Les candidats d’OD sont-ils des salariés?
Sébastien Parent
2018-11-22 14:45:00
Avides de notoriété instantanée, ces personnes acceptent de jouer leur propre rôle dans une téléréalité, sans toutefois jouir du statut de comédien professionnel ainsi que des protections afférentes.
On peut penser, à tort ou à raison, que cela s’inscrit dans la mouvance d’entreprises qui tentent d’imaginer des formes d’emploi déguisé (sorte de « cheap labour » moderne), pour faire accomplir le travail par des individus sans en revanche s’encombrer des protections applicables à tout salarié.
Le statut de salarié en tant que porte d’entrée aux lois du travail
Pour accéder aux protections des lois du travail québécoises, le plaignant doit correspondre aux définitions de « salarié » ou de « travailleur », lesquelles comportent parfois certaines subtilités selon le champ d’application du texte législatif en cause.
La plupart de ces lois reprennent cependant les éléments clés du contrat de travail contenus à l’article 2085 du Code civil du Québec, à savoir : (1) une personne physique (2) qui exécute une prestation de travail sous le contrôle d’un employeur et (3) reçoit en contrepartie une rémunération.
Malgré la qualification donnée par les parties à leur relation, les tribunaux analyseront l’ensemble des circonstances pour déterminer s’il existe un véritable lien d’emploi.
Des précédents de la Cour de cassation
Dans une trilogie rendue entre 2009 et 2013, la Cour de cassation française a conclu que des participants à la téléréalité intitulée « L’Île de la tentation » étaient réellement des salariés. En effet, aux yeux de la Cour, plusieurs indices confirmaient l’existence d’un lien de subordination entre les participants et la société de production.
Parmi ceux-ci, le déroulement des journées était imposé unilatéralement par la production, qui alignait quotidiennement une série d’activités obligatoires. D’ailleurs, les horaires de travail des candidats pouvaient atteindre une vingtaine d’heures par jour, auxquels s’ajoutaient l’obligation de vivre en permanence sur le site du tournage et l’interdiction de communiquer avec l’extérieur.
De plus, les entrevues avec les candidats étaient dirigées et parfois, faisaient même l’objet de répétitions. Les candidats ne choisissaient pas non plus leur tenue puisque des vêtements étaient sélectionnés par l’équipe de tournage. Enfin, les producteurs conservaient le pouvoir d’évincer un participant – une sorte de congédiement donc –, s’il venait à manquer à ses obligations contractuelles.
Ainsi, le cadre imposé aux candidats n’avait rien à voir avec le déroulement habituel de leur vie privée, et les directives transmises débordaient largement les limites de la participation volontaire à un jeu. Ces éléments ont donc permis de conclure à l’existence d’une prestation de travail de la part des participants, laquelle était contrôlée par un producteur en vue de tirer un profit de cette série télévisée.
Si les candidats d’OD invoquaient les normes minimales du travail…
Si ce précédent devait se transporter en sol québécois, les candidats d’Occupation double pourraient entre autres bénéficier des protections de la Loi sur les normes du travail.
Cela signifie qu’un candidat pourrait réclamer le paiement de ses heures supplémentaires pour une nuit passée dans la « maison de l’amour », tandis qu’une autre pourrait déposer une plainte de harcèlement psychologique parce que la petite nouvelle l’a fait pleurer, en lui volant son coup de cœur.
Et pourquoi ne pas réclamer un préavis de fin d’emploi, avant que sa photo se retrouve dans l’enveloppe rouge au souper d’élimination ?
« La sens-tu la zizanie ? » - Jay Du Temple
Anonyme
il y a 6 ansC’est le fun travailler dans une université, on a du temps pour écrire sur tout ... et surtout rien!
Lui au moins il réfléchit et est utile
il y a 6 ansC'est le fun être dans votre peau, on a du temps pour écrire des commentaires anonymes désobligeants sur Droit-Inc. Get a life sale troll.
CFF
il y a 6 ansMoi qui habituelle est extrêmement critique des académiques doit avouer que les chroniques de Me Parent sont toujours très intéressantes, tant professionnellement qu'à titre de divertissement, vu la nature de la chronique d'aujourd'hui.
C'est une façon habile de traiter du droit du travail (domaine que je déteste) en le mêlant aux réalités modernes pour piquer l'intérêt et quand même passer son message académique.
Certes, Me Parent est très certainement l'exception, la règle demeurant les platitudes et les académiques complètement déconnectés de la réalité du domaine, mais je me suis retrouvé à lire avec intérêt toutes ses chroniques, à ma plus grande surprise, ce qui est un exploit en soi.
Anonyme
il y a 6 ansEst-ce que ça voudrait dire que les shakes de protéines et le spraytan serait déductible de leur revenus à titre de "vêtements de travail" ?