F&A : « Il ne suffit plus d’être seulement des avocats ! »
Jean-francois Parent
2016-10-17 11:15:00
Droit-Inc : Votre nomination à la tête du groupe F&A survient à un moment où l’appétit pour les fusions et les acquisitions est particulièrement grand.
Me Cameron Belsher : Avec un dollar canadien à 0,75 $US, il est certain que les sociétés, américaines notamment, en profitent. Plusieurs fonds privés aussi s’intéressent au Canada et viennent y magasiner des sociétés. L’inverse est aussi vrai, puisque les sociétés canadiennes, dont les coffres sont remplis et qui profitent des bas taux pour financer des acquisitions, achètent des sociétés américaines. Elles ont ainsi dépensé quelque 80 milliards $ dans la dernière année aux États-Unis.
Il y a donc beaucoup d’activité dans plusieurs secteurs, comme on l’a vu avec la méga-transaction entre la Saskatchewannaise Potash et l’Albertaine Agrium, dont la fusion est évaluée à 36 milliards $. Nous en profitons pour renforcer notre position dans ce champ d’activités, où notre cabinet est l’un des chefs de file au pays, avec une soixantaine de transactions annoncées en 2016 dans lesquelles nous sommes les conseillers légaux.
Il reste que c’est un domaine très cyclique, où l’activité est en dents de scie. Comment gérer cette incertitude ?
Nous avons ciblé quelques secteurs en particulier, comme le secteur minier, tout en y diversifiant notre offre. Ainsi, quand le secteur est calme et qu’il n’y a pas beaucoup d’activité sur le front des fusions et acquisitions entre sociétés minières, on peut les aider à se délester de certains actifs, ou à préparer leur prochaine offensive. Le fait est que nos clients sont toujours à l’affût d’occasion, et personne ne chôme.
Le monde des F&A est relativement petit, tout le monde se connaît… cela a-t-il un impact sur vos activités ?
Oui, c’est certain. Sans parler de « club », il est vrai qu’on retrouve souvent les mêmes joueurs face à nous. C’est une bonne chose, ça permet de faire avancer les négociations rapidement: on connaît les attentes, les particularité d’une transaction, on passe tout de suite à l’essentiel.
Et ce sont les clients qui en bénéficient.
Les cabinets aussi se sont beaucoup fusionnés jusqu’à tout récemment…
Et ce n’est pas fini. C’est causé notamment par la faible croissance économique, une situation où les firmes tentent d’augmenter leurs revenus, en allant chercher de nouveaux clients, et en recrutant de nouveaux talents. Il faut dire aussi que la mondialisation amène de nouveaux joueurs au pays, qui obligent certaines firmes à réagir.
McCarthy Tétrault réagit comment à cette concurrence venant des poids lourds internationaux ?
Il faut réfléchir aux façons de se diversifier. Mais il faut aussi cultiver davantage la relation avec les clients, surtout les clients d’affaires, élargir l’éventail des points d’ancrage avec eux en diversifiant notre offre. En fait, il faut les accompagner davantage et être pertinent pour eux. On ne peut pas se contenter d’être seulement des avocats : on ne fait pas qu’offrir des conseils juridiques, on doit aussi les guider dans le développement de leur vision stratégique. Il faut leur apporter de la valeur ajoutée, devenir des collaborateurs.
Notre boulot n’est pas seulement d’aller en cour. Il faut pouvoir contribuer à la croissance de la compagnie qui sollicite nos services. Parallèlement, nous avons aussi recentré nos efforts là où nous pouvions faire une différence, en misant sur nos forces plutôt que nos faiblesses. C’est pourquoi nous avons délaissé des secteurs comme la planification successorale, au profit d’autres secteurs, comme l’énergie.
Quels sont les grands défis de l’industrie légale actuelle ?
Le Canada étant un marché mature, y maintenir une croissance est un défi pour tous les cabinets. D’où l’importance de mieux accompagner les clients. Et cela peut même se traduire, littéralement, par un accompagnement ! Par exemple, nous voyageons avec nos clients lorsqu’ils veulent se rendre à l’étranger pour y faire la prospection d’un marché ou d’une entreprise.
Qu’est-ce que les avocats devraient faire différemment ?
Il faut avoir du plaisir, de l’enthousiasme et de l’intérêt envers ce que nos clients font. Nous avons des habiletés techniques, c’est un privilège d’avoir l’habileté pour analyser les choses. Mais lorsqu’en plus on peut avoir un réel enthousiasme pour la compagnie qu’on dessert, on devient un meilleur atout pour celle-ci.
Il s'est classé à titre d'avocat de premier plan dans les domaines des fusions et acquisitions, du droit des sociétés, du droit minier et du capital d'investissement privé dans de nombreux sondages indépendants et guides d'examen par les pairs.