Course aux stages : comment s’en sortent les petits cabinets?
Florence Tison
2020-02-25 15:00:00
Ça explique la quantité de candidatures reçues par bien des petits cabinets : plus d’une centaine pour Avens seulement!
« C’est incroyable! se réjouit Me Catherine Cloutier, associée chez Avens. J’ai fini de regarder toutes les candidatures et vraiment, je suis emballée par la qualité des dossiers qui m’ont été envoyés. »
Tirer son épingle du jeu face aux géants
C’est la première fois que Avens participe à la course aux stages, mais c’est logique : le cabinet n’a pas encore un an.
« Je doutais de le faire, et finalement je ne regrette pas du tout, parce que je pense qu'il y a une place pour les petits bureaux », estime Me Catherine Cloutier.
Tant qu’on réussit à attirer l’attention des universitaires! Pour cela, les petits bureaux signent l’entente de recrutement de la course au stage, qui régit surtout les périodes allouées à l’appel de candidatures, aux offres d’entrevue et aux offres de stage. Si elle est rigide, l’entente donne une certaine visibilité aux petits cabinets, qui se retrouvent dans la liste officielle des participants à la course aux stages.
Beaucoup de petits cabinets organisent aussi des événements de réseautage à même leurs locaux, pour présenter les avocats et associés aux courseurs, et donner un avant-goût de l’atmosphère qui règne au bureau.
« À ce moment-là, ils peuvent vraiment voir l’ambiance qui est collégiale et les profils super diversifiés des différentes personnes », explique Me Marie-Christine Bernier de Smart & Biggar, qui organise des cocktails depuis deux ans pour la course aux stages.
« On fait des présentations sur nos clients, et ils voient un peu le mix entre l’ambiance, les clients d’envergure et les ressources qui s’approchent tous de ceux d’un grand cabinet, » poursuit l’associée.
Et ça marche! Le cabinet Bereskin & Parr a vu pour sa part toute une différence depuis que les associés organisent des cocktails à l’intention des étudiants.
« Je ne peux pas comparer avec les grands cabinets multidisciplinaires, mais
on est passé de quelques CV par année à plus d’une soixantaine, » estime Me François Larose, associé chez Bereskin & Parr.
Il faut dire que les petits bureaux offrent des avantages assez prisés des futurs avocats…
L'atmosphère particulière des petits cabinets
L’ambiance joue beaucoup dans le choix que feront les étudiants confrontés à plusieurs offres de stages. Chez Bereskin & Parr, par exemple, l’atmosphère est « très relax ».
« Ça fait quelques années que le code vestimentaire relax du vendredi, nous, c’est à chaque jour, glisse l’associé François Larose. Dress for your day, comme on dit! Moi, je ne me souviens pas de la dernière fois où j’ai porté un suit. De toute façon, on communique avec les clients par téléphone ou par voie électronique… »
Chez Avens, on travaille surtout en équipe. Les patrons sont accessibles, les décisions ne sont pas hiérarchisées. « C'est un mode de fonctionnement différent, estime l’associée Catherine Cloutier. Je pense que c’est plus familial. »
Mais ça ne veut pas dire qu’on s’ennuie, dans un petit cabinet! Là aussi, il y a des clients impressionnants et des cas intéressants.
« Alors que d’un côté, on a la chance de travailler avec une petite équipe dans une ambiance vraiment collégiale qui est digne des plus petits cabinets, on a aussi les ressources des géants et l’opportunité de travailler avec des clients d’envergure, souligne Me Marie-Christine Bernier de Smart & Biggar. Pour moi c’est vraiment le meilleur des deux mondes. »
« Même si notre bureau est plus petit à Montréal, la taille et l’envergure de nos dossiers pèsent beaucoup plus lourd que le nombre d’avocats que nous avons », témoigne quant à lui Matthew Angelus, associé senior chez Torys.
Se permettre d’être difficile… ou pas
Si vous pensez qu’un petit cabinet doit sauter sur tous les candidats à la course aux stages pour s’assurer d’avoir de bons stagiaires, détrompez-vous. Bien des petits bureaux n’auront qu’un seul stagiaire, voire deux ou trois selon la qualité des candidatures. Pas plus. Ils se permettent alors d’être exigeants.
« C’est sûr que nous avons des attentes très élevées envers nos étudiants et stagiaires, indique Me Matthew Angelus, de Torys. Nous sommes à la recherche, vraiment, du candidat parfait! Cela dit, je ne dirais pas qu’il y a un seul type de bon candidat. »
Sur quoi se fient donc les petits cabinets pour sélectionner l’heureux élu? Les notes, évidemment, mais pas seulement.
« On cherche d’abord et avant tout des étudiants qui ont un intérêt marqué pour la propriété intellectuelle, souligne Me Marie-Christine Bernier de Smart & Biggar. Ensuite on cherche des étudiants avec des profils assez diversifiés, qui ont une couleur à apporter à notre bureau, par exemple des étudiants qui sont curieux, créatifs, qui ont un bon sens de l'initiative et de leadership. »
Chez Bereskin & Parr, par contre, mieux vaut avoir un autre diplôme à son actif, minimalement un bac, souvent un doctorat, et généralement en sciences. Et si le candidat a de l’expérience professionnelle, parascolaire et sportive, c’est encore mieux.
Il faut comprendre : chacun de ces stagiaires pourrait potentiellement se faire offrir de joindre le cabinet à la fin de son stage. Trouver des avocats à long terme, c'est le but de l’opération pour la plupart des cabinets.
La qualité de vie avant le salaire
Les responsables de la course aux stages en petits cabinets sont unanimes : ils ont de plus en plus de candidatures intéressantes. Si on pourrait l’expliquer par l’effort mis sur le réseautage, l’associée chez Avens Catherine Cloutier avance une autre théorie.
« Peut-être que les Milléniaux veulent être heureux à la place d’empiler des heures. Moi je suis un barreau 2001, et dans mon temps la seule chose qui était importante, c’était de rentrer en grand cabinet! » (Rires)
« J’ai l’impression que les mentalités ont changé, poursuit Me Cloutier. Les gens veulent être heureux et être dans des environnements qui leur ressemblent, où ils peuvent être eux-mêmes. »
Les nouveaux arrivés sur le marché du travail semblent maintenant prêts à accepter une baisse de salaire pour ne pas travailler les fins de semaine, avoir des vacances, un objectif d’heures décent… voire travailler de la maison!
« Le télétravail, je ne sais pas à quel point c’est encouragé par les autres cabinets, mais chez nous, ça l’est », souligne Me François Larose de Bereskin & Parr.
On comprend mieux maintenant pourquoi tous ces petits cabinets croulent sous les CV...