Jean Charest: Quel cabinet choisira-t-il?
Rene Lewandowski
2012-09-10 15:00:00
"Dans un grand bureau d'avocats, Jean Charest risque de s'ennuyer", commentait la semaine dernière à la télévision l'analyste politique Chantal Hébert.
Les journalistes politiques peuvent bien spéculer, la vérité, c'est qu'on ne sait rien des intentions de l'ex-premier-ministre. Ce qu'on sait, en revanche, c'est que beaucoup de monde s'intéresse à lui, surtout dans la communauté juridique montréalaise.
"Depuis sa démission, on ne parle que de ça au bureau!" dit le patron d'un grand cabinet, qui salive à l'idée d'embaucher l'ex-politicien.
Mettons une chose au clair, si Jean Charest décidait d'emprunter cette voie, il aurait l'embarras du choix et deviendrait rapidement un homme riche. On le veut pour son charisme, son pouvoir de persuasion, sa capacité à mobiliser les troupes, son vaste réseau de contacts…
Et contrairement à ce que peut penser Mme Hébert, il n'aurait pas le temps de s'ennuyer. Avec l'internationalisation des services juridiques, il aurait au contraire l'occasion de voyager partout dans le monde et de mettre à profit son vaste réseau.
Quels cabinets pourraient bien le séduire? Si la question était inversée (Quels cabinets voudraient Jean Charest dans leur équipe?), la réponse serait facile: Tous! Pour celle-ci, la réponse est plus limitée.
Deux favoris
C'est bien connu, Jean Charest a beaucoup de connaissances chez les avocats. Mais ses deux plus grands amis sont Marc-André Blanchard, le PDG de McCarthy Tétrault, et Brian Mulroney, l'ancien premier ministre du Canada, associé principal chez Norton Rose.
Blanchard est l'ancien président du parti libéral du Québec. Les deux hommes sont très liés et se fréquentent les week-ends en famille. Lors de sa poursuite contre Marc Bellemare, c'est André Ryan, le beau-frère de Me Blanchard, qui a défendu M. Charest. Petite remarque ici, Me Ryan est associé chez BCF, mais aucune chance que Jean Charest n'aboutisse dans ce cabinet…où le patron, Mario Charpentier, est un proche de François Legault, le chef de la CAQ, qui a reçu 20 000$ d'une cinquantaine d'avocats de BCF.
Quant à ses relations avec Brian Mulroney, elles sont toujours très bonnes, les deux hommes n'ayant jamais perdu contact depuis la retraite politique de M. Mulroney, en 1993.
Voilà pourquoi McCarthy Tétrault et Norton Rose partent favoris dans cette course qui a déjà commencée. Lequel choisira-t-il? Dur à dire.
Si Jean Charest veut parcourir le monde, il pourra le faire dans les deux cas. Les deux firmes sont très présentes sur les marchés internationaux, notamment pour solliciter des investisseurs étrangers voulant investir au Canada. À ce chapitre, Norton Rose, avec ses quelque 3000 avocats dans une quarantaine de bureaux dans le monde, a un plus grand réseau et devient plus attrayant. La possibilité de rencontrer des clients en Chine, à Paris, en Australie et peut-être bientôt à New York, voilà qui séduira sans aucun doute M. Charest.
Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer le pouvoir de persuasion de Marc-André Blanchard, un maître en la matière. En 2009, il avait convaincu David McAusland de se joindre à McCarthy, alors que tout le monde le voyait chez Ogilvy Renault…où l'avocat avait d'ailleurs un bureau depuis sa retraite d'Alcan. La perspective de travailler avec un bon chum d'a peu près du même âge pourrait aussi jouer en faveur de McCarthy.
Une troisième voie
Cela dit, Jean Charest pourrait se laisser séduire par un autre cabinet, ne serait-ce que pour ne pas avoir à choisir entre deux amis. Heenan Blaikie deviendrait alors le choix numéro un. Depuis quelques années, Heenan tente de percer les marchés internationaux, notamment en Afrique, en Asie et en Europe avec l'ouverture d'un bureau à Paris. Jean Charest aurait du plaisir, c'est certain.
De plus, ce cabinet adore les anciens politiciens depuis l'embauche de Pierre-Elliott Trudeau, au milieu des années 1980, à Jean Chrétien en passant par Pierre-Marc Johnson et Martin Cauchon. Alors soyez assuré que Marcel Aubut va tâter le terrain!
Et les autres?
D'autres possibilités? Oui, mais elles sont faibles. Les voici:
Davies : Le cabinet vient de perdre deux avocats vedettes en Sylvain Cossette et Rita De Santis, des départs qui font mal. Un Jean Charest ne les remplacerait pas, mais son arrivée viendrait sûrement fouetter le moral des troupes. D'autant plus que ses relations avec Lucien Bouchard sont très bonnes, paraît-il. Un tandem Bouchard-Charest pour le Plan Nord, qui dit mieux?
Stikeman : Peu probable. Ce cabinet n'a jamais vraiment cru - ni vraiment compris - la contribution des ex-politiciens. Il réussit d’ailleurs très bien sans eux! Il y a bien eu l'ancien politicien fédéral Marc Lalonde, mais avec des résultats mitigés. S'ils changeaient d'idée, alors oui, Stikeman pourrait être dans la course.
Osler : Le bureau de Montréal compte déjà dans ses rangs Monique Jérôme-Forget, alors il serait surprenant qu'il lui fasse une offre. A moins que l'ex-présidente du Conseil de trésor ne convainque Brian Levitt?
Blakes : Voilà qui pourrait donner un bon coup de pouce au bureau de Montréal. Et le cabinet est bien présent sur les marchés internationaux, ce qui plairait à Me Charest. Suffisamment? Ça reste à voir…
Fasken : Un cabinet qui aime bien les ex-politiciens, mais il serait étonnant qu'il gagne la loterie Charest. Fasken obtient déjà plus que sa juste part en mandats gouvernementaux, la venue d'un ex-premier ministre n'apporterait rien de plus en ce domaine (surtout avec les règles d'éthique en matière de lobbying). Autre point: le cabinet est dirigé au Québec par Éric Bédard, péquiste déclaré et dont le frère, Stéphane, vient de remporter ses élections sous la bannière péquiste.
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