Comment bien contre-interroger des experts en santé mentale?
Delphine Jung
2017-07-18 13:15:00
Il existe des stratégies pour éroder, voire détruire les arguments de ces témoins. Bruce Leckart, psychologue judiciaire basé à Los Angeles et professeur émérite de psychologie à l'Université d'État de San Diego, a élaboré un ensemble de règles pour le contre-interrogatoire des professionnels de la santé mentale qu’il livre dans l’ABA Journal.
Voici quelques pistes pour y remédier :
Questionnez sa crédibilité
Il conseille de ne jamais leur poser des questions sur le patient directement, mais plutôt de les limiter au rapport qu’ils ont émis. Vous pouvez aussi déterminer s’ils ont suivi toutes les étapes de l’histoire pour en arriver à leur diagnostic. Le but étant de faire en sorte que votre adversaire soit contraint de retirer le rapport de l’expert.
Il est important de connaître les différentes formations qui existent dans leur domaine. Les psychiatres ont obtenu un diplôme en médecine et ont terminé un stage médical général, puis ont été en résidence en psychiatrie. En raison de leur formation médicale, ils peuvent écrire des ordonnances, commander et interpréter des analyses cérébrales ou sanguines, effectuer des tests physiques, etc.
Les psychologues n'ont généralement pas de diplôme en médecine. Au lieu de cela, ils ont obtenu un doctorat ou un PsyD (docteur en psychologie). Ils sont formés aux diagnostics psychologiques, en plus des tests psychologiques, qui produisent la seule forme de données objectives dans une évaluation de la santé mentale. « D'après ce que j'ai vu, la plupart des psychiatres n'ont aucune formation sur les tests psychologiques », dit Bruce Leckart.
Essayez de voir s’il y a déjà eu des réclamations à leur encontre, ou s’ils ont déjà commis des fautes professionnelles.
Cherchez les erreurs courantes
Comme ils n’ont pas de formations en médecine, les psychologues peuvent mal interpréter ou déformer un résultat. Par ailleurs, ils s’appuient parfois sur des tests psychologiques non scientifiques.
Vérifiez qu’ils n’ont pas fait d’erreurs sur leur CV. Certains le changeraient en fonction de la cause pour laquelle ils ont été convoqués.
On peut aussi frapper là où ça fait mal : demandez à l’expert quel pourcentage de son revenu provient de son témoignage.
Examiner les méthodes qu’ils emploient
Vous pouvez également attaquer la crédibilité de quelqu'un en attaquant ses méthodes. Ainsi, les experts ne disposent pas toujours de suffisamment de critères pour donner de la légitimité à leur diagnostic. Par exemple, il arrive qu’un expert va dire qu’une personne souffre de trouble dépressif. Mais dans son rapport, il ne va pas rapporter suffisamment d’informations pour appuyer cet avis. Aux États-Unis, il faut qu’un patient présente au moins cinq des neufs symptômes que compile le Manuel de diagnostic et de statistique des troubles mentaux généré par l’Association américaine des psychiatres.
De nombreux diagnostics sont également fondés sur une histoire décousue du patient, dont les avocats peuvent réagir efficacement en se souvenant d'un acronyme simple : FIDO-C.
Pour prendre un historique complet des symptômes d'un patient, le médecin doit obtenir des informations sur la fréquence des symptômes, leur intensité, leur durée, leur apparition et leur cours au fil du temps. Posez-les vous aussi.
Aussi, lorsque vous lisez les conclusions d’un rapport qui sont souvent très sommaires, demandez à l’expert quelles techniques il a employé pour en arriver là. S’il n’y a pas de données dans le rapport, demandez-les.
Il s’agit tout simplement de trouver les bonnes questions.