Nouvelle doyenne à la faculté de droit de l’UQAM
Sonia Semere
2023-06-01 15:00:00
Celle qui entre en fonction ce 1er juin est avocate de formation et professeure au département des sciences juridiques depuis une quinzaine d'années.
« Le rôle d'un doyen ou d'une doyenne, c'est de s'assurer que les questions et les priorités montent bien jusqu'en haut. C’est un peu un rôle de chef d’orchestre », confie Rachel Chagnon à Droit-inc.
Son plus gros défi ? Elle reconnaît qu’elle va devoir sortir de sa réalité de directrice du département juridique.
« Je connais tout l'écosystème du droit. Là, il va falloir que j'essaie de me décoller de cette réalité-là pour essayer d'aller ratisser un peu plus large vers le département de sciences politiques et de l’institut en études internationales ».
La réputation de l’UQAM en jeu
Dans les défis qui se présentent à elle, Rachel Chagnon va également devoir travailler sur la réputation de l’université.
« On a toujours été un petit peu plus turbulent que les autres, ce qui fait peur à certaines personnes ».
La nouvelle doyenne rappelle que la faculté a été créée pour démocratiser l'accès aux études postsecondaires. « On a toujours attiré des personnes qui étaient issues de milieux socio-économiques un peu plus difficiles, de milieux plus populaires ».
Depuis sa fondation en 1969, l’Université du Québec à Montréal s’est toujours distinguée des autres facultés québécoises pour son côté politisé et engagé.
Une réputation qui ne plaît pas toujours dans la profession…
« Avec les années, je pense qu'on a vraiment essayé de rassurer les grands cabinets, puis de leur prouver qu'on faisait aussi du droit, pas seulement des manifestations et de la politique », confie Rachel Chagnon.
Pour redorer l’image de ses étudiants en droit, l’université n’hésite pas à inviter les grands cabinets à participer à ses activités. La période de la Course au stage se révèle également particulièrement importante.
Ce sont surtout les étudiants qui jouent un rôle essentiel. « Ce sont nos meilleurs ambassadeurs. Ils participent à la Course au stage, ils vont dans les entrevues ».
Mais qu’est-ce qui effraie tant les grands cabinets ? Rachel Chagnon confie qu’historiquement, il y avait cette crainte que les étudiants n’aient pas le même calibre.
« Il y a cette idée qu'ils auraient fait la grève trop longtemps », lance-t-elle, le sourire aux lèvres.
Les grands cabinets ont eu d’après elle vraiment besoin d'être rassurés par rapport à la capacité des étudiants à faire le travail qu'on attendait d'eux.
« C'est là qu'on a gagné beaucoup de points avec le temps parce que nos étudiants gagnent des concours, ils performent bien au Barreau ».
Rachel Chagnon l’assure, « l'espèce de psychose que les étudiants de l'UQAM coulaient systématiquement, c’est maintenant fini ».
« L’autre réalité, c’est que chez nous, il y a moins d'étudiants intéressés à travailler dans les grands cabinets », ajoute la nouvelle doyenne.
En effet, nombreux sont les étudiants à se tourner vers des cabinets plus spécialisés. Certains préfèrent ainsi aller vers le droit de l'immigration, le droit de criminel et pénal ou encore le droit du travail.
Il y a aussi ceux qui vont plutôt se diriger vers des emplois plus institutionnels à travers des organisations publiques comme dans les municipalités.
Des cours diversifiés
Ce qui fait la singularité de la faculté de droit de l’UQAM ? Rachel Chagnon confie que les points forts se situent assurément du côté du droit social et du droit du travail.
La faculté tente également de s’adapter aux nouvelles réalités sociétales.
Lors du baccalauréat, deux grandes concentrations en études féministes et en études autochtones sont ainsi offertes aux étudiants.
Mais ce n’est pas tout. La faculté est également en train de développer un champ en droit de l'environnement.
Rachel Chagnon ajoute que l’UQAM est la seule université qui fait un accueil bienveillant à l'égard des étudiants-travailleurs et des étudiants qui sont parents, grâce aux cours du soir.
Les enjeux féministes
En tant qu’ancienne directrice de l'Institut d'études de recherche féministe, Rachel Chagnon assure vouloir faire de ces questions, un enjeu central.
« Pendant très longtemps, j'ai séparé les deux dossiers. Quand j'étais prof, j'étais une juriste. Puis quand j'étais à l'IREF, j'étais une féministe. Avec le temps, tu réalises que ça ne marche pas ».
Rachel Chagnon en est désormais convaincue, être féministe, c'est avoir cette lorgnette-là partout, tout le temps.
Le bien-être de la main-d'œuvre féminine fait notamment partie de ses préoccupations. Elle tient également à donner un milieu de vie sécuritaire tant aux employées qu’aux étudiantes.
La nouvelle doyenne veut aussi faire de l’approche intersectionnelle une question d’ordre majeur. « On essaie de plus en plus d'accueillir des étudiants autochtones, des étudiants racisés ».
Mais sur cette question, Rachel Chagnon est réaliste. « Il faut qu'on ait un corps professoral à l'image des étudiants et des étudiantes qu'on veut avoir ».
La santé mentale, un autre enjeu central
Avec la pandémie, les étudiants ont assurément perdu leurs habiletés à socialiser.
Une véritable conscientisation s’est également opérée au sein des nouvelles générations qui n'hésitent plus à communiquer leurs angoisses.
« On a des étudiants qui sont aujourd'hui plus conscients de leurs droits et de leurs pouvoirs et qui ont donc plus d'attentes », se réjouit Rachel Chagnon.
C'est désormais le grand combat pour les universités. Comment aider les étudiants à surmonter les troubles liés à l'anxiété de performance ?
Du côté de l’UQAM, les professeurs qui le désirent peuvent avoir des formations en soutien psychologique pour les étudiants.
« On veut que ces étudiants-là s'expriment, on veut qu'ils nous parlent », assure Rachel Chagnon.