Deux blancs complexes et déroutants

Il est l’œuvre du Québécois Patrick Piuze, qui a démarré en 2008 sa petite structure de négoce à Chablis. Il y vinifie, à partir de raisins sélectionnés chez des viticulteurs méticuleux, des Chablis d’entrée de gamme comme des premiers et grands crus. Son «Terroirs de Chablis» est le fruit d’un assemblage de raisins de plusieurs parcelles. Son nez est floral, très citronné, sent l’herbe fraîchement coupée. La bouche est complexe, mais tendue. Citron, poire et melon miel pas trop murs s’y côtoient dans la subtilité. C’est acidulé sans être astringent, très salin, très minéral, et très long en bouche. Un joli Chablis, croquant et gourmand à la fois, qui sera un régal sur les homards, les coquillages et pourquoi pas même les huitres!

Patrick Piuze, Terroirs de Chablis, Chablis 2012, Code SAQ : 11180334, 23,75$

Le second blanc du jour vient d’une région française, le Jura, méconnue et située entre Bourgogne et Suisse. Elle est microscopique dans le paysage viticole mondial. On y retrouve beaucoup de très petites exploitations, souvent bio, pas parce que c’est la mode, mais parce que c’est toujours comme ça qu’on a fait là-bas. Les domaines viticoles s’apparentant souvent plus au jardin domestique qu’à de la viticulture à grande échelle. Ça transparait dans le vin, qui est authentique et qui se fiche de toutes les tendances internationales. Les blancs du Jura sont souvent issus d’un cépage rare, le savagnin, vinifié sous voile. C’est à dire que dans la barrique, le vin entre en contact avec l’air ambiant, que la barrique n’est jamais remplie et le liquide jamais remué. On parle alors de vin non-ouillé. Il se forme un voile de levure au dessus du liquide, qui n’est pas complètement étanche et qui permet une légère oxydation des vins. En général, les consommateurs vénèrent ou détestent ça. Il n’y a pas d’entre-deux. Moi, je suis de la première catégorie, et le vin que je vous présente aujourd’hui est une belle initiation au style car il est assez typé, tout en demeurant facile d’approche. Il provient du domaine Berthet-Bondet, à Château-Châlon, capitale du vin jaune, autre particularité jurassienne. C’est un assemblage de chardonnay et savagnin élevé sous voile pendant deux ans. Au nez, le Jura explose. Ça sent les noix, les champignons, le sous-bois après la pluie, les épices, la croute de fromage comté (qui vient aussi du Jura!). En bouche, on retrouve ces noix, noisettes, Grenobles, et des champignons. C’est aussi très minéral, salé, épicé, du cari me semble-t-il, et acidulé. La matière est riche, grasse, et pourtant fraiche. C’est si long en bouche qu’on le goute encore plusieurs minutes après la dernière gorgée.

Il n’y a pas de meilleur vin pour accompagner un risotto aux champignons sauvages. Une suggestion dans ce cas, versez une demi-bouteille dans le risotto! Ou encore un poulet, de la truite aux noisettes et au persil, eux aussi cuits dans le vin, et des fromages relevés comme les comtés et les gruyères, entre autres.

Berthet-Bondet, Tradition, Côtes du Jura 2009, Code SAQ : 11794694, 25$