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L’Office des professions a enquêté sur le Barreau

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Jean-francois Parent

2019-08-05 11:15:00

L’affaire Khuong a incité le ministère de la Justice à dépêcher une mission d’observation auprès de l’ordre professionnel en 2015...
La ministre de la Justice d’alors, Stéphanie Vallée.
La ministre de la Justice d’alors, Stéphanie Vallée.
Droit-inc a appris qu’en 2015, en pleine crise de gouvernance au sein du Barreau du Québec, l’Office des professions s’est penché sur l’application des mécanismes de protection du public au sein de l’ordre.

On répondait ainsi à une demande de la ministre de la Justice d’alors, Stéphanie Vallée, qui s’inquiétait des répercussions que pouvaient avoir l’affaire Khuong sur la gestion des mécanismes de protection du public.

Onde choc

Me Lu Chan Khuong.
Me Lu Chan Khuong.
Trente juin 2015. L’onde du choc qui allait affliger le Barreau du Québec pendant de longs mois se prépare.

Des révélations publiées par La Presse selon lesquelles la bâtonnière-élue Lu Chan Khuong a fait l’objet d’une plainte pour vol à l’étalage l’année précédente amène le nouveau CA de l’ordre professionnel à la suspendre de ses fonctions dès que l’affaire s’ébruite.

Dans le milieu juridique, les choses s’emballent dès lors, et dureront tout le long d’un été chaud.

La suspension est décriée par plusieurs barreaux de sections.

Plusieurs voix s’élèvent également pour remettre en question la façon et la célérité avec laquelle le CA a suspendu Me Khuong, on évoque le complot, des procédures judiciaires sont déposées, des enquêtes internes sont menées, des comités sont mis sur pied, d’ex-ministres de la Justice exhortent le Barreau à réévaluer sa gestion de l’affaire…

La situation est telle que la ministre de la Justice d’alors, Stéphanie Vallée, envoie l’Office des professions dans la mêlée.

Mission d’observation

Dans un rapport daté du 29 septembre 2015 dont Droit-inc a obtenu copie, on peut lire qu’« alertée par les turbulences vécues au sein de l'instance dirigeante du Barreau du Québec (…) la ministre de la Justice (…) demande à l'Office des professions du Québec de s'assurer que les mécanismes de protection du public (…) continuent de s'appliquer avec toute la rigueur et l'efficacité requise, malgré les circonstances troubles dans lesquelles l’Ordre se retrouve », écrit l’observateur mandaté par l’Office Denys Duchaine.

Le rapport frappé du sceau de la confidentialité précise que « le mandat consiste à vérifier si les mécanismes voués à la protection du public, notamment ceux relatifs à la discipline, l'inspection professionnelle, la formation continue obligatoire, l'admission à la profession et les autres activités de surveillance et de contrôle de l'exercice de la profession sont appliqués avec efficacité et diligence, malgré la tourmente médiatique qui ébranle l’Ordre ».

L’observation se déroule pendant les premières semaines de septembre 2015, et consiste essentiellement à prendre connaissance des rapports préparés par la direction générale couvrant les mois précédents la suspension de Lu Chan Khuong, et les mois qui ont suivi.

Les rapports présentent l'état de la situation dans les secteurs d'activité du Barreau, dont notamment les finances, la discipline, l’inspection professionnelle, le service des greffes, les ressources humaines ou encore la formation continue.

Ces rapports relatent « spécialement les dossiers ou les réalisations à signaler et les données statistiques comparatives avec la période de l'année précédente », poursuit Denys Duchaine.

Me Louis-François Asselin, Me Sylvie Champagne et Me Geneviève Lefebvre.
Me Louis-François Asselin, Me Sylvie Champagne et Me Geneviève Lefebvre.
On rencontre également « le vice-président, Me Louis-François Asselin, la secrétaire et directrice des affaires juridiques, Me Sylvie Champagne, la directrice-générale, Me Lise Tremblay et Me Geneviève Lefebvre, directrice de l'inspection professionnelle », entre autres personnes.

On veut ainsi « déterminer à partir de quelques questions, si, de l'opinion de l'interlocuteur, le différend existant entre la Bâtonnière et les administrateurs, et la tourmente médiatique qui en a découlé, affectaient le déroulement normal des opérations courantes des mécanismes destinés à protéger le public ».

Enfin, on prend connaissance des procès-verbaux des CA de juin à septembre 2015.

« Aucun impact »

Le rapport remis à l’Office relève que tous les dirigeants du Barreau ont « reconnu que la médiatisation de l'affaire a été difficile à vivre et que l'image de la profession peut être affectée ».

Pour rappel, le Barreau implantait à cette époque de nouvelles règles de gouvernance.

Les témoignages recueillis permettent à l’observateur de conclure « que la transformation des méthodes et processus ainsi que l'apprentissage des nouvelles technologies de l'information se poursuivent normalement » et que « tous les dirigeants ont déclaré que la situation vécue au sein de l'organisation (…) n'avait aucun impact négatif sur l'exécution normale de leurs tâches et activités courantes. Ces déclarations sont corroborées par les informations contenues aux deux rapports périodiques préparés par la direction générale ».

On conclut en comparant les résultats des activités du Barreau pendant la crise avec ceux de la période correspondante l’année précédente.

Le rapport se termine par la conclusion que le fonctionnement des mécanismes de protection du public(…) n'ont pas été affectés ni compromis » par la situation entre le 1er juillet et le 15 septembre 2015.

C’est à cette dernière date que la bâtonnière Khuong a finalement quitté son poste et que toutes les procédures judiciaires ont été annulées.

Des questions sans réponses

Il reste que c’est surtout le processus décisionnel suivi par le CA qui avait suscité la colère des assujettis.

Ainsi, plusieurs barreaux de section avaient déploré « la façon précipitée avec laquelle le conseil d’administration » a suspendu Me Khuong, ou encore le fait que « le conseil d'administration ne nous a pas informés des assises légales lui permettant de prendre cette décision ».

Des explications concernant le coulage du dossier de Lu Chan Khuong aux médias—un dossier protégé par la confidentialité—ont également été exigées, de même que le Barreau prenne « tous les moyens à sa disposition afin d’enquêter sur le bris de confidentialité d’un dossier déjudiciarisé ».

Sur ces questions, le rapport de l’Office des professions est muet.

Plusieurs autres questions posées par les assujettis sont par ailleurs toujours sans réponse, portant notamment sur ce qui justifiait l'urgence de suspendre la bâtonnière, ou encore relativement à d’éventuelles consultations avec le ministère de la Justice ou l’Office des professions avant de suspendre la bâtonnière Khuong.

Au Barreau du Québec, on réserve ses commentaires quant aux leçons tirées de la situation, ni si les processus décisionnels du conseil d’administration, qui n’ont pas été évalués par la mission d’observation, ont été adaptés à de telles situations.

« Le Barreau du Québec a le devoir de se concentrer sur sa mission qui est la protection du public. C’est ce que l’Ordre fait au quotidien. Quant aux éléments particuliers du rapport, par respect pour l’Office des professions, nous vous suggérons d’adresser vos questions à cette organisation puisque le document émane de celle-ci », indique-t-on par courriel.

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