Changement de garde chez RSS
Mathieu Galarneau
2019-11-28 15:00:00
« Je suis un bébé RSS! » lance d’entrée de jeu le volubile Barreau 1998, visiblement enthousiasmé de revenir au bureau. Après avoir passé environ un an chez Clark & Associés, il intégrera RSS en 2000 en tant que plaideur en assurances. Ce premier passage au cabinet durera 10 ans.
Andrew n’est pourtant pas né avec la passion du droit, même si son père, son oncle et son frère avaient tous choisi de revêtir la toge. Mais qu’est-ce qui l’a amené en droit?
« Je me suis déjà posé la question... et je ne le sais pas! J'aimais ça, mais je ne me voyais pas du tout faire ce que j'ai fait en bout de ligne. Je me voyais davantage en commercial. Mon père ne parlait jamais de travail quand il arrivait à la maison. Ça n'a jamais été une influence. »
L’Estrien d’origine se tourne vers l’administration, complétant un baccalauréat à l’Université Bishop’s. Après coup, il choisit tout de même le droit, qu’il étudie à l’Université de Sherbrooke.
« Encore là, ce n'était pas une passion à l'école. J'avais du fun, je trouvais ça intéressant, mais la passion je l'ai découverte ici, chez RSS. Mon parcours en droit est un concours de circonstances. »
Une décennie de plaideur
Me Penhale intègre le département des assurances de Robinson Sheppard Shapiro et se découvre une habileté pour le litige. Au fil des ans, son talent de plaideur ne sera pas qu’utilisé en assurances.
« Plus les années passaient, plus je travaillais en collaboration avec les gens des autres départements. Je suis un gars de litige, alors quand ils avaient besoin de quelqu'un pour plaider, ils m'appelaient! »
Prenant rapidement du galon, il devient associé et travaille alors plus étroitement avec les jeunes loups du cabinet, alors qu’il bosse étroitement avec Michel Green, son principal fournisseur de travail.
Sept ans pour intégrer les rouages de la gestion
En 2010, alors que tout roule à vitesse grand V pour le plaideur, avec des causes tant à Montréal qu’à l’extérieur, la maladie frappe sa famille. Voyant sa pratique privée être trop demandante pour lui, alors qu’il doit être auprès de sa fille, il regarde alors ses options.
« L'assurance, c'est une pratique de volume. Je pouvais partir des semaines de temps en procès. À un moment donné, je ne pouvais plus continuer. Je ne pouvais pas faire du mi-temps, je ne trouvais pas ça équitable pour les autres et j'avais l'impression que je m'ennuierais. »
C’est ainsi qu’il décide de se joindre au Fonds d’assurance responsabilité professionnelle du Barreau du Québec à titre de directeur des sinistres.
« Ça a été une école. Je suis arrivé là, je pensais que je savais c'était quoi gérer! J'ai appris de mes erreurs. C'était du monde fantastique, une équipe dévouée, que ce soit au contentieux ou avec les analystes, c'est du monde dédié à la cause », se souvient-il.
L’avocat parfaitement bilingue y a également fait une rencontre fortuite, celle de René Langlois, alors directeur général du Fonds d’assurance responsabilité, un « grand mentor », dira-t-il.
« Il m'a montré c'était quoi la gestion d'une entreprise. Je le vois encore, je peux toujours lui poser des questions. C'est lui qui m'a fait découvrir comment faire le travail que je vais faire ici. »
L’expérience client
S’il n’y avait qu’une seule chose de son parcours au Fonds d’assurance responsabilité à retenir pour son mandat d’associé-directeur chez RSS, Andrew Penhale répond sans détour sa meilleure compréhension aujourd’hui de l’expérience client.
« J'avais affaire avec les avocats qui me représentaient, mais aussi les avocats poursuivis ou qui avaient une réclamation. Je voyais ce qui se passait dans la tête de cette personne-là, et comment elle se sent. Tant que tu ne l'as pas vécu, tu ne sais pas ce que c'est. J'ai pu le vivre à travers eux, je suis chanceux je n'ai jamais eu de réclamation contre moi. »
C’est cette culture qu’il souhaite inculquer chez les avocats de RSS. Apprendre à connaître son client, ses motivations et ses besoins, plutôt que de simplement répondre à ses questions de droit immédiates.
« S'il y a une chose que j'ai apprise, c'est d'apprendre à connaître son client, pas juste de l'amener au hockey! On a tendance à leur dire: "je suis l'avocat, voici mon opinion" et ça finit là. Une opinion en droit c'est une chose, mais le client veut plus que ça. Il veut savoir par exemple "dans 10 ans, que va-t-il arriver si je fais ça?" »
Agent libre
Après sept ans au Fonds d’assurance professionnelle, en 2017, le spécialiste du droit des assurances prend une pause pour être plus près de son père vieillissant. « Mon objectif était d'arrêter six mois. Finalement, j'ai arrêté pendant un an et quart! »
« Une fois que c'est rentré dans l'ordre, je m'ennuyais un peu! (rires) C'était le fun d'aller luncher avec mes amis, mais... Tout le monde me disait "t'es chanceux, tu peux voyager!", je leur répondais: "j'ai des enfants de 7 ans et 10 ans, je suis à la maison!" »
Andrew Penhale reprend sa pratique privée en devenant consultant. Le bouche à oreille faisant son travail, il décroche plusieurs contrats pour un Fonds d’assurance responsabilité pour les avocats de l’Alberta.
« Ça commençait à devenir routinier et j'avais besoin d'un nouveau challenge. Et ici chez RSS, c'est tout un challenge pour moi! »
100 ans de pratique
Robinson Sheppard Shapiro soufflera ses 100 bougies en 2021. Pour Me Penhale, le cabinet a réussi à toujours s’adapter aux changements, tout en conservant ses valeurs fondamentales.
L’associé-directeur croit que le cabinet est comme une grande famille. Les portes des bureaux sont toujours ouvertes pour les questions et commentaires des collègues, par exemple.
« Ici, si un avocat a un problème à régler, on lui donne le temps. Et il y a toujours un collègue qui est là pour dire "donne-moi tes dossiers, je vais m'en occuper en attendant". On sait que si ça nous arrive, quelqu'un va le faire. C'est quelque chose qui est enseigné dès le début. Pour moi, c'est important. »
De nombreux défis
Maintenant qu’il a les deux mains sur le volant, Andrew n’a pas l’intention de chômer. Il planche déjà sur une stratégie pour faire connaître davantage les différentes pratiques offertes au sein du cabinet qui compte pas loin de 90 avocats.
« Il y en a des choses à faire, il ne faut pas se le cacher. Quand on parle de RSS, c'est un bureau de litige, de droit de la famille. Mon défi, c'est de dire qu'on est 90 avocats et plus de la moitié font autre chose que ça. Les gens sont au courant, mais on n'est pas capable de le mettre de l'avant, pourquoi? C'est la question que je pose à tout le monde au bureau en ce moment. C'est le gros défi sur lequel je vais mettre beaucoup d'énergie. »
« Quand on va vers le client et qu'on dit "on pourrait faire tel mandat pour toi" et qu'ils sont étonnés qu'on offre le service, est-ce que c'est parce qu'on ne se vend pas de la bonne façon? Est-ce que c'est parce qu'on doit être encore plus présents? Est-ce qu'on doit faire partie des colloques? Il faut évaluer tout ça », poursuit-il.
Alors que tous les cabinets jonglent avec l’arrivée de nouvelles technologies juridiques et l’avènement de l’intelligence artificielle, Andrew Penhale adopte une approche prudente dans l’intégration de ces outils chez RSS.
« Je suis un grand amateur d'intelligence artificielle, je regarde beaucoup ce qui se passe dans ce domaine, mais est-ce qu'on a les moyens d'investir là-dedans? On n'a pas des millions de dollars à dépenser dans ces projets-là, alors est-ce qu'on se base davantage sur ce qui se fait, et d'en intégrer peu à peu? », se questionne-t-il.
Si intégration de nouvelles technologies il y a, elle se fera au bénéfice des clients. D’ailleurs, le nouveau boss ne ferme pas la porte à des projets pilotes sur des modes alternatifs de facturation pour répondre aux besoins de la clientèle juridique toujours plus exigeante envers les cabinets.
« Je consulte mes avocats au bureau pour connaître quel client serait intéressé à participer à ce projet pilote. Ça nous prend un client de confiance où si on perd trop d'argent, on peut se rasseoir à la table et discuter, et vice-versa si on en fait trop. »
Mais ce n’est pas le seul domaine où l’avocat croit pouvoir sabrer dans les coûts. « Si on construit une maison, il y a une raison pourquoi le plombier n'arrive pas en même temps que l'électricien. En droit, il faut coordonner notre monde sur les gros dossiers. Si on est capable de travailler de cette façon-là, on va sauver de l'argent. »
Transfert d’expérience
RSS compte de nombreux avocats d’expérience parmi ses rangs, notons par exemple, Lynn Kassie, Yves Cousineau et Barry Shapiro, pour ne nommer que ceux-là. Pour Andrew Penhale, avoir de telles ressources toujours actives au sein du cabinet, « ça vaut de l’or », et il n’est aucunement question de les pousser vers la retraite.
Ces juristes d’expérience amènent toujours des clients au cabinet, en plus d’offrir leurs conseils à leurs collègues.
« Si on avait un avocat de 40 ou 50 ans qui ne fait rien, il n'aurait pas plus sa place ici qu'un avocat de 70 ans qui ne fait rien. De toute façon, ils quitteraient par eux-mêmes. Ce qui est le fun, c'est qu'ils nous apportent aussi une expertise, et ils sont capables de l'enseigner. Tant et aussi longtemps qu'ils sont capables de faire ça, je ne les pitcherai pas dehors! »
Mériter la confiance
À travers tous ces changements, l’associé-directeur se donne comme mission de continuer le bon travail de Charles Flam, qui a tenu le gouvernail pendant une trentaine d’années sans que le bateau ne s’échoue malgré quelques inévitables écueils.
« Ce sera un de mes grands défis: continuer cette tradition d'esprit d'équipe. Ma nomination comme associé-directeur, je la vois comme une marque de confiance, et c'est maintenant à moi de prouver que je la méritais », conclut-il.