À table avec le nouveau Boss de Gowling WLG
Rene Lewandowski
2018-02-01 15:00:00
Jusqu’à ce qu’en 1991, une proposition l’amène à accepter un poste dans un ministère fédéral, à Ottawa. Une occasion professionnelle unique de plonger dans la réforme des lois sur la faillite et des brevets, et d’y rencontrer, par hasard, celle qui allait devenir sa femme et la mère de ses trois enfants, une Montréalaise pour qui la perspective de déménager au Saguenay n'enchantait guère. C’est ainsi que le jeune couple déménagea à Montréal. Il débute dans un cabinet qui s’appelait Dancause Brisebois, qui fusionne en 2003 avec Desjardins Ducharme. Puis il quitte en 2006 pour se joindre à Gowlings.
« Je suis un homme de consensus! » dit en riant Pierre Pilote, pour expliquer sa décision de s’installer dans la métropole.
Du tact et du doigté, il en aura bien besoin au cours des prochaines années. Car il a accepté, en juin dernier, de diriger le bureau montréalais de Gowling WLG, qui compte 82 avocats et 112 employés. Il remplace Joëlle Boisvert, retournée plus activement à la pratique et au développement international. Début janvier, il entrait officiellement en poste.
Pour cette première entrevue en tant que nouveau patron, Pierre Pilote a dit oui à l’invitation à dîner que lui a lancé l’éditeur de Droit-inc. En cette soirée de fin janvier, nous sommes attablés au restaurant L’Atelier du chef multi étoilé Joël Robuchon, situé au Casino de Montréal. Le décor – et le vin - se prête bien aux confidences. Le nouvel associé-directeur joue le jeu, il répond à toutes les questions, sans filtre, sans langue de bois, sans hésitation.
Un énorme défi
En apéro, Pierre Pilote opte pour un Douro blanc 2014, un vin portugais qui se marie bien avec le homard cardinalisé. Un bon départ pour une conversation qui s’annonce palpitante…
D’emblée, le nouveau patron admet que, pour lui, le moment était venu de passer à une autre étape.
« Après 30 ans de pratique active, j’avais envie de contribuer au développement du cabinet », dit-il. D’autant plus, qu’au cours des dernières années, il a goûté à la direction d’avocats, occupant les postes de chef du groupe de pratique nationale des affaires gouvernementales, ainsi que chef du groupe de droit de l’emploi du bureau de Montréal.
Il n’empêche que le défi est énorme pour ce juriste de 52 ans, qui a pratiqué toute sa carrière en droit du travail et de l’emploi. Avec des clients de plus en plus exigeants, des tarifs négociés à la baisse, une concurrence qui s’accentue et qui vient de partout, des robots qui menacent de remplacer bientôt les avocats, l’industrie des services juridiques subit présentement de profonds bouleversements. Tout cela, dans un contexte où la tarte des honoraires juridiques du marché montréalais ne grossit plus depuis des années.
Chose certaine, il n’est pas du genre à reculer devant de si “petites” contraintes. Au contraire, il entrevoit son mandat avec beaucoup d’excitation et d’enthousiasme, dit-il en sirotant un Bourgogne 2014, du Domaine Lucien Boillot et Fils, tiré de la carte des vins qui vient d’être sélectionnée dans la liste des 50 meilleurs restos.
Un plan, trois axes
Pierre Pilote veut faire du bureau montréalais de Gowling WLG un joueur dominant en droit des affaires. Ça ne se fera pas tout seul. C’est pourquoi il a un plan, qui tourne autour de trois axes: marché international, innovation et recrutement de latéraux.
En 2016, Gowlings a pris une décision charnière, en fusionnant avec Wragge Lawrence Graham & Co, pour former Gowling WLG, qui compte désormais 19 bureaux dans les grandes villes du monde. Pilote compte profiter de ce réseau pour tisser des liens plus étroits avec les bureaux satellites, notamment à Paris, Londres et Munich.
« On doit accompagner nos clients là où ils font des affaires », explique le patron, entre deux bouchées de Cerf de Boileau, un produit rare et recherché, considéré comme le Caviar de la viande. Il a fait son choix dès qu’il l’a vu au menu, et il le déguste avec grand plaisir.
Sur le plan de l’innovation, Pierre Pilote souligne que le cabinet est déjà en avance. Par exemple, au Canada, Gowling est le premier cabinet d’avocats à avoir mis en place une plateforme qui permet aux institutions financières de mieux gérer en ligne leurs dossiers de recouvrement. Mais il veut aller plus loin, en convaincant ses collègues de chercher à innover dans tous les domaines, autant dans leurs façons de faire du développement que dans leurs manières de livrer les services aux clients.
Le plus difficile sera par contre d’attirer des associés des cabinets rivaux, des latéraux, comme on dit dans le milieu. Le cabinet est très bien positionné en propriété intellectuelle et en litige, mais ne rivalise pas encore avec les meilleurs en droit des affaires.
Convaincre un grand associé rival en F&A, avec clientèle de surcroît, de traverser chez Gowling ne sera pas une mince tâche. Pilote en est conscient et mise sur une meilleure communication pour positionner son cabinet et imprégner ses atouts dans l’esprit de ceux qui seraient tentés d’aller voir ailleurs. Mais ne prend-il pas le risque de la comparaison?
« On a pas besoin de se comparer aux autres, dit-il. On a juste à être nous-mêmes pour avoir du succès, on a juste à être Gowling. »
L'automne dernier, le cabinet a réussi un premier bon coup en allant chercher l'associé Jean-François Pelland. Me Pelland est un pro en transactionnel et financement d'entreprises, mais aussi un pionnier car il est celui qui balise présentement le contexte juridique de la cryptomonnaie au Québec.
D'autres bons coups sont à venir, assure Me Pilote.
Un rassembleur
Pour réussir son pari, Pierre Pilote mise sur ce qui, selon lui, constitue sa première qualité: sa grande écoute des gens et sa capacité à les rallier autour d’une vision. Certes, voilà une vertu qui peut servir quand on doit diriger une horde d’avocats aux égos parfois démesurés.
« Je suis patient et je cherche toujours le chemin du compromis », explique t-il, alors que nous attaquons le Bello-Mango, un dessert constitué de mangue-perroquet, fine gelée à la canneberge et au champagne, et d’un sorbet à la noix de coco.
Vrai qu’en ce domaine, Pierre Pilote a un sacré pedigree. Au cours de la dernière décennie, il participé à quelques-unes des plus importantes négociations de travail au Québec. En 2010, par exemple, c’est vers lui que s’est tourné le gouvernement de Jean Charest pour négocier les conventions collectives avec le secteur public. En tant que négociateur en chef, il avait à s’entendre avec les 500 000 salariés. Les négos ont débuté en mars, en juin tout était réglé, un record de vitesse!
Fait innovant, Pilote a fait accepter par les syndicats une clause liant les augmentations de salaires à la croissance économique, une première dans le secteur public. En fait, les discussions se sont tellement bien déroulées que le quotidien La Presse lui consacrait un article titré du jeux de mots « Le Pilote des négociations » !
Mais d’où lui vient ce talent de rassembleur? Sans doute influencé par son père, un entrepreneur en construction qui devait négocier de longues conventions collectives, Pierre Pilote raconte qu’il a très jeune voulu être avocat, particulièrement en droit du travail. Il a aussi été inspiré par les grands négociateurs patronaux de l’époque, Brian Mulroney et Lucien Bouchard, qu’il a eu l’occasion de croiser alors qu’il était jeune étudiant.
Saura-t-il devenir aussi inspirant que ces deux anciens premiers ministres? Le nouveau Pilote de Gowling WLG s’en est donné le défi...
Felipe
il y a 6 ansLa description des plats et vins servis me fait penser à une chronique de Réjean Tremblay à l'époque où il couvrait le Grand Prix de Montréal.
J'espère que les autres "patrons" de cabinet auront également droit à un tel diner en compagnie de M. L'Éditeur. Cela permettrait aux lecteurs de comparer la vision de chacun. M. Pilote est au moins transparent quant aux véritables défis de son cabinet, ce qui est positif.