Droit des aînés : une spécialisation qui prendra du galon!
Éric Martel
2019-04-01 14:15:00
En avril 2006, il rencontre Paul-Marie Venne, un mécanicien retraité. Rapidement, ce dernier lui propose de l’aider à faire son épicerie, puis de s’occuper de vendre son condo en échange de 1 500 dollars par année. L'aîné accepte.
Lors des mois qui suivent, celui qui se voulait un bon samaritain utilise la voiture du vieil homme ainsi que sa carte bancaire à son insu, lui subtilisant 5 500 dollars.
Cinq mois plus tard, alors qu’il est hospitalisé, l’aîné ressent beaucoup d’anxiété : il croit avoir été volé par son aidant, mais refuse de le dénoncer, craignant de perdre son support.
Finalement, après avoir accepté de se rendre devant les tribunaux, Harbour se voit accorder 5 500 dollars en dommages matériels pour les retraits au guichet automatique, 5 000 dollars en dommages moraux, en raison de l’angoisse et de l’humiliation subie et 2 000 dollars de dommages punitifs.
Le pain quotidien
Selon Me François Dupin, ex-avocat du Curateur public du Québec, ces cas déclarés ne forment que « la pointe de l’iceberg » des injustices vécues par les aînés. Beaucoup d'autres affaires n'arrivent jamais devant les tribunaux.
Violence, maltraitance, exploitation financière, physique et psychologique, il semblerait que les proches des personnes âgées flairent régulièrement des opportunités de tirer avantage de leurs capacités affaiblies.
« Une personne vieillissante subit un ralentissement moteur et général. Pour elle, réagir est plus difficile, et ses biens sont plus faciles d’accès », explique Me Hélène Guay, qui tient sa propre pratique spécialisée en droit des aînés, de la santé et de la personne.
L’isolement est également une source de vulnérabilité pour les aînés. Se retrouvant seules, sans surveillance, les personnes âgées ne réalisent pas les abus dont elles sont victimes, ou n’osent simplement pas les déclarer.
Fragiles, elles craignent également de perdre le support de leurs agresseurs, qui constituent la plupart du temps leur seule compagnie, ainsi que leur unique source d’aide.
« Il y a une légende urbaine selon laquelle les crimes sont effectués par des membres de la famille de la victime. Ce n’est pas toujours le cas. Souvent, la cause de l’exploitation, c’est l’amour », décortique Me Guay.
Abus de confiance
Pour aider ces êtres démunis ne connaissant pas leurs droits, Me Carmelle Marchessault a fondé Groupe Accès Justice, un organisme prodiguant des conseils juridiques à frais modiques aux personnes vulnérables.
Même si l’avocate accepte de rendre des services à tous, sa clientèle se compose à 70 % d'aînés.
« On leur explique comment régler les situations conflictuelles différemment, avec de la méditation, et avant tout de la prévention, explique la Barreau 1974. Si vous saviez combien de personnes sont mal informées… ».
Avec ce service, elle croit pallier un manque qui n’est pas couvert par la pratique privée, dans laquelle le droit des aînés n’a pas la cote.
« Ce n’est simplement pas assez alléchant pour le privé. C’est pour ça qu’on essaie de trouver des subventions, pour offrir à ces gens-là des services à bas prix », déplore Me Marchessault.
Un appel à la relève
C’est en misant sur de jeunes juristes, qui lui offrent leurs services de manière bénévole, qu’elle parvient à maintenir son organisme.
Justement, Me Dupin estime que les dossiers ne risquent pas de manquer pour la relève au cours des prochaines années.
« La courbe démographique nous est tombée dessus. En 2028, il y aura autant, sinon plus de personnes âgées de plus de 65 ans que d’enfants. Tout à coup, le droit des aînés commence à faire réagir », lance l’avocat.
Mais attention! Même si les dossiers ne manqueront pas, plusieurs avocats de la relève risquent de ne pas s’y plaire.
« Il faut avoir une fibre spéciale, une écoute particulière pour s’y plaire. Pour s’intéresser aux personnes âgées, s’intéresser aux problématiques sociales et médicales est nécessaire », analyse Me Guay.
Une spécialisation moins payante
D’autant qu’à son avis, une spécialisation en la matière est moins payante qu’une pratique en droit de la famille ou des affaires.
« Malheureusement, c’est souvent pour les clients peu payants que les dossiers sont les plus longs à compléter. Les clients sont ralentis par l’âge, alors les dossiers prennent plus de temps. Parfois, ça se retrouve à être un peu du pro bono… »
Malgré cela, des parts de marché risquent d'apparaître au cours des prochaines années pour les juristes qui voudront se joindre à la poignée d’avocats qui concentrent leur pratique en droit des aînés.
« C’est certainement un domaine dans lequel on recherchera de plus en plus d’avocats. Est-ce que les jeunes seront au rendez-vous? », conclut Me Dupin.
CFF
il y a 5 ans« On leur explique comment régler les situations conflictuelles différemment, avec de la méditation, et avant tout de la prévention, explique la __Barreau 1974__. Si vous saviez combien de personnes sont mal informées… ».
Props to her. Respect.