passé lors des délibérations... Mais je suis un petit peu renversé qu'on ait délibéré que deux jours sur cette preuve très technique. C’était d’une naïveté déconcertante que de penser que pendant un procès qui dure cinq semaines, il n’y a personne qui va parler aux jurés. Est-ce vous vous penser réellement que les jurés qui retournent à la maison n'entendront jamais parler du procès?»
21h49
«Même si je n’ai pas commis de crime, légalement, je suis un criminel. Est-ce que c'est quelque chose dont les enfants sont fiers? Même mes petits-enfants se faisaient agacer à l'école. Comment voulez-vous supporter ça?»
Ça vous affecte encore?
«Oui, ah oui....»
Questionné sur les nombreux éléments qui jouaient en sa défaveur dans le procès (n’a pas collaboré avec les policiers, avait une arme prohibée, trompait sa femme malade, etc.)
«Y'a pas grand chose dans tout ça monsieur. Je ne suis pas le premier homme à avoir une relation extra maritale. J'aimais Nicole, j'aimais Mme Plamondon. Ça ne fait pas de moi pour autant un meurtrier.»
Jean Delisle, son fils, à propos du procès et de ma médiatisation
«On ne s'attendait pas à ça... des mois, des mois et des mois, ça n'a pas arrêté.»
21h52
Sur la décision de la Cour d’appel dans sa cause :
«J’ai définitivement de l'incompréhension à l'égard de cet arrêt-là. Je n'en reviens pas. Je les comprends jusqu'à un certain point, parce que moi-même à la Cour d'appel, M. Hinse, je me suis trompé. S'il m'écoute, je lui demande pardon.»
Jean Delisle, son fils
«C'est un cauchemar. C'est dur, ça n'a pas de bon sens. Mais on est ici pour le sauver. Cette journée-là, on a perdu notre mère, notre père et là, on veut le sauver.»
Élène Delisle, sa fille
«On ne perd pas espoir... C'est ce qui le tient en vie mon père, sinon il ne serait plus là.»
21h54
Delisle sur sa version des faits
«Je n’ai pas de contrôle sur ce que les gens peuvent penser ou dire, sauf que moi, je vous dis la vérité. C'est réellement ce qui s'est passé. Il est à peu près temps que je la dise. Je veux voir la lumière au bout du tunnel. Je veux que ce cauchemar cesse à un moment donné.»