Ce qu’il faut pour devenir juge
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Marie-Ève Buisson
2025-03-03 14:15:31

Le métier de juge exige bien plus qu’une solide connaissance du droit. André Prévost, ancien juge de la Cour supérieure du Québec et avocat-conseil chez Woods, dévoile les cinq compétences essentielles pour exercer cette fonction.
1. L’écoute
Le rôle premier du juge, c’est de pouvoir entendre ce que les parties ont à lui présenter.
L’écoute implique bien plus que simplement entendre les arguments. Elle exige une ouverture d’esprit et une absence de préjugés, un défi de taille selon l’ancien juge Prévost.
« Nos préjugés conscients, on peut facilement les combattre, mais les inconscients sont plus difficiles. Les juges ont de plus en plus de formations sur les questions de préjugés inconscients. Comment pouvoir les identifier pour éviter de tomber dedans? »
Un bon juge doit donc être capable de bien saisir le message des témoins et des parties.
2. L’empathie
Loin d’être une faiblesse, l’empathie permet aux juges de mieux comprendre ceux qui comparaissent devant eux.
« Si vous tombez devant un juge qui est absolument froid, qui semble qu’il y a un mur entre vous et lui, évidemment, le message va être moins bien compris. Vous n’aurez pas l’impression que vous avez été écouté. »
Selon l’avocat-conseil, l’empathie consiste à percevoir ce que ressentent les personnes en salle d’audience et à accueillir leurs émotions, tout en respectant les limites du décorum judiciaire.
Mais cette bienveillance n’entame-t-elle pas la neutralité du juge?
« À mon avis, non, au contraire. La bienveillance va venir aider la personne à clairement s’exprimer. Si la personne sent qu’elle est écoutée, qu’elle sent qu’il y a une empathie, elle va davantage se livrer. »
3. La sérénité
La sérénité d’un juge influence directement l’ambiance d’une audience.
« Si je rentre dans une salle d’audience et que j’ai l’air de ne pas bien aller… Les gens qui vont être devant moi vont le ressentir, vont être mal à l’aise. »
Pour rester serein malgré les aléas de la vie, certains juges adoptent des techniques de gestion du stress :
« Les jours où ça allait moins bien, j’essayais de prendre de grandes respirations et même de faire certains exercices dans mon bureau avant de partir et essayer d’être serein. »
Le calme du juge est essentiel pour maintenir un débat équilibré, même quand les tensions montent.
4. La discipline
La discipline d’un juge se manifeste à deux niveaux : dans sa gestion du tribunal et dans son organisation personnelle.
« Le métier de juge est très solitaire. Il faut donc imposer sa propre discipline pour respecter les délais ».
En salle d’audience, la discipline est aussi un outil pour assurer un climat respectueux :
« Ça prend une certaine rigueur et une certaine discipline. Elles vont venir nous aider à conserver le débat serein. »
5. L’aptitude à décider
Un bon juge doit être capable de trancher, sans tergiverser.
« Si vous êtes une personne qui a tendance à procrastiner, le rôle de juge n’est peut-être pas fait pour vous. »
Selon l’ancien juge Prévost, il est crucial de ne pas retarder inutilement une décision :
« La procrastination, c’est la pire chose qui peut vous arriver parce que plus vous allez remettre, plus vous allez reporter, plus vous vous éloignez de la cause. »
Les délais de justice étant déjà longs, les juges doivent rendre leurs décisions rapidement :
« Il y a de plus en plus de directives qui sont données aux juges pour dire : écoutez, respectez les délais, rendez des jugements dès que vous êtes capables de les rendre, c’est important. »
ça peut même compenser pour l'absence de tout le reste !