Un prof de droit poursuit Gowling WLG pour 400 millions!
Jean-francois Parent
2019-12-05 15:00:00
Mais voilà, selon Lawrence David, diplômé de Harvard qui enseigne le droit à l’Université d’Ottawa, la missive « illustre des pratiques dignes des prédateurs, est bourrée d’erreurs grossières de droit et contient des affirmations mensongères », s’indigne-t-il.
L’universitaire, auteur d’ouvrages juridiques et inscrit au barreau de l’Ontario en tant que conseiller juridique à Justice Canada, allègue avoir été notamment victime de bullying de la part de Ricardo Escayola, lequel se serait ainsi rendu coupable d’inconduite professionnelle.
Disant avoir documenté plusieurs cas impliquant les pratiques de Gowling WLG dans la jurisprudence récente, il profite de l’occasion pour déposer une demande d’action collective à la Cour supérieure de l’Ontario visant Gowling, afin d’envoyer un message clair à l’industrie juridique canadienne : le temps de la facturation prédatrice est terminé.
« Le mépris organisationnel systématique de Gowling envers la prévention du risque de surfacturation a récemment été abordé par (les tribunaux) », poursuit David Lawrence dans sa requête.
Outre les frais et les dommages qu’il réclame, totalisant 1,5 million, il réclame au surplus 400 millions dans le cadre d’une demande d’autorisation d’intenter une action collective.
Un condo maudit
Lawrence David loue un condo dans un immeuble luxueux du centre-ville d’Ottawa, depuis le 1er juin dernier. Dès les premiers jours d’occupation, l’universitaire déplore être victime de violence verbale, étant copieusement insulté quotidiennement par au moins un employé de l’immeuble.
Il se plaint auprès de la Ottawa-Carleton Standard Condominium Corporation 931, et cette dernière lui répond par la bouche de son avocat, Rodrigue Escayola, associé de Gowling à Ottawa.
Dans la missive, on détaille une série de torts qu’aurait « prétendument » causé Lawrence David à OCSCC 931, « tous mensongers » selon lui. Puis, Me Escayola détaille des lois qui s’appliqueraient à la situation et, pour prix de son effort, réclame 1 525 dollars à Me Lawrence.
Le tout se conclut par une menace d’entamer des procédures d’éviction, lesquelles « peuvent atteindre 25 000 dollars », écrit Me Escayola, toujours selon la requête déposée le 26 novembre dernier.
Une facture gonflée
Me Escayola aurait ainsi abusé du pouvoir discrétionnaire conféré par l’article 34 de la Loi sur les procureurs de l’Ontario, plaide Me David.
Ainsi, « ni lui, ni ses assistants n’ont jamais voulu détailler les calculs qui justifient le montant de la réclamation », poursuit l’universitaire. Lui-même estime pouvoir démontrer que la litanie d’arguments juridiques invoqués par Me Escayola en appui de sa réclamation sont rien de moins que des copiés-collés tirés d’une jurisprudence impliquant par ailleurs Me Escayola.
Considérant que la lettre reçue est pleine de formulations standards et qu’elle a pris, au plus, quelques minutes à rédiger, Me David estime que la facture ne devrait pas dépasser quelques centaines de dollars.
Une tentative d’extorsion?
Il soutient en outre que les lois invoquées dans la mise en demeure ne s’appliquent même pas à son cas.
« Il invoque des dispositions de la Loi sur les condominiums qui ne sont même pas encore en vigueur! Et ce, de la part d’un avocat qui se présente comme un expert de cette loi! » fulmine Me David, qui n’entend pas régler hors cours.
Quant aux coûts de 25 000 dollars invoqués, ils seraient abusifs. En fait, l’arrêt MacQuarrie, où l’on réclamait de telles sommes à un locataire, a fait l’objet d’une décision les qualifiant comme tel, et le défendeur, qui a gagné, était représenté par… Me Escayola.
Parmi les nombreuses fautes qu’auraient commises Me Escayola, Me David soutient qu’il y a également de possibles infractions criminelles, dont la fraude et l’extorsion. Me David quant à lui demande à la cour de déclarer Gowling WLG et Me Escayola coupables de réception de l’indu (Tort of conversion) et de qualifier cette réception de faute.
Questionné sur l’existence d’une politique interne de facturation, Gowling WLG refuse de commenter, la cause étant devant les tribunaux. « Mais c’est sans fondements, et nous allons nous défendre vigoureusement », écrit le porte-parole James Hatch. Quant à Rodrigue Escayola, il n’a pas répondu à Droit-Inc.
Une action collective
Gowling est présentement ou était récemment impliqué dans une douzaine de causes relativement à des allégations de « pratiques prédatrices de facturation de facturation, de la surfacturation agressive », soutient Me David, qui présente une quinzaine de décisions dans sa requête démontrant, selon lui, que le cabinet aurait institutionnalisé la surfacturation.
« C’est une façon audacieuse de contester une facture », commente Noel Semple, professeur de Droit à l’Université de Windsor et collaborateur du magazine Slaw, où il a rédigé plusieurs articles concernant les pratiques abusives de facturation.
« Il est vrai que la réglementation est plutôt floue quant à ce que constituent des honoraires "raisonnables". Et on l’a vu avec les mises en demeure envoyées dans les cas de vols à l’étalage, il y a beaucoup d’abus » dans l’industrie juridique.
Noel Semple déplore que la facturation ne fasse pas l’objet d’un examen rigoureux par la profession, et que l’absence de règles précises sur la question ne conduise à bien des écarts éthiques.
Pour Lawrence David, il est plus que temps que cela cesse. Il passe par les tribunaux, car « le barreau n'a pas compétence pour statuer sur les questions d'honoraires. Quant à la révision des comptes, l'avocat visé n’a pas besoin d’être présent, le mécanisme ne permet d’entendre des arguments concernant la faute civile, et il en coûte souvent plus cher que le montant contesté ».
Et rien n’empêche légalement de déposer une procédure en cour, qu’il y ait ou non demande de révision administrative. « Gowling avait plaidé le contraire dans l’arrêt Springer, en 2013, mais ils ont perdu…»
Pour consulter la requête cliquez ici.