Tour de la Bourse: la sécurité des firmes menacée?
Daphnée Hacker
2015-03-19 15:00:00
Droit-inc a contacté Me Ascoli, actuellement en congé de maladie, qui a confirmé les propos rapportés. La voix fatiguée au bout du fil, la juriste confie se sentir « mal, anxieuse et vidée » par les divers épisodes d’intimidation dont elle est victime depuis l’automne.
Me Ascole avait accordé une entrevue à Droit-inc, à son arrivée à la Bourse de Montréal, en 2012.
Contexte : le 8 septembre dernier, un mois avant l’attaque de Martin Couture-Rouleau qui a laissé un soldat mort à Saint-Jean-sur-Richelieu, un homme se serait introduit dans les bureaux de la Bourse. Ce dernier, suspecté d’entretenir des liens avec M.Couture-Rouleau, a été arrêté d’urgence quelques semaines plus tard par la Gendarmerie royale du Canada (GRC), pour des raisons de sécurité nationale. Il est toujours détenu.
Me Ascoli et plusieurs autres employés de la Bourse de Montréal ont été rencontrés par la GRC, qui a jugé inquiétante l’infiltration du suspect dans les locaux. L’avocate a ainsi donné des conseils de sécurité à son employeur, dont celui de partager la situation aux autres employés. Les patrons lui auraient alors demandé de se taire, l’intimidant à plusieurs reprises pour qu’elle « lâche prise ».
La culture du silence
Avec sa sortie publique, Me Ascoli espère que les employés de « la Tour de la Bourse pourront agir en connaissance de cause ». « On a beau ne pas vouloir semer la panique, mais pour moi, on se doit d'être responsables envers les autres. La culture du silence tue. Parfois, littéralement », a écrit celle qui a perdu 69 collègues dans les attentats du 11 septembre.
Ses déclarations ont déclenché des réactions à l’interne, assure Me Ascoli à Droit-inc. « Je suis en communication avec l’Autorité des marchés financiers, la Banque du Canada et le ministère de la Justice au sujet des enjeux de sécurité et des problèmes d’intimidation », relate-t-elle. Refusant de donner plus de détails sur les discussions avec les dirigeants de la Bourse à Montréal et de la CDCC (Corporation canadienne de compensation de produits dérivés) elle se contente d’ajouter : «J’espère qu’ils prendront les mesures nécessaires pour assurer la sécurité des employés […] et qu’elles prendront des actions concrètes sur toute intimidation au sein de l’entreprise ». Elle promet de donner un témoignage détaillé des évènements dès la semaine prochaine.
Dunton Rainville contre l’idée d’un «bunker»
Plusieurs cabinets d’avocats se trouvent à la Tour de la Bourse, dont Fasken Martineau, Robinson Sheppard Shapiro et Dunton Rainville. « Je comprends les craintes de sécurité soulevées par cette avocate par rapport à son bureau. Pour ma part, je juge que les mesures de sécurité de la Tour sont amplement suffisantes », fait savoir Me Jean-Jacques Rainville, grand patron de Dunton Rainville. Il admet que la multiplication des actes terroristes, ici et ailleurs, est inquiétante, mais il ne faut pas selon lui « verser dans la paranoïa ».
« Si on commence à barricader la Tour de la Bourse comme un bunker, on cède à la peur. Des gens qui ont des troubles mentaux, il y en aura toujours. C’est avec la prévention et l’éducation qu’on va changer les choses, pas en ajoutant des processus de sécurité », poursuit-il. Les va-et-vient des employés, des clients, des fournisseurs sont incessants au cabinet, ajoute Me Rainville, « un système de haute sécurité comme on le voit dans certaines grandes sociétés, ce serait ingérable ici ».
Joints par Droit-inc, les porte-parole des autres cabinets de la Tour de la Bourse ont été avares de commentaire. À Fasken Martineau, Me Jean-François Lévesque a écrit : « Nous ne commentons jamais sur les mesures de sécurité en place pour des raisons – justement – de sécurité ». Il a toutefois précisé que la firme est en contact avec les autorités de la Tour.
Plaintes prises au sérieux
Un porte-parole du TMX, responsable de la Bourse à Montréal, a aussi répondu par courriel à Droit-inc, montrant une grande réserve à commenter les failles de sécurité dénoncées par Me Ascoli.
Pour ce qui a trait des déclarations d’intimidation, Mathieu Labrèche a affirmé que l’entreprise « prend au sérieux toutes les préoccupations des employés et qu’elles font toutes l’objet d’un examen rigoureux et sensible ». Les employés disposent de nombreux moyens, dont une ligne de dénonciation anonyme, pour dénoncer des violations, a-t-il fait valoir.