De petit délinquant à grand plaideur
Delphine Jung
2018-04-27 15:00:00
Pourtant, Me Fernando Belton n'a pas connu le parcours que la plupart de ses confrères et consœurs connaissent. Ce Barreau 2015, diplômé en droit de l'UQAM, qui est aujourd'hui criminaliste, a grandi dans un HLM du quartier Chomedey, à Laval.
« Il n'y avait que ma mère, mon père étant tailleur aux États-Unis. Elle travaillait le soir, dans une manufacture de bas de collants, alors c'était surtout ma grande sœur qui s'occupait de nous », explique Me Belton, issu d'une famille de cinq enfants.
De 12 à 15 ans, et malgré des facilités évidentes à l’école, il multiplie les bagarres et les petits vols. « On se battait à l'école, on volait dans les dépanneurs, les centres commerciaux… Une fois, on a même volé une voiture », raconte-t-il. « J'étais le seul de la famille qui foutait la merde », ajoute le criminaliste de 30 ans.
Fini les bagarres et les vols
Pour le remettre dans le droit chemin, sa mère l'envoie chez son père aux États-Unis. Là-bas, il va commencer à aller à la messe, tous les dimanches et même en semaine. « Je voyais les ennuis de mes amis avec la police et j’ai compris que si je continuais comme ça, je risquais de finir en prison », dit-il.
Mais Me Belton se cherche encore… Il tente des études en génie électrique et finalement, se dirige vers le droit. « Pour une raison que j'ignore encore, je me suis remis en contact avec moi-même. Je me suis rendu compte que j'aimais plaider, argumenter, j'avais une opinion sur tout et j'étais curieux. Je voulais exercer un métier noble. »
Fini les bagarres et les larcins, Me Belton se rêve défenseur des voyous qu'il a autrefois fréquentés. « Mes parents n'étaient pas emballés par l'idée. Pour eux, les avocats sont tous des menteurs. Ils craignaient que je défende des criminels. Mon père s'était mis dans la tête que j'allais devenir docteur », dit Me Belton.
Après avoir obtenu un certificat en histoire, il entre en droit à l'UQAM, enchaîne avec un stage à la Cour municipale de Montréal et décide par la suite de se lancer à son compte. « À la fin de l'École du Barreau, j'ai dû préparer une plaidoirie en droit criminel. Je me souviens encore qu'un professeur m'avait dit qu'en 17 ans, il n'avait jamais entendu une telle plaidoirie », dit le jeune avocat avec une pointe de fierté.
Son parcours comme force
Ses clients sont aujourd'hui ceux avec qui il aurait pu finir, s'il était resté dans la spirale de la petite délinquance. Il estime plutôt que grâce à ses erreurs de parcours, il peut mieux comprendre ses clients, qui sont pour la plupart des jeunes contrevenants, avec un casier encore vierge.
« Quand ils arrivent dans mon bureau situé dans le quartier Saint-Michel, à Montréal, ça leur fait bizarre. C'est difficile pour eux d'imaginer que j'ai pu faire des erreurs dans le passé et qu'aujourd'hui, j'ai réussi. Je leur prouve qu'en travaillant, c'est possible », raconte-t-il.
Quand il rencontre ses jeunes clients, Me Belton devient un peu leur grand frère, parfois leur père, et prend à cœur de leur faire comprendre quelles peuvent être les conséquences de leurs actes. « Je leur dis que lorsqu'on leur donne une seconde chance, il n'y en aura pas une troisième ou une quatrième », dit-il, en précisant que ses clients ne sont pas non plus des criminels issus du gangstérisme ou des proxénètes.
Réaliste, il concède que certains ne comprennent pas. « Il y en a qui veulent juste ce mode de vie. Je ne veux pas changer le monde, mais si je peux changer la vie d'au moins une personne... », dit-il.
Il se souvient de l'un de ses premiers clients. Un jeune qui avait écopé de contraventions et qui était accusé de fraude. « Je me suis assis à côté de lui et je lui ai parlé de mon passé. C'est pas facile pour un gars… mais il a pleuré. Finalement, il s'en est sorti et a terminé son DEC en soins infirmiers », explique le jeune plaideur.
De grandes ambitions
Très impliqué, Me Belton a participé à des cliniques juridiques, au journal étudiant de l'UQAM et s'est investit dans le Centre de recherche-action sur les relations raciales. Il a aussi participé à la poursuite menée par le juriste Daniel Turp contre le gouvernement Harper, après que le Canada s’est retiré du protocole de Kyoto.
Il a aussi tenu des chroniques judiciaires sur la radio haïtienne CPAM.
En 2013, il a même obtenu la Médaille du lieutenant-gouverneur pour la Jeunesse. D'ici quelques années, il se voit à la tête d'un cabinet de plusieurs avocats, et plaider devant la Cour suprême.