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Les travailleurs non vaccinés tentent de bloquer leur suspension en cour

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2021-10-28 13:30:00

L’avocate dit représenter 2000 travailleurs de la santé, de tous les corps de métier…
Me Natalia Manole. Source: journalmetro.com
Me Natalia Manole. Source: journalmetro.com
Québec pourrait perdre le pouvoir de suspendre sans solde les travailleurs de la santé non vaccinés, comme il prévoit le faire à compter du 15 novembre.

Bien que le premier ministre François Legault ait évoqué la possibilité de reporter cette échéance une nouvelle fois, c'est la Cour supérieure qui se trouve en position de dicter la marche à suivre.

Le juge Michel Yergeau a commencé à entendre mercredi la contestation du décret par les travailleurs de la santé non vaccinés. D'entrée de jeu, toutefois, il a clairement averti que sa décision sera prise indépendamment d'une éventuelle décision gouvernementale : « Si le gouvernement juge qu'il est préférable de reporter à une date ultérieure, le gouvernement fera les choix qu'il a à faire, mais je ne vais pas me mettre à la remorque de la décision gouvernementale. »

« Il y a un partage des pouvoirs au pays. Je représente le pouvoir judiciaire et je vais l'exercer comme tel », a tranché le magistrat, précisant qu'il rendra sa décision le 15 novembre à 8 h 15.

La Cour ne se penche pour l'instant que sur une demande de suspendre l'application jusqu'à ce que la question de fond soit réglée. Cette question de fond, à savoir si le décret qui oblige la vaccination des employés et qui prévoit leur suspension sans solde en cas de refus est légal et constitutionnel, ne sera abordée qu'en janvier.

Plus de mal que de bien

En matinée, c'est l'avocate des employés qui a amorcé sa plaidoirie, faisant valoir que la loi oblige le gouvernement à assurer la protection de la population et à « protéger, maintenir et améliorer » les services de santé.

Me Natalia Manole a ainsi argué que la décision du gouvernement de reporter la première échéance du 15 octobre, craignant qu'il y ait des ruptures de services, montre que le décret « ferait plus de mal à la population que de bien ».

Me Manole a pointé vers l'annonce de la fermeture de l'urgence de l'Hôpital de Lachine le soir et la nuit, et ce, avant même la suspension du personnel, comme un exemple de ce que causerait cette suspension à grande échelle. Elle a brandi le spectre d'une multiplication des décès, des reports de chirurgies, la fermeture de CHSLD et de lits d'hôpital à travers la province.

« Vous êtes le seul qui peut intervenir pour que cette situation ne se produise pas », a-t-elle plaidé.

Décès et souffrance

« Le décret va causer ces décès, la souffrance, des situations absolument catastrophiques. De dire que les décès des personnes n'est pas un préjudice irréparable, c'est illogique », a-t-elle ajouté à l'extérieur de la salle d'audience, faisant référence à la notion de préjudice irréparable qui est l'un des critères requis pour l'octroi d'une telle injonction.

Le juge Yergeau lui a cependant fait remarquer que le gouvernement a déjà reporté la date butoir lorsqu'il a constaté que la suspension des demandeurs aurait des conséquences dangereuses. Il a rappelé que son rôle se limitait à estimer la légalité du décret et non son bien-fondé sur le plan politique : « Si le gouvernement a pris la mauvaise décision, il devra en répondre à la population. »

Il a aussi rappelé à la juriste qu'il avait l'obligation de présumer que le gouvernement agit dans l'intérêt public. Me Manole a toutefois fait valoir, hors de la salle, que « par contre, et c'est ça la partie la plus importante, il a également le devoir d'analyser le décret et, donc, d'intervenir s'il considère que le décret n'agit pas dans l'intérêt public. »

Pas de preuve à l'appui

En après-midi, l'avocate représentant le procureur général du Québec, Me Stéphanie Garon, a écarté le scénario catastrophe évoqué par Me Manole, notant qu'il ne s'agissait, jusqu'à nouvel ordre, que d'appréhensions : « La preuve n'est pas faite à l'effet qu'au moment de l'application du décret le 15 novembre, le système va s'effondrer », a-t-elle déclaré.

Me Garon a invoqué la déclaration sous serment de la sous-ministre Lucie Opatrny voulant que « malgré l'anticipation d'une diminution de l'offre de certains soins, (la docteure Opatrny) s'est assurée personnellement que les soins critiques et urgents puissent être offerts ». Revenant à la charge, elle a de nouveau reproché à sa vis-à-vis d'exagérer : « Quand elle dit qu'il y aura des décès, ce n'est pas appuyé par la preuve non plus. »

L'avocate du gouvernement n'a pas manqué de souligner au passage qu'« actuellement, il y a des éclosions de COVID-19 dans les milieux de soins. »

Pas de débat d'experts

Le juge Yergeau s'est interrogé sur les raisons qui avaient mené le gouvernement à choisir d'imposer la vaccination plutôt que de maintenir les trois tests par semaine imposés aux employés non vaccinés : « Qu'est-ce qui explique que ce système, qui fonctionnait, ne fonctionne plus et qu'il faut maintenant, toujours au nom de la santé publique, avoir une exigence de vaccination? »

« La preuve ne permet pas de répondre à cette question », a reconnu Me Garon, mais elle a fait valoir que ces tests coûtent « plusieurs millions par semaine » au gouvernement, en plus de mobiliser d'importantes ressources humaines qui seraient plus utiles ailleurs.

En réplique finale, Me Manole a tenté à plusieurs reprises d'amener des études scientifiques lui donnant raison et a contesté celles invoquées par le gouvernement pour justifier le décret, mais après lui avoir demandé à quelques reprises de ne pas le faire, le magistrat a fini par perdre patience : « Je n'ai pas à trancher le débat d'experts, pas maintenant », a-t-il affirmé, puisque cette question relève davantage du débat de fond qui aura lieu en janvier.

Une vingtaine de manifestants opposés à la vaccination obligatoire des travailleurs de la santé manifestaient paisiblement à l'extérieur du palais de justice de Montréal en appui à la demande d'injonction.

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