Camouflet pour un étudiant en droit
Jean-francois Parent
2019-07-03 14:45:00
Et puis, tandis qu’on y est, « 72 autres articles, tirés de treize lois et règlements », qui autorisent la RACJ à prélever des droits sont également visés par l’attaque tous azimuts qu’a tentée Gabriel Beaudet.
L’étudiant en droit a vu son attaque d’abord repoussée en une centaine de paragraphes par le juge Éric Hardy de la Cour supérieure, au début du printemps.
Puis le juge Simon Ruel, de la Cour d’appel, a achevé le combattant en une quinzaine de paragraphes, à la mi-juin.
Une taxe déguisée
Gabriel Beaudet, a ainsi mené une cabale contre un droit exigé par la RACJ pour la tenue de fêtes familiales sur la « réserve indienne de Wendake ».
Sur 3 ans, pour autant de fêtes, on lui exige un total de 135 dollars. Et il veut être remboursé.
Le jeune Huron-Wendat de Wendake, près de Québec, plaide que ces droits sont des taxes déguisées, que la RACJ ne peut valablement prélever, d’autant plus que ce sont des droits exigés auprès d’un « indien inscrit résidant sur une réserve pour un usage sur une réserve ».
L’article 3 du Règlement sur les permis d’alcool est contesté, et l’article 87 de la Loi sur les Indiens invoqué.
« C’est un flou qui pose problème, dit-il, puisque le prélèvement de droits par règlement prive les nations autochtones des exemptions de taxes auxquelles elles ont droit. Il faudrait régler cette question. »
Viser haut
C’est pourquoi le stagiaire du Barreau attaque également, pour les mêmes motifs, la validité de 72 autres articles législatifs, dans 13 lois, autorisant la RACJ à des droits similaires.
Ce qui soulève la deuxième question de fond, soit « jusqu’où peut-on récolter des sommes par le biais de la réglementation ».
La défense a mobilisé trois plaideurs, soit Me France Deschênes de Justice-Québec, et Mes Sylvain Lippé et Philippe Moisan Royal, de la RACJ.
Le stagiaire chez Barakatt Société d’avocats à Québec se représente seul (Les procédures ont été entamées bien avant l'arrivée de M. Beaudet comme stagiaire au cabinet, lequel n'est nullement impliqué dans cette affaire).
Ses vis-à-vis plaident l’irrecevabilité partielle, ce qui leur est accordé.
Gabriel Beaudet est renvoyé à la planche à dessin.
Intérêt ténu
D’abord, le futur avocat n’a qu’un « intérêt ténu » dans l’affaire, et n’est pas qualifié pour plaider une question d’intérêt public comme la constitutionnalité des 72 articles évoqués plus haut.
Il a toutefois un intérêt direct dans son premier moyen d’attaque, soit l’article 3 du règlement qui habilite la RACJ à prélever des droits.
Il reste que la Cour supérieure, qui a rendu son jugement le 1er mai dernier, doute que Gabriel Beaudet soit en mesure de livrer pareille bataille.
« Le demandeur est un jeune homme de talent (et) la recherche juridique qu’il a effectuée pour étayer ses arguments est élaborée. Cela dit, il ne possède aucune expérience devant les tribunaux (…) Entre l’audience du 12 novembre 2018 et celle du 22 janvier 2019, il aurait eu amplement le temps de bonifier sa preuve (…) mais il n’a pas jugé opportun de le faire (illustrant) qu’il n’est pas encore suffisamment rompu au droit judiciaire pour mener à bon port un recours de l’importance de celui qu’il a institué. »
La Cour supérieure l’invite à limiter son recours aux seuls droits qu’il a payés à la RACJ.
« Je plaide que c’est la même preuve qui s’applique, car on parle de l’utilisation du régime réglementaire pour prélever des taxes. » Qu’on démontre la taxation sous couvert de règlement dans un cas, et on la démontre pour tous les cas, ou sinon une bonne partie d’entre eux, dit-il en substance.
L’appel perdu
Le fougueux jeune homme ne se laisse pas démonter et fait appel de cette décision.
Il dit soulever « des questions de principe nouvelles, notamment en matière de taxation et en matière autochtone, et que le juge erre en ce qui concerne l’application des critères de la qualité pour agir dans l’intérêt public ».
Rebelotte, Gabriel Beaudet est à nouveau débouté.
La Cour d’appel reprend le jugement de première instance où le « juge souligne que le requérant, un étudiant en droit qui se représente seul, n’a ni les moyens, ni l’expertise pour entreprendre une contestation constitutionnelle aussi vaste, soulevant ainsi des questions de coûts, d’efficacité et de proportionnalité ».
Cette fois le juge Ruel, veut tempérer les ardeurs du jeune plaideur. Déposer des recours exige de bien les planifier, d’avoir une idée moins vague de leur ampleur et des coûts qu’ils impliquent.
« L’accès à la justice n’équivaut pas à un droit illimité de déposer des procédures ou de soulever une multitude de questions », tranche le juge Ruel.
Qui conclut en faisant valoir que la Cour supérieure, dont il maintient le jugement, « doit s’assurer de préserver les ressources judiciaires limitées pour les autres justiciables qui attendent pour faire trancher leurs litiges dans toutes sortes de domaines ».
Ces gifles hérissent Gabriel Beaudet au plus haut point. « Plutôt que m’accorder le droit de plaider toute cette question une seule fois, on veut que ça soit plaidé 72 fois. Ça ne fait pas de sens. »