Le projet de loi 96 sera contestable devant les tribunaux, selon le Barreau
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Radio -Canada
2020-09-30 10:15:00
C'est du moins l'avis du Barreau du Québec, convaincu que le projet de loi 96 parrainé par le ministre Simon Jolin-Barrette n'est pas en terrain solide sur le plan juridique, et ce, malgré l'inclusion d'une clause visant à déroger aux chartes des droits.
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Le gouvernement a inclus une disposition dérogatoire à son projet de loi 96, en vue de le soustraire à d'éventuels recours judiciaires.
En mai, au moment du dépôt du projet de loi, le premier ministre François Legault avait justifié son geste en disant que « le fondement même de notre existence comme peuple francophone en Amérique » était en jeu. Il fallait faire primer les droits collectifs sur les droits individuels. Le ministre Jolin-Barrette avait rappelé de son côté que la loi 101 adoptée en 1977 avait été largement charcutée par les tribunaux.
Le recours à cette clause, prévue à l'article 33 de la Loi constitutionnelle de 1982, est un procédé tout à fait légal, reconnaît le Barreau. Mais un tel geste pourrait entrer en collision avec les droits constitutionnels conférés par l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867, c'est-à-dire le droit de tout citoyen d'utiliser la langue française ou la langue anglaise quand il se présente devant un tribunal.
Or, « on ne peut pas déroger » à l'article 133 de la loi de 1867, a rappelé Me Sylvie Champagne, une porte-parole du Barreau.
Selon l'analyse du Barreau, plusieurs aspects du projet de loi sont susceptibles d'être contestés en cour et éventuellement abrogés par les tribunaux.

Il propose de retirer du projet de loi l'exigence de fournir une version française d'une décision judiciaire écrite en anglais « immédiatement et sans délai », car cela pourrait miner l'indépendance des juges en raison des délais de traduction.
L'indépendance de la magistrature pourrait aussi être menacée, selon lui, par la volonté du gouvernement de renoncer à exiger le bilinguisme des nouveaux juges, sauf si le ministre de la Justice estime que la connaissance d'une autre langue que le français est vraiment nécessaire.
Un son de cloche différent
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Au contraire, cette disposition permet aux parlements « d'avoir le dernier mot sur certaines questions qu'ils considèrent comme fondamentales », a-t-il dit aux élus, convaincu que le Québec n'a pas abusé de cette clause dans le passé.
Il a rappelé cependant qu'aucune loi québécoise ne pouvait avoir préséance sur l'article 133 de la Loi constitutionnelle de 1867.
L'ex-ministre responsable des Relations intergouvernementales a dit souhaiter que le gouvernement Legault explore la possibilité de doter le Québec de sa propre constitution.
Il a dit aussi souhaiter que l'Assemblée nationale réaffirme la non-adhésion du Québec au rapatriement unilatéral de la Constitution canadienne, en 1982.