À 95 ans, Mitchell Gattuso lui obtient 100 000 $ !
Céline Gobert
2018-06-19 15:00:00
Elle était représentée par Me Rémi Bourget, du cabinet Mitchell Gattuso.
La Résidence Sainte-Claire, représentée pour sa part par Me Amélie Thériault de Gasco Goodhue St-Germain, est sévèrement réprimandée. Non seulement doit-elle payer 101 817,69 $ pour compenser le préjudice subi, mais le tribunal la condamne en plus à 2 000 $ supplémentaires pour sanctionner la demande abusive de rétractation de jugement.
Cette cause, au « côté humain » a rappelé à Me Bourget pourquoi il travaille si fort.
« Nous avons tous une Madame Nolin dans notre famille!, lance-t-il à Droit-inc. C’est le genre de cause qui touche tout le monde. Nous connaissons tous une personne vulnérable, qui habite en résidence. En plus, ça envoie un message aux compagnies d’assurance sur leurs façons de se comporter. »
Un gros montant
Ce jugement est important pour deux choses. D’abord, parce que 100 000 $ est un montant très élevé pour une victime de cet âge, en droit québécois.
« Même si on ne devrait pas le dire, il y a souvent en responsabilité civile, des “bonnes” victimes et des “mauvaises” victimes », explique Me Bourget. Ainsi, les victimes dans la vingtaine ou trentaine avec de nombreuses années d’espérance de vie devant elles obtiennent des montants conséquents afin de compenser la perte de gain de vie active.
À 95 ans - et avec moins d’années de vie à venir - il est difficile d’obtenir de gros montants.
« Ce que j’espère, c’est qu’avec cette cause on verra l’émergence d’une jurisprudence qui indemnise un peu plus la victime surtout avec tout ce que ça coûte d’aller en Cour, dit Me Bourget. Après, le cabinet a fait un travail très détaillé, non seulement en matière de recherches sur le plan médical mais aussi en ce qui concerne les barèmes applicables dans ces domaines-là. On a réussi à convaincre la Cour et le juge de nous donner ce montant. »
Un jugement symbolique
Si le jugement est aussi important, c’est aussi parce que le juge Gregory Moore a non seulement rejeté la demande de rétractation du jugement de la Résidence Sainte-Claire mais l’a aussi condamnée pour abus de procédure à payer une partie des frais d'avocats encourus par Mme Nolin.
En effet, le premier jugement a été rendu par défaut à cause de l’absence de la défenderesse. Alors que l’affaire était terminée, la résidence a voulu faire annuler la décision ainsi rendue contre elle.
Or, le juge a statué que cette demande était « abusive puisque manifestement mal fondée » et a accordé 2000 $ supplémentaires à la vieille dame.
Comme l’indique le jugement, la Résidence Sainte-Claire a avancé deux arguments pour justifier la rétractation du jugement - rejetés par le tribunal.
D’abord, elle affirmait que la requête introductive d’instance n’avait pas été signifiée conformément aux règles établies par la jurisprudence applicable à l’ancien Code de procédure civile. Ce défaut l’aurait privé de son droit de se faire entendre avant qu’un jugement ne soit rendu contre elle, selon elle.
Le tribunal n’a pas retenu ce premier argument indiquant que la défenderesse faisait une fausse distinction entre la signification et la notification par huissier prévues au Code de procédure civile.
« Avec le nouveau Code de procédure civile, explique Me Bourget, on peut signifier une procédure à une personne qui est en mesure de la remettre à un dirigeant ou un administrateur. » Et c’est ce que le cabinet avait fait, par l’entremise de la réceptionniste de la résidence.
L’importance d’être courtois
Ensuite, le deuxième argument s’appuyait sur la « courtoisie professionnelle ». Selon la défenderesse, l’avocat de Mme Nolin aurait dû contacter l’experte en sinistre engagée par l’assureur de la Résidence Sainte-Claire avant de déposer une demande d’inscription pour jugement par défaut.
« Selon la déclaration sous serment signée par l’experte en sinistre, elle était en contacts fréquents avec l’avocat de Mme Nolin entre le mois d’avril et le mois d’août 2017, avant que cette poursuite ne soit entamée », peut-on lire dans le jugement.
Or, sur ce point, le Tribunal note que c’est plutôt la défenderesse qui a manqué de courtoisie.
Le jugement indique ainsi que, dans un courriel, l’experte en sinistre demande à l’avocat de Mme Nolin de lui accorder une autre prolongation de délai pour terminer son enquête. Mais celle-ci ne lui a jamais répondu.
Amélie Thériault, l’avocate de la Résidence Sainte-Claire, a indiqué que l’experte en sinistre ne voulait pas « réveiller le chat qui dort ». Ce qui n’a pas non plus convaincu le tribunal…
« Dans la mesure où l’experte en sinistre de l’assureur de la défenderesse a fait exprès pour ne pas faire avancer son dossier alors qu’elle était consciente de l’impatience de Mme Nolin et de son intention d’entamer une action en justice, elle est mal placée pour alléguer un manque de courtoisie de la part de l’avocat en demande », peut-on lire dans le jugement.
Pour Me Bourget, ce point-là a « fait l’effet d’un petit velours ».
« J’avais fait plusieurs rappels avant de poursuivre. Après plusieurs tentatives de communication, on a un jour averti que c’était le dernier. La courtoisie professionnelle est importante pour les avocats, conclut-il, alors je me réjouis que le juge déclare que c’était l’assureur qui a manqué de courtoisie... »