Bastarache

Commission Bastarache : résumé des audiences de mardi

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La Presse Canadienne

2010-09-07 20:24:00

L'ancien ministre de la Justice Marc Bellemare ne voulait pas voir le frère d'un député péquiste dans son entourage et s'est empressé en 2003 de "tasser" l'ex-fonctionnaire Pierre Legendre.
"J'ai un gros péché, j'ai un gros défaut, je suis le frère de Richard Legendre", est venu raconter Pierre Legendre mardi devant la commission Bastarache sur le processus de nomination des juges.

A l'arrivée de Marc Bellemare au ministère de la Justice en avril 2003, Pierre Legendre était un fonctionnaire de carrière qui occupait depuis 1989 la fonction de Directeur du bureau du sous-ministre. Il cumulait depuis 1994 le poste de coordonnateur à la sélection des juges.

Avec beaucoup d'aplomb, M. Legendre a relaté avoir appris le 12 juin 2003 par la voix du sous-ministre Michel Bouchard que M. Bellemare était "inconfortable" avec le fait qu'il soit le frère d'un député de l'opposition.

Compte tenu de ses états de service _ il a travaillé tant sous les administrations libérales que péquistes _ M. Legendre a dit avoir reçu la nouvelle de son transfert à d'autres fonctions comme une "tonne de briques".

M. Legendre a dit avoir tenté de conserver ses fonctions de coordonnateur

à la sélection des juges mais qu'il s'est fait répondre par le sous-ministre: "non, Pierre, c'est ce qui le fatigue le plus (M. Bellemare) dans tes fonctions, les relations que tu pourrais avoir avec ton frère".

Le geste de rupture posé par l'ex-ministre a d'autant plus surpris M. Legendre que leurs épouses respectives, selon les dires du témoin, entretenaient des liens d'amitié depuis plus de 20 ans.

Le témoin a aussi abordé l'épisode du fameux coup de fil passé au printemps 2003 par Richard Legendre au chef de cabinet Michel Gagnon, au cours duquel le député péquiste aurait dit "fais attention à mon frère".

Il s'agissait, selon Pierre Legendre, d'un échange amical entre copains d'adolescence et non d'une menace.

La semaine dernière, M. Bellemare avait évoqué le ton "menaçant" employé au téléphone par l'ancien député du PQ.

Le témoignage de M. Legendre ajoute de l'eau au moulin des détracteurs de Marc Bellemare qui cherchent depuis le début de la commission à démonter l'image de politicien au-dessus des mêlées partisanes qu'aime se donner l'ex-ministre de la Justice.

Du reste, le témoin vedette brillait par son absence mardi à la commission, s'estimant victime d'un tir groupé des procureurs pour "démolir" sa réputation.

M. Bellemare, qui avait pourtant obtenu un statut de participant à la commission jeudi dernier, a renoncé à être contre-interrogé par son avocat, Me Rénald Beaudry.

À l'ouverture des audiences, Me Beaudry a soulevé la thèse d'un "règlement de comptes politique" contre son client.

Il s'en est pris aux procureurs du gouvernement, du Parti libéral du Québec et du bureau du premier ministre, qu'il accuse d'agir de connivence pour salir son client.

Au cours des deux dernières semaines, ces trois procureurs "ont démontré qu'ils n'avaient aucun intérêt pour le processus de nomination des juges, et que leur seule préoccupation était de démolir la réputation de mon client, quitte à fouiller dans sa vie personnelle", a soutenu Me Beaudry, devant la commission.

Manifestement, M. Bellemare n'a pas digéré l'allusion à sa fille danseuse nue faite par l'avocat du PLQ, Me André Dugas, la semaine dernière.

Il a aussi reproché à Me Dugas de "multiplier les sorties publiques" pour commenter les témoignages, au mépris des "règles de pratique" édictées par le commissaire Michel Bastarache.

Le premier ministre Jean Charest n'a pas échappé non plus à la sortie de Me Beaudry.

"Le premier ministre a même prévenu qu'il bafouerait à nouveau ces règles de pratique si tel était son bon désir", a-t-il dit.

Conséquemment, "loin de dissiper le doute, les événements des deux dernières semaines ont confirmé que le but fondamental de la commission est de discréditer mon client dans l'opinion publique et d'avantager le premier ministre dans la poursuite civile intentée contre mon client", a poursuivi Me Beaudry.

Sans succès, l'avocat de M. Bellemare a réclamé la suspension des travaux, se plaignant de ne pas avoir reçu toutes les déclarations préalables des témoins ("will say").

"Il y a un risque évidemment de manipulation de la preuve de la part du gouvernement, un des participants représentés ici par Me Suzanne Côté", a allégué l'avocat.

Le commissaire Michel Bastarache s'est aussitôt porté à la défense des procureurs, rejetant du revers de la main la théorie du "règlement de comptes politique" évoqué par l'avocat Beaudry.

"Je n'accepte pas votre allégation que les avocats du gouvernement pourraient manipuler la preuve ou que les avocats de la commission pourraient modifier des "will say" dans un but quelconque. Les avocats de la commission sont parfaitement neutres", a-t-il fait valoir.

Néanmoins, le juge a senti le besoin de faire un nouvel appel à la discrétion à l'intention des témoins et des participants à la commission, plus particulièrement les procureurs.

"En principe, les avocats ne doivent pas commenter une affaire pendante devant le tribunal. (...) Bien qu'une commission d'enquête ne soit pas un tribunal, il est souhaitable que les avocats adoptent une telle conduite", a-t-il insisté.

En dépit de ses suspicions, M. Bellemare n'en a peut-être pas terminé avec la commission. Le procureur en chef Giuseppe Battista a déclaré qu'il se réservait le droit de rappeler le témoin à la barre si besoin est.

Parmi les témoignages entendus au cours de la journée de mardi figuraient celui de Nicole Breton, qui a occupé la fonction de coordonnatrice à la nomination des juges par intérim de juillet à décembre 2003.

Cette période correspond à l'époque où M. Bellemare affirme avoir été victime des pressions "colossales" des collecteurs de fonds Franco Fava et Charles Rondeau pour la nomination d'amis libéraux à la magistrature.

Mme Breton a déclaré qu'elle n'avait jamais eu connaissance, dans le cadre de ses fonctions, d'ingérence dans le processus de nomination des juges.
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