Avocates et mamans : elles ont réussi sur tous les plans
Theodora Navarro
2016-10-07 14:15:00
Pour Droit-inc, Mes Danielle Ferron, Éloïse Gratton et Patricia Chamoun, trois juristes reconnues pour leurs compétences, reviennent sur leur expérience et réalité de conciliation travail - famille.
Me Danielle Ferron a été nommée avocate émérite 2016, elle a deux garçons aujourd’hui âgés de 18 et 14 ans :
« Être avocate et avoir des enfants, cela peut paraître difficile. J’ai su très rapidement que j’allais devoir faire des choix, et accepter ce choix. J’ai par exemple refusé certains dossiers qui m’auraient amené à l’extérieur du Québec quand mes enfants étaient encore jeunes. Mais il est possible de jumeler les deux. C’est surtout une question d’organisation. J’ai des collègues qui viennent travailler le dimanche matin pour pouvoir partir tôt chaque soir. Moi j’avais pris l’habitude de travailler de bonne heure de la maison et de réserver une soirée par semaine au travail. Mon conjoint a pris le gros de la vie familiale pour me permettre de mener cette vie professionnelle-là. Mais j’ai aussi fait le choix de m’impliquer dans les conseils d’administration de l’école. »
Ce qu’elle retient c’est qu’il ne faut pas culpabiliser des choix que l’on fait.
« Lorsque je suis avec mes enfants, je ne pense pas au travail, et à l’inverse, je ne veux pas culpabiliser de ne pas être présente à une sortie de mes enfants parce que je me trouve au travail. Dans les deux cas, j’ai voulu m’assurer que je n’allais pas toujours me remettre en question. Oui, c’est parfois difficile pour les femmes avocates, mais ça l’est aussi pour les avocats qui sont jeunes papas.»
Me Éloïse Gratton a été nommée dans la liste 2016 des avocats canadiens les plus influents. Elle a deux enfants de 9 et 10 ans :
« Il faut arrêter de penser que sa carrière est une ligne droite car ce n’est pas comme ça la vie. J’ai eu un bébé après l’autre. Je suis retournée travailler en 2012 après 6 ans de pause de pratique à temps plein. J'ai fait mon doctorat de 2008 à 2012 lorsque mes enfants avaient un et deux ans. Durant cette période, j'étais avocate conseils pour mon cabinet, je faisais donc des heures à mon compte de la maison pour les dossiers en droit des technologies de l'information, et j'avais pris quelques charges de cours à l'université de Montréal. »
Pour elle, ce ne furent pas des années perdues car elles lui ont permis de gagner en expertise.
« C’est long, un peu compliqué parfois, ou pénible, mais ça m’a beaucoup aidée dans ma pratique. Mes enfants allaient à la garderie quelques heures. On s’arrangeait, il ne faut pas oublier que c’est une décision de couple avant tout. Mais notre carrière n’en est pas pour autant remise en question. Il ne faut pas avoir peur de se lancer dans un domaine du droit qui nous intéresse ou une pratique qui nous intéresse. Les pratiques qui sont le plus en demande sont souvent des niches. »
Me Patricia Chamoun a fondé avec succès son propre cabinet sur la Rive-Nord après avoir quitté Montréal pour se rapprocher de sa famille. Elle a deux garçons de 4 ans et demi et 2 ans et demi :
« La clé, c’est d’être organisée, d’avoir le désir de continuer à pratiquer, il faut aimer ce qu’on fait, et s’assurer qu’on est bien entourée. Pour les avocates comme moi qui sont en pratique solo, c’est aussi plus difficile : tu dois gérer des clients qui comptent sur toi et qui vont aller voir ailleurs si tu ne peux pas assurer ton travail. Ce qui m’a permis de réussir, c’est d’avoir fait le choix de déménager et de me rapprocher de mon domicile à Laval. J’avais déjà un enfant à ce moment-là. Alors que j’étais enceinte du 2e, j’ai dû faire comprendre à mes clients que j’allais ralentir un peu. J’ai arrêté trois semaines, en arrêt forcé après l’accouchement, mais même là je faisais le suivi des courriels, je passais des appels téléphoniques. Et je suis tout de suite retournée à temps plein. J’avoue que j’ai une vraie maladie du travail, mes clients sont importants et il faut savoir que j’évolue dans un monde d’hommes. » (ndlr : Me Chamoun pratique notamment en droit de la construction).
Finalement, ses employés ont désormais la possibilité de prendre un congé maternité ou paternité sans s’inquiéter, ils savent qu’il y aura quelqu’un pour reprendre leurs dossiers. Du côté de sa famille, son mari est très présent et le couple bénéficie d’un grand soutien des grands-parents, qui sont à la retraite.
« On se lève tôt le matin. Je rentre au bureau à 7h30-8h pendant que mon mari dépose les enfants. Je quitte vers 17h-18h. C’est important de rentrer manger avec eux, de donner le bain, de les coucher. 3 à 4 fois par semaine, je reviens au bureau vers 20h. Je ne suis pas tentée de travailler de chez nous car le bureau est à côté. Alors pour moi, la maison c’est vraiment le repos. On s’organise. Au début, on ne voit pas la lumière au bout du tunnel, mais il faut avoir le désir de continuer malgré la fatigue. Je suis chanceuse car j’ai une équipe du tonnerre, sur laquelle je peux m’appuyer. Et puis dans tout ça, il y a le couple aussi. Une fois par semaine, on passe du temps ensemble. On se garde ce temps-là, c’est fondamental. »
Me Éloïse Gratton est associée au sein de Borden Ladner Gervais (BLG) et cochef national de notre groupe Respect de la vie privée et protection des données.
Me Patricia Chamoun est directrice et fondatrice du cabinet Chamoun Légal.