Les étudiants pourront donner des avis!
Camille Laurin-Desjardins
2020-11-06 15:00:00
Si elle est adoptée, cette loi permettrait aux étudiants en droit de donner des avis et des consultations juridiques dans le cadre d’une clinique juridique universitaire… une ouverture que réclame le monde universitaire depuis longtemps.
« Une avancée majeure », c’est ainsi que le ministre a décrit ce changement. Les juristes au sein de facultés de droit que nous avons consultés sont aussi de cet avis.
« Je suis très heureuse de ça! lance d’emblée la doyenne de la Faculté de droit de l’Université de Montréal, France Houle. Ça fait au moins une vingtaine d'années que je souhaite que ce changement arrive. »
Elle croit non seulement que cela va permettre d’améliorer « grandement » l’accès à la justice (surtout en temps de pandémie, alors que de nombreuses personnes ont perdu leur emploi), mais aussi que cette dimension enrichira la formation des étudiants.
« Beaucoup de personnes qui viennent à la clinique juridique se disent déçus, parce qu’ils s’attendaient à plus », note-t-elle.
À l’heure actuelle, les étudiants ne peuvent que donner des informations d’ordre juridique à ceux qui les consultent, une tâche qui est aujourd’hui un peu dépassée, selon Mme Houle, puisque les services des juridiques ont été mis sur pied il y a une quarantaine d’années, bien avant l’arrivée d’Internet.
Pouvoir donner des avis et des consultations d’ordre juridique rendra la tâche beaucoup plus concrète, mais aussi beaucoup moins stressante, pour les étudiants, renchérit Emmanuelle Bernheim, professeure à la section de droit civil de la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa.
« Ce qu’on voit, c’est qu’ils ont tout le temps peur de transgresser la limite de ce qu’est une information juridique. Parce que c’est très peu clair, ce qu’est une information, versus un conseil juridique. Les étudiants restent très prudents… C'est un problème, ça rend pour eux l’expérience difficile, c’est un stress permanent. »
Pour Pierre Noreau, professeur au Centre de recherche en droit public de l'Université de Montréal, ce changement envisagé est une excellente nouvelle, parce qu’il ouvre la porte à un questionnement plus large sur les services juridiques dont les citoyens ont besoin… Cela pourrait aussi remettre en question le rôle des parajuristes, par exemple.
« Le citoyen a besoin d’un accompagnement qui n’est pas toujours de l’ordre du litige, de la lettre de mise en demeure… » ajoute celui qui est aussi président de l’Institut québécois de réforme du droit de la justice.
Emmanuelle Bernheim espère quant à elle que cette autorisation à donner des consultations sera étendue à d’autres types de cliniques juridiques, parce que ce qui est prévu dans le projet de loi 75 concerne uniquement les cliniques universitaires, pour l’instant.
Déjà le cas, ailleurs au Canada
Il est important de rappeler que toutes les autres provinces canadiennes permettent ce genre de rôle pour les étudiants en droit, et plusieurs vont même beaucoup plus loin, insiste Emmanuelle Bernheim.
« À l’exception du Québec, l’ensemble des provinces prévoit un rôle spécifique pour les étudiants en droit. Ils ont un espace prévu pour eux : soit les actes qu’ils peuvent poser sont inscrits directement dans la loi, soit il revient à l’ordre professionnel de décider comment les organiser. »
« Au Manitoba, par exemple, les étudiants en droit peuvent poser pratiquement tous les actes, ajoute-t-elle. Ils peuvent agir devant les tribunaux, facturer les clients, faire les consultations… »
Tout cela sous la supervision d’un avocat, bien sûr.
Mais alors, on est tenté de se poser la question : pourquoi cela n’a-t-il pas été fait avant, au Québec? Probablement pour une question de protection du public. Pourtant, notent les professeurs Noreau et Bernheim, il n’existe pas de cas de dérive connu dans les autres provinces.
L’article 2 du projet de loi 75 prévoit modifier la Loi sur le Barreau du Québec. Ce dernier était-il réfractaire à ce changement?
Joint par Droit-inc, le Barreau a refusé de commenter la situation, avançant qu’il était trop tôt.
« Nous sommes actuellement en train d’analyser le projet de loi en fonction de notre mission de protection du public. Nous étudions attentivement les détails et les nuances du projet de loi », nous a écrit la directrice des communications, Hélène Bisson, par courriel.
« C’était un débat en cours depuis très longtemps, affirme la professeure Bernheim. Le Barreau avait des réserves, on craignait pour la sécurité du public, mais cet argument était assez peu étoffé, et on n’était pas capable de démontrer que cela représentait un vrai risque. »
Des changements en préparation
À la Faculté de droit de l’UdeM, la doyenne indique que cette nouvelle disposition, si elle est bel et bien adoptée, ne devrait pas trop changer les choses, si ce n’est que la clinique juridique devra embaucher davantage de chargés de cours pour superviser les étudiants.
« C’est un accompagnement qui va demander plus de temps, explique France Houle. L’étudiant va devoir établir le mandat, faire la recherche, rédiger son avis, travailler avec l’avocat et le notaire, et ensuite seulement, donner son avis juridique. Si on veut que les étudiants aient quelques expériences variées pendant un trimestre, ce serait mieux d’avoir moins d'étudiants par avocat ou notaire. »
Sans compter que la doyenne s’attend à ce que l’achalandage augmente de façon importante, avec ces changements. Elle a bien hâte de pouvoir tester ce nouveau modèle.
« Ça va donner une expérience améliorée de 150%! » croit-elle.
Anonyme
il y a 4 ansY aura-t-il une assurance professionnelle? Qui paie pour? Laquelle?
Me(e)
il y a 4 ans« Ce qu’on voit, c’est qu’ils ont tout le temps peur de transgresser la limite de ce qu’est une information juridique. Parce que c’est très peu clair, ce qu’est une information, versus un conseil juridique. Les étudiants restent très prudents… C'est un problème, ça rend pour eux l’expérience difficile, c’est un stress permanent. »
Pour faciliter l'apprentissage des étudiants et réduire leur niveau de stress, on va élargir leur pouvoir, au détriment d'une société. La population sera le cobaye clinique ds facs. Quel sera leur code de déontologie? Devront-ils payer une assurance?
Anonyme
il y a 4 ansComment ces étudiants, pour la plupart insolvables et non assurés, seront-ils responsables vis-à-vis des personnes qui les consultent? Je ne voudrais pas être l'avocat qui va superviser ces apprentis-avocats et engager sa responsabilité professionnelle. C'est là un accès à une justice de qualité douteuse et le Barreau devrait s'inquiéter de la protection du public qui y aura recours.
Anonyme
il y a 4 ansThis seems like a bad idea.
Aanonyme
il y a 4 ansDepuis près d'un demi-siècle, des étudiant.e.s en droits en Ontario qui travaillent dans des cliniques donnent des avis et font de la représentation sans que personne n'en souffre. Ils sont toujours supervisés par des avocats qui signent tous les avis et dont l'assurance est engagée. Le seul résultat est que des personnes démunies obtiennent représentation.
Anonyme
il y a 4 ans"Ils sont toujours supervisés par des avocats qui signent tous les avis et dont l'assurance est engagée."
Entre ça et les problèmes de santé mentale au Québec = recipe for disaster.