Des étudiants en droit à la télé
Agnès Rossignol
2014-10-17 13:15:00
Les étudiants avaient une heure pour lire un contrat de téléphonie mobile de Rogers, puis une autre heure, le document en main, pour compléter un questionnaire établi par Option consommateurs et Me Marie Annik Grégoire, leur professeure en droit de la consommation, qui a ensuite corrigé le test.
Les résultats sont consternants : une moyenne de 57,5%. Les jeunes étudiants ont tous été surpris de la difficulté qu’ils ont eu à comprendre le contrat. Assis en cercle, ils ont évoqué tour à tour leur expérience face caméra.
« Même si l’on comprend au début, à la fin on ne se souvient plus de ce qu’on a lu. Malgré notre formation et le fait que nous soyons parmi les meilleurs dans le cours de droit des obligations, nous comprenons à peine la moitié du contrat », s’étonne Effie Papaioannou.
« Le principe veut que le contrat soit négocié et qu’il s’agisse d’un échange de volonté, mais en réalité ce sont les entreprises qui imposent leur volonté dans un long document difficile à comprendre pour nous, alors je me demande ce qu’il en est du citoyen », affirme Nareg Froundjian qui a lui-même déjà été frustré en tant que consommateur.
Les deux étudiants soulignent le fait que le consommateur n’a pas le choix de signer aveuglément ces contrats pré-rédigés :« Soit il signe un contrat qu’il n’a pas lu ou qu’il ne comprend pas, soit il n’a pas le service dont il a besoin. » Pour eux, les contrats de consommation ne sont pas faits pour être lus.
« J’ai mis une heure à lire le contrat, c’est impossible de le faire dans un magasin. Les clauses illégales sont incluses pour faire peur au client et le dissuader d’aller en cour », indique Nareg Froundjian.
« C’est pas simple pour le consommateur car toutes les compagnies font de même pour se protéger, il n’a pas le pouvoir économique de négocier » ajoute Effie Papaioannou.
Il s’agit pour elle d’informer les consommateurs et de leur montrer qu’en signant le contrat ils n’ont pas nécessairement renoncé à leurs droits. Elle relève qu’en 1994, « il y a eu un mouvement vers l’équité avec l’adoption des articles 1435 à 1437 du Code civil qui permettent aux juges d’annuler des clauses illicites incompréhensibles ou abusives. C’est un pas en avant. »
Selon l’étudiante, si l’on « comprend la position des juges d’interpréter restrictivement les contrats d’adhésion pour préserver la stabilité contractuelle, il ne faut pas que ce soit au détriment du consommateur. »
Quant à Jordan Mc Aran Bourque, étudiant anglophone, il a apprécié l’expérience de télé et s’est senti à l’aise malgré sa peur de mal s’exprimer en français. « Je le ferai encore ! ».