La pandémie laissera des marques sur les tribunaux, craignent des experts
Radio -Canada
2022-01-31 14:15:00
Quand la pandémie a frappé le pays, il y a deux ans, des procès ont été reportés et l'accès du public dans les salles d'audience a été interdit. Tout le système a dû ralentir ses activités.
Les tribunaux ont repris leur travail au moyen des comparutions par Internet et des déclarations en ligne, des changements que souhaitait la communauté juridique depuis des années.
« Ce sont les résultats positifs de la pandémie », constate Tony Paisana, professeur de droit à l'Université de la Colombie-Britannique et président de la section du droit pénal à l'Association du barreau canadien.
« Plusieurs personnes ont défendu ce genre de changements. »
M. Paisana croit que ces changements resteront en vigueur mais que les comparutions en personne lors des procès et des appels reviendront.
Toutefois, il s'inquiète de l'aggravation du retard pris dans les décisions en raison des délais provoqués par la pandémie.
« On ne peut pas faire abstraction de l'inefficacité grandissante (du système judiciaire en raison) des ajournements provoqués par les vagues (successives de COVID-19), dit-il. Plusieurs causes ont été ajournées et le système ne peut pas rattraper son retard. Dire qu'il est plus efficace aujourd'hui est de la folie. C'est plutôt un résultat de la pandémie », selon M. Paisana.
Le président du Conseil canadien des avocats de la défense, Bill Trudell, dit que le système judiciaire « ne fonctionnera plus jamais comme avant ». Selon lui, les nouveaux moyens technologiques marqueront la fin des documents en papier, par exemple les mandats, les déclarations de police sous serment et autres pièces écrites.
« Nous assisterons à la fin des comparutions non nécessaires, comme celles destinées à établir un calendrier, qui engorgent les tribunaux », souligne M. Trudell.
Il ajoute que des investissements seront nécessaires afin que toutes les régions du pays aient accès aux nouveaux moyens technologiques.
« La justice pénale, je le crains, pourrait être la dernière à être servie sur le plan du financement des moyens techniques. »
M. Trudell s'inquiète pour les jeunes avocats de la défense qui amorcent leur carrière.
« Je crains que plusieurs quittent la profession parce qu'ils ne pourront pas se financer. Les avocats du droit pénal ne reçoivent pas un salaire. Retarder pendant six mois un procès devant jury peut avoir des conséquences sur leur capacité à gagner leur vie », ajoute-t-il.
Il laisse entendre qu'un manque d'avocats de la défense pourrait mener les autres avocats à l'épuisement professionnel. Davantage de personnes devront comparaître sans l'aide d'un avocat devant un tribunal.
La pandémie a aussi transformé le travail des jurés, croit Mark Farrant, fondateur de la Canadian Juries Commission.
M. Farrant dit que certaines provinces remettent des bons de taxi aux jurés afin qu'ils évitent de prendre les transports collectifs. Elles ont adopté de nouvelles mesures de sécurité lors des procès plus controversés.
La paie des jurés est aussi une question de l'heure, souligne-t-il. Selon lui, seuls la Saskatchewan, le Québec et le Nunavut versent une compensation financière adéquate aux jurés. L'Alberta, l'Ontario et la Colombie-Britannique devront les imiter en raison des incertitudes causées par la pandémie.
« Quand on parle des Canadiens qui ont subi les conséquences économiques de la pandémie, payer un juré contribuera à l'aider à vivre », affirme M. Farrant.