Démystifier le rôle du parajuriste!
Camille Dufétel
2023-12-18 14:15:56
Comment bien travailler avec un parajuriste et comprendre plus précisément son rôle? Droit-inc en parle avec le président de l’Association canadienne des parajuristes.
Rémi Desparois est le président de l’Association canadienne des parajuristes. Il est chargé de veiller à l’accomplissement de la mission de l'association et à la bonne marche de ses activités quotidiennes, en plus de travailler comme parajuriste pour la Société d’avocats DEXAR Inc.
L’association, qui promeut le métier de parajuriste et milite pour l’obtention d’une forme de reconnaissance professionnelle, est à l’origine de différentes initiatives.
Le 30 novembre dernier avait par exemple lieu, avec le Barreau de Québec, une conférence en ligne baptisée « Démystifier le travail de parajuriste », donnée par le président ainsi que par Kim Rossignol, vice-présidente. Cette dernière a d’ailleurs fondé sa propre entreprise et offre des services directement à des cabinets.
En plus de proposer beaucoup de formation à ses membres, l’association veille à rendre différentes ressources ou outils de travail disponibles. Rémi Desparois cite par exemple le CAIJ, avec qui l’association a une entente. Un congrès a par ailleurs lieu tous les ans.
Droit-inc s’entretient avec le président de l’association.
Avez-vous des conseils à donner aux avocats pour qu’ils travaillent mieux avec les parajuristes? Constatez-vous d’éventuelles lacunes dans la connaissance de leur rôle?
Je ne pense pas que le mot « lacune » soit le bon pour décrire la réalité sur le terrain, mais de façon générale, ce qu'on est capable de percevoir, c’est un manque d’informations sur les compétences réelles des parajuristes dans certains milieux de travail.
Disons que dans certains cas, la distinction entre le rôle de l’adjoint juridique et celui du parajuriste est un peu moins évidente, alors qu’il y a bel et bien une distinction.
Concrètement, il y a beaucoup de disparités pour un parajuriste sur ce qu’il va être appelé à faire en fonction de l’employeur. Pour un même domaine de droit, il peut y avoir cette disparité. Selon ce qu’on constate sur le terrain, ce qu’on entend, cette disparité est directement liée aux connaissances de l’employeur sur le métier de parajuriste et ses compétences. C’est sur cet aspect que la dernière conférence a été donnée.
Il y a une différence entre un cabinet privé, une entreprise, un organisme public, et aussi selon la grosseur de l’organisation. Ça, c’est normal.
Mais il peut aussi y avoir une différence importante dans deux milieux de travail très similaires, comme deux cabinets privés de taille similaire pratiquant dans le même domaine de droit. Les parajuristes qui travaillent dans ces deux bureaux peuvent ne pas du tout avoir le même rôle. Ça amène certaines incohérences, parfois.
Je ne veux pas donner de conseils spécifiques aux avocats et leur dire comment travailler directement avec les parajuristes. Je pense que chaque cas est un cas d’espèce. Ça va dépendre de l’avocat et du parajuriste en question, car tout le monde a ses préférences en termes de milieux de travail, tout le monde a aussi ses limites à différents niveaux.
Cela étant dit, ce que je peux suggérer à tous les avocats et à tout autre personne appelée à travailler avec des parajuristes, est de s'asseoir avec le parajuriste avec qui il travaille, et d’avoir une discussion. Ça se pose comme question à un collègue ou à un employé: « Est-ce que tu te sens accompli professionnellement? Crois-tu atteindre ton plein potentiel au travail? » etc.
Cette conversation pourrait définitivement vous en dire long sur le sujet et certainement renforcer votre relation avec votre parajuriste.
Ça pourrait mettre en lumière d’éventuelles frustrations, par exemple quand un parajuriste n’exploite pas toutes ses compétences?
Exactement, car les parajuristes sont formés sur jusqu'où ils peuvent aller. Ils ne veulent pas « jouer » à l’avocat. Personne ne veut se retrouver dans une situation d'exercice illégal. Par contre, ce que souhaitent les parajuristes en général, c’est de pouvoir faire le travail pour lequel ils ont été formés et pour lequel ils possèdent des compétences.
Avoir cette discussion, pour moi, c’est le meilleur conseil parce qu’ils vont pouvoir vous donner des idées de mandats qu’ils pourraient faire et auxquels vous n’auriez peut-être pas pensé. Ça peut être super bénéfique.
Avoir cette discussion, c’est aussi important dans le marché de l’emploi actuel, à mon avis. Le marché de l’emploi, au niveau des parajuristes, est présentement très féroce. C’est important de s’assurer que les parajuristes sont heureux dans leur milieu de travail, qu’ils se sentent accomplis professionnellement. Ça peut être un motif de départ, quand quelqu’un se sent sous-estimé au travail.
Sans que ce soit négatif, pensez-vous que certains avocats devraient donc avoir plus d’informations sur ce que peut faire ou non, concrètement, un parajuriste?
Je souligne que ce n’est pas négatif, oui. C’est très variable. Certains avocats sont plus habitués à travailler avec des parajuristes et vont l’avoir appris. Ça dépend aussi des parajuristes avec qui ils travaillent. Certains vont suggérer des choses et mettre en avant leurs compétences, alors que d’autres vont être plus réservés.
Mais en effet, ce n’est pas quelque chose qu’on apprend à l’université. On l’apprend en pratique. D'où ma suggestion d’avoir une conversation avec le ou la parajuriste avec qui vous travaillez.
C’est trop variable d’un milieu de travail à un autre pour qu’on puisse lister tout ce que peut faire un parajuriste?
Oui, c'est trop variable, ça va vraiment dépendre du domaine de droit et aussi des personnes. Parce qu’à la fin de la journée, l’avocat va être responsable de ce que le parajuriste va avoir fait pour lui, et doit faire une révision. Ça revient aussi à une relation de confiance.
Un cabinet sans parajuriste, c’est possible? En quoi ce rôle est essentiel?
C’est possible, comme c’est possible d’être un avocat et de pratiquer en solo sans adjoint. Ou de faire comme Kim, qui pratique en solo comme parajuriste.
Par contre, le parajuriste est un élément essentiel dans l’écosystème des services juridiques. Le point le plus important, qui est d’actualité, est l’accès à la justice. Quand un parajuriste est exploité à son plein potentiel, qu’on sait concrètement ce qu’on peut lui donner à faire, ça va avoir un impact direct sur la facture du client. Le taux horaire du parajuriste est normalement moins élevé que celui de l’avocat. Il y a une question d’expérience qui entre en ligne de compte, mais de façon générale, c’est le cas.
Au niveau de la rentabilité de l’entreprise, c’est aussi un point important. Car quand le travail est fait par la bonne personne, ça peut sauver des coûts à l’interne.
Le parajuriste est une personne qui va venir beaucoup agrémenter les forces de l’équipe et parfois la question ne se pose pas assez, de savoir si on a besoin d’agrandir l'équipe avec un avocat, un adjoint ou un parajuriste.
C’est une question que j’invite les gens à se poser: ce dont ils ont concrètement besoin dans leur cabinet, et quelle est la bonne personne pour y répondre.