Non-voyant, il ouvre son cabinet!
Camille Dufétel
2023-04-12 15:00:00
Permis de travail ouvert ou fermé, résidence permanente, autorisations nécessaires pour investir au Canada, recrutement international… Sahrane Avocat, le cabinet de ce Barreau 2020, se dédie à l’immigration canadienne.
Il a décidé de fonder ce cabinet pour plusieurs raisons. « La première, c’est pour l’aspect entrepreneurial, dit-il. C’est palpitant de démarrer quelque chose à son propre nom, surtout lorsque l’on a les compétences pour. »
La deuxième est liée à son champ de pratique. L’avocat a été employé pendant une année au Ministère de l'Immigration, de la Francisation et de l'Intégration du Québec où il a entre autres effectué des tâches juridiques et surtout aiguisé sa connaissance du secteur de l’immigration.
Domaine d’avenir
Il pense que ce domaine sera de plus en plus porteur dans les prochaines années, surtout « avec les annonces faites par le gouvernement fédéral d’accroître les seuils d’immigration et de ramener près d’1,5 million de personnes d’ici 2025 », précise-t-il.
« Je suis persuadé qu’on en aura encore plus après, étant donné le vieillissement de la population, donc j’ai décidé de me lancer dans ce marché », explique l’avocat d’origine algérienne, qui a lui-même connu les défis liés aux démarches d’immigration à travers sa famille.
Pour lui, c’est vraiment un secteur dans lequel il ne suffit pas de cocher des cases et où il est important de faire appel à un professionnel.
Au-delà de l’aspect légal du droit de l’immigration auquel il se consacre, l’avocat travaille avec un partenaire sur l’aspect recrutement, afin de mettre des employeurs en contact avec des employés étrangers en amont.
S’il aide ses clients à obtenir un permis de travail par exemple, il leur fournit aussi des services pour que leur famille puisse par la suite être rapatriée. Il aide et conseille par ailleurs des étudiants et des personnes qui effectuent des parrainages, entre autres.
« Pour le moment, j’ai décidé de commencer avec ça, mais un de mes autres objectifs à l’avenir serait éventuellement de m’intéresser à l’immigration des entrepreneurs », pointe-t-il.
Structuration et publicité
L’avocat a mis son cabinet sur pied en novembre dernier mais c’est aujourd’hui qu’il arrive vraiment à la fin de sa structuration. Il prend peu à peu des dossiers et compte sur le bouche-à-oreille.
« On commence à mettre des pancartes dans des endroits où des communautés immigrantes circulent », souligne-t-il.
Me Sahrane travaille comme seul avocat, avec un soutien administratif. Il s’est renseigné auprès d’autres cabinets d’avocats dans le même secteur pour établir sa grille tarifaire.
Pour le côté administratif, son acolyte lui a été d’une grande aide. « Je ne vous cacherais pas que ce n’est pas ma force alors dans ce cas-là, mieux vaut déléguer ! », lance-t-il.
Il pourrait recruter d’autres avocats par la suite, mais pour l’instant, son aventure commence.
Travailler en souffrant d’un handicap
Cinq ans après s’être exprimé sur les difficultés pour les personnes souffrant d’un handicap d’intégrer un cabinet privé, qu’en pense-t-il aujourd’hui ?
« Quand on a un handicap, précise celui qui a perdu la vue à l’âge de treize ans à la suite d’une opération, c’est généralement difficile de s’intégrer dans le milieu professionnel. Les gens ne connaissent pas cela et quand on ne connaît pas quelque chose, c’est naturel, on a des a priori. »
Me Sahrane dit le comprendre tout à fait.
« Quand on a monté une entreprise, on veut avancer, on a des mandats à donner, et il y a probablement des employeurs qui ne veulent pas se casser la tête pour voir comment intégrer quelqu’un qui ne voit pas ».
Ces dernières années, il a eu plusieurs expériences en majorité dans des institutions publiques ou parapubliques et n’a pas vraiment fait affaire avec des cabinets privés.
Ce n’est pas pour les éviter qu’il s’est lancé en solo, mais bien parce qu’il avait envie d’entreprendre et tenait à sa liberté.
Il souligne au passage que des clients peuvent aussi avoir des a priori en se retrouvant face à un avocat non-voyant.
« Mais je pense que dès lors qu’ils commencent à discuter avec moi et qu’ils voient la fiabilité que je dégage d’une certaine manière, ça crée de la confiance chez eux et la question de mon handicap ne se pose même plus ».
Il n’évoque d’ailleurs jamais son handicap auprès de ses clients.
Des outils adaptés
Quant à savoir s’il est confronté à certaines difficultés en tant qu’avocat non-voyant, l’avocat assure que la technologie actuelle a totalement changé la réalité des personnes comme lui.
« La technologie me permet aujourd’hui de parler le même langage que les personnes qui voient », affirme celui a obtenu deux maîtrises à l’Université de Sherbrooke et a effectué un stage dans une agence des Nations Unies à Genève, l’Organisation internationale du travail.
La plupart des outils et des portails qu’il utilise sont très bien adaptés à sa situation.
« Quand j’ai commencé à apprendre le braille et l’informatique il y a quinze ans et que je vois la différence aujourd’hui, c’est vraiment remarquable ».
Il espère qu’ouvrir un cabinet d’avocat en tant que non-voyant et le publiciser pourra être porteur d’espoir et encourager d’autres personnes souffrant d’un handicap à se lancer.
DSG
il y a un anDuring this time of year filled with meaningless announcements of people getting stages or being retained after their stages (of which more than half won't last), it's truly refreshing to read Me Sahrane's inspiring story. He restores my faith in this profession.
me
il y a un anInspirant, bravo.
SH-juridique
il y a un anBravo!
Bonne continuation et grande réussite.