Bastarache

Bellemare dans les yeux de Charest

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La Presse Canadienne

2010-09-23 22:25:00

Répétant qu'il n'a jamais été informé de pressions de collecteurs de fonds libéraux pour la nomination des juges, le premier ministre Jean Charest a brossé un portrait sombre du bref passage du ministre Marc Bellemare en qualifiant sa gestion de "terrible".
Devant la commission Bastarache, M. Charest a déclaré jeudi que son agenda n'indiquait aucun rendez-vous avec M. Bellemare, le 2 septembre 2003, alors que l'ex-ministre de la Justice a affirmé l'avoir informé à cette occasion que Franco Fava et Charles Rondeau tentaient de lui imposer leurs choix pour la magistrature.

Même s'il a reconnu que certaines rencontres imprévues peuvent ne pas avoir été notées à son agenda, déposé devant la commission, le premier ministre a nié catégoriquement avoir parlé à M. Bellemare.

"Si M. Bellemare prétend qu'il y a eu une rencontre le 2 septembre où il est venu me dire ce qu'il dit, cette rencontre là n'a pas eu lieu, ça je peux vous le dire", a lancé le premier ministre.

Quant à la deuxième rencontre au cours de laquelle M. Bellemare soutient s'être plaint des demandes des deux collecteurs de fonds de la région de Québec, le 8 janvier 2004, M. Charest a indiqué qu'elle a eu lieu.

Selon le premier ministre, même si son agenda n'indique pas l'objet de la rencontre, les deux hommes ont parlé de la réforme des tribunaux administratifs et jamais de ses allégations de trafic d'influence.

"Il ne m'en a pas parlé, a-t-il dit. S'il m'en avait parlé, j'aurais pris les moyens pour le protéger. Si j'ai un ministre de la Justice qui me dit qu'il a des pressions pour nommer des juges, c'est inacceptable."

M. Charest a aussi exposé le passage difficile de M. Bellemare au gouvernement, qu'il a quitté en avril 2004, un an après avoir été élu.

Le premier ministre a exposé les tensions vécues au sein du ministère de la Justice, qui ont notamment nécessité l'embauche d'un sous-ministre ayant de la "poigne" pour encadrer M. Bellemare.

Cette décision avait été rendue nécessaire par le départ du sous-ministre Michel Bouchard, à la suite de différends avec M. Bellemare.

"Dans le cas de M. Bellemare, le ministère était dans un état terrible", a-t-il dit.

M. Charest a aussi raconté l'épisode d'une rencontre qu'il avait organisée pour rapprocher M. Bellemare avec des dirigeants patronaux et syndicaux dans l'espoir d'arriver à un consensus sur la réforme des tribunaux administratifs.

"La réunion s'est très mal passée, a-t-il dit. C'était dans ma salle de conférence et M. Bellemare boudait. Ce n'était pas très édifiant. Il regardait le plancher pendant la réunion. Il refusait d'engager la conversation."

Par ailleurs, M. Charest a indiqué clairement qu'il recevait la liste des avocats ayant été déclarés aptes à être nommés juges, alors que des membres d'anciens gouvernements péquistes ont soutenu que seul le ministre de la Justice disposait de cette information.

Cette liste, accompagnée de curriculum vitae, lui est remise par une employée de son cabinet, Chantal Landry, une ancienne permanente du Parti libéral du Québec qui coordonne toutes les nominations gouvernementales.

Affirmant qu'il ignore quelle était la procédure avant qu'il prenne le pouvoir, M. Charest a soutenu que le ministre de la Justice avait la liberté de considérer son avis ou non.

Mais il a ajouté qu'aucun désaccord n'est jamais survenu quant à la recommandation finale du ministre, qui est ultimement entérinée par le conseil des ministres.

"J'indique une préférence quand un candidat se distingue, a-t-il dit. Et après cette information est transmise et ensuite le ministre de la Justice en dispose à sa guise, selon son bon jugement."

Même si Mme Landry peut parfois transmettre des recommandations ou informer le premier ministre des allégeances politiques des aspirants juges, M. Charest a assuré que le plus important était leur compétence.

"Ce n'est pas un élément important, dans les nominations, ça ne l'a jamais été, a-t-il dit à propos de l'allégeance politique. Ça peut être une information que nous avons. Quelqu'un peut être réputé être d'une certaine allégeance. Mais je vous garantis une chose: quand on nomme quelqu'un, on le nomme pour ses compétences."

Avant M. Charest, M. Fava a témoigné jeudi que lors de l'élection de M. Charest au gouvernement, il y a sept ans, une filière a été mise en place pour canaliser les candidatures pour les nominations gouvernementales.

M. Fava a déclaré à la commission sur la nomination des juges que des responsables du Parti libéral du Québec avaient émis des consignes à ce sujet.

Le collecteur de fonds a affirmé que les curriculum vitae sont depuis 2003 remis à un permanent du PLQ, Marcel Leblanc et à Chantal Landry.

"C'est les instructions qu'on a reçues quand M. Charest est arrivé, a-t-il dit. La permanence du parti nous a dit: 'on a un entonnoir, on a une structure. On n'intervient pas directement'."

Le collecteur de fonds a nié une première fois mercredi avoir exercé des pressions sur M. Bellemare, dont les allégations de trafic d'influence sont examinées par la commission.

M. Bellemare a soutenu devant la commission que MM. Fava et Rondeau lui ont suggéré de nommer deux juges à la Cour du Québec et d'offrir une promotion à un troisième.

Contre-interrogé jeudi par l'avocat représentant M. Bellemare, Jean-François Bertrand, M. Fava a répété qu'il n'avait jamais exercé aucune pression lorsqu'il transmettait des cv dans la filière des nominations.

"Pour moi une pression dans l'industrie de la construction c'est quand on tord le bras de quelqu'un, a-t-il dit. C'est ça des pressions. (...) Je parle

à des gens, je leur fais part de mon opinion et si on n'est pas capable d'exprimer notre opinion sans qu'ils voient ça comme des pressions, c'est leur problème, ce n'est pas le mien."
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1 commentaire
  1. Me
    Me
    À l'entendre, Bellemare était un ministre affreux, horrible, sans aucun talent, bref... un désastre. Et, de son propre aveu, Charest avoue l'avoir quasi-imploré pour qu'il reste.

    Conclusion, de deux choses, l'une:
    • Soit Charest est un fieffé menteur
    • Soit Charest dit vrai et peu importe si Justice Québec est mal servi avec un incompétent à sa tête: ce qui compte c'est le parti, puisqu'il était payant de garder la vedette Bellemare en poste...

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