Débat : les quatre candidats déplorent le manque d’accessibilité
Elyse L. Perreault
2018-09-20 13:15:00
Leur consensus: L’accès à la justice québécoise a besoin d'être amélioré. Manque de fonds, manque de ressources, manque d’accessibilité, lois mésadaptées, citoyens mal informés… La liste est longue.
Les grands enjeux débattus: l’accès à la justice, l’aide juridique, la justice dans le Nord et le droit familial.
Consensus et crêpage de chignon amical
Les débatteurs qui ont accepté d’aller au front sont Me Marc Tanguay du Parti libéral du Québec (PLQ), candidat dans Lafontaine; Me Véronique Hivon du Parti québécois (PQ), candidate dans Joliette; Me Sonia Lebel de la Coalition Avenir Québec (CAQ), candidate dans Champlain; et Mme Mylène Jaccoud de Québec solidaire, candidate dans Bertrand.
Côté accessibilité au système, tous les partis sont d’accord à l’effet que l’éducation des citoyens face au système de justice est prioritaire dès l’école secondaire pour prévenir le recours abusif aux tribunaux.
Véronique Hivon, du PQ, a souligné l’importance de mettre l’emphase sur la justice civile et familiale qui subit souvent les contrecoups de la justice criminelle et pénale. Elle a aussi parlé de remettre les victimes au coeur des priorités du système de justice. Sonia Lebel, de la CAQ, a mentionné l’urgence de rendre ce système plus accessible et efficace et Mylène Jaccoud, de QS, a ajouté qu’il fallait à tout prix le décloisonner pour y parvenir.
Quant à Marc Tanguay, du PLQ, il ne s’est pas mérité de fleurs de la part de ses consoeurs quand il a exposé l’intention d’ajouter des magistrats et des salles d’audience; elles lui ont reproché de travailler à contre-courant puisqu’il faut diminuer les cas qui entrent dans le système.
En entrevue avec Droit-Inc, le libéral a qualifié le système de justice québécois d’«archaïque». Il nous a confié la complexité et la durée injustifiées des procédures qu’il a connues à l’époque de son divorce. Sonia Lebel nous a également parlé de contraintes légales qu’elles estime aberrantes en termes de garde partagée et de pension alimentaire, soulignant que le processus de médiation devrait être repensé et mis de l’avant pour désengorger les tribunaux.
Concernant l’aide juridique, le candidat du PLQ a souligné que la hausse des seuils d’admissibilité de 6.7%, basée sur l’augmentation du salaire minimum, avait établi le barème de gratuité à 21 840$, donnant désormais accès au système à plus de citoyens. Véronique Hivon a répliqué qu’il s’agissait d’une initiative du PQ, alors que les deux autres candidates ont indiqué que l’augmentation n’était pas suffisante à leur avis et que trop de gens à faible revenu doivent encore payer pour être défendus. Mylène Jaccoud, de QS, a émis l’idée d’établir les seuils en fonction du salaire mensuel des citoyens, plutôt que annuel.
Quant à la justice dans les territoires du Nord, les partis s’accordent sur la pertinence d’une réforme. Le PLQ a vanté le Fonds d’initiatives autochtones, alors que QS a prôné une approche mixte alliant la culture des peuples autochtones aux réalités du système de justice québécois. Le PQ et la CAQ ont souligné l’importance de tisser des liens avec les peuples, d’éviter de leur imposer une vision et d’impliquer tous les acteurs de la communauté pour travailler en collaboration plutôt qu’en vase clos.
Au sujet de la famille, pas de chicane! Les quatre partis se sont entendus à l’effet qu’il était urgent de moderniser et d’adapter le droit familial à la réalité des familles québécoises d’aujourd’hui. Le PLQ a fait l’éloge de son projet de Loi 113, mais s’est fait remettre en plein visage les multiples problématiques qu’il n’a pas encore adressées malgré l’urgence.
Politique et martinis!
Le débat, enflammé par moment, a été animé par Jean-François Guérin, animateur à LCN. Celui-ci a su être un bon chef d’orchestre, de sorte que les échanges sont restés respectueux, malgré une pointe de sarcasme et d’attaques voilées. Le tout a été couronné par un cocktail dinatoire où les convives ont pu échanger autour d’un bon verre et de petits hors d’oeuvres.
Me Paul-Matthieu Grondin, bâtonnier du Québec, était présent pour l’occasion.
L’auditoire comptait près de 150 juges, avocats et citoyens, en plus des 2000 personnes qui ont suivi le débat en webdiffusion. Les juristes avaient tous hâte d’entendre ce que les partis avaient à dire au sujet des enjeux qui affectent leur pratique au quotidien. Après coup, ils ont semblé satisfaits des réponses obtenues, mais sceptiques quant au financement disponible pour concrétiser les propositions.
«Les familles de la classe moyenne n’ont pas accès à l’aide juridique et elles se retrouvent à ne pas pouvoir porter de décision en appel car la démarche est trop coûteuse, ce qui ne respecte pas les principes de la justice», indique Me Julie Barnabé, du département des plaintes au bureau du syndic du Barreau du Québec. Elle déplore le peu de fonds injectés dans le système de justice pour le rendre plus accessible.
Au sujet des seuils d’accessibilité, elle ajoute: «Il faudrait que les critères soient basés sur la complexité des cas soumis, pas seulement sur le revenu, car des cas complexes peuvent en venir à s’endetter. »
Pour sa part, Gregory Lancop, avocat et étudiant à la maîtrise en droit de la propriété intellectuelle, s’est dit impressionné par la bonne maîtrise des dossiers de Me Hivon et Mme Jaccoud, alors qu’il a noté la tension et les nombreuses flèches que les deux autres candidats se sont lancées tout au long du débat. Il a mentionné que le débat lui avait permis de confirmer son choix, mais il a refusé de nous le dévoiler.
Le Barreau du Québec et le Jeune Barreau de Montréal, chose certaine, semblaient bien contents de l’événement.
«Le débat a été un franc succès. Les candidats choisis ont du caractère et une forte personnalité. Ils ont bien défendu la vision de leur parti respectif. On a espoir que les prochains élus feront bouger les choses et le Barreau a bien l’intention de les talonner pour s’assurer qu’ils respectent leurs engagements!», a commenté le bâtonnier Grondin en fin de soirée.
Au final, qui a gagné le débat? Droit-Inc a posé la question à plusieurs juristes sur place et aucun n’a osé se prononcer. Par contre, presque tous s’entendaient sur le nom du perdant de la soirée...