Le retour de Jacques Bouchard!
Gilles Des Roberts
2018-04-04 15:00:00
Radié du Barreau du Québec en 2013 après s'être reconnu coupable de sept infractions disciplinaires, l’ancien protégé de l’ancien premier ministre Jean Chrétien a retrouvé son droit de pratique. Toutefois, Me Bouchard n’exerce plus sa profession dans les bureaux feutrés et luxueux d’un grand cabinet, avec un salaire de joueur de hockey et un compte de dépenses légendaire, mais plutôt en solo à partir d’un modeste centre d’affaires de la rue Sherbrooke ouest.
C’est dans son bureau du 18e étage qu’il offre ses services d’avocat, de «conseiller stratégique» et de lobbyiste.
Du lobbying pour des pilotes de chasse
C’est d’ailleurs à ce chapitre qu’il se distingue avec un dossier majeur et intriguant, celui de Top Aces. Cette entreprise fondée par trois anciens pilotes de F-18 offre des services de formation pour des pilotes de chasse, au Canada en Europe et aux États-Unis. On y développe et met en oeuvre des scénarios offensifs pour tester les réflexes et habiletés des aviateurs.
Les trois ex- militaires canadiens ont vendu Top Aces en 2007 à Discovery Air, une compagnie aérienne spécialisée qui opère principalement au Canada. Elle a été fondée en 2004. En 2007, elle achète donc Top Aces pour la somme de 35 millions de dollars.
Dix ans plus tard, Jacques Bouchard arrive en scène. D’avril à octobre 2017 il s’est démené dans les coulisses du parlement canadien pour s’assurer que le contrat de formation de Discovery Air avec le ministère de la Défense du Canada soit renouvelé et que les appareils utilisés par Discovery Air demeurent certifiés.
Il a tenu 10 rencontres avec des hauts fonctionnaires et des députés fédéraux et au fil d’arrivée le contrat a été renouvelé. Pour la suite des choses Discovery Air a connu des difficultés financières peu après la signature du contrat et la majorité des actions de la filiale ont été vendues à une société américaine.
En bon joueur de tennis, Jacques Bouchard a pris la balle au bond et il représente maintenant à titre de lobbyiste les trois anciens fondateurs de Top Aces, Paul Bouchard, Didier Toussaint et Dave Jennings pour faire annuler un avis de cotisation de l’Agence de Revenu du Québec émis à la suite de la vente de leurs actions de Top Aces.
Les trois hommes d’affaires sont d’avis que la cotisation est infondée car toutes les sommes dues ont déjà été payées. Au terme de ce mandat, Jacques Bouchard pourra empocher jusqu’à 300 000 dollars d’honoraires.
Des affaires en Afrique
Sur le front de la pratique du droit, le redressement de sa carrière, qui a déjà été exemplaire, est moins spectaculaire. Il est inscrit à divers sites de réseautage professionnels, dont Diaspora Haïtienne où il offre ses services juridiques, ainsi que Réseau Finance, où il joue la carte d’avocat spécialiste en relations gouvernementales et internationales. Ce sont des thèmes qui reviennent dans le blogue qu’il publie.
Son adresse d’affaires montréalaise est également l’antenne canadienne d’Igris Scanners dont il est le président et chef de la direction. L’entreprise, établie à Memphis (Tennessee), prétend détenir une technologie révolutionnaire pour détecter les explosifs et dont le développement d’affaires vise les pays africains.
Alors qu’il était directeur des affaires internationales de Desjardins Ducharme et associé du développement du défunt cabinet Heenan Blaikie, Me Bouchard avait piloté de nombreux dossiers en Afrique, dont la réforme du système de justice du Burundi, de la passation de marchés au Burkina Faso, de l’habitat en République démocratique du Congo et du transport au Sénégal.
Plusieurs de ces mandats avaient été obtenus grâce à l’intercession de l’ancien premier ministre canadien Jean Chrétien qui était avocat-conseil chez Heenan Blaikie et un mentor de Jacques Bouchard. Mr. Chrétien est depuis février 2014 avocat-conseil chez Dentons, à Ottawa.
C’est dans le cadre d’un de ces contrats que Me Bouchard avait certifié les renseignements contenus au sujet de certains confrères dans une offre de service. Or, ces documents faisaient état de compétences que ses collègues n’avaient pas. Le fait de signer pour eux, et sans leur autorisation, une attestation requise de leur part lui a valu sa radiation du Barreau.
Contacté par Droit-inc, Jacques Bouchard ne nous a pas rappelés.