L’avocate qui défend les animaux
Sonia Semere
2022-12-21 14:15:00
Depuis sa plus tendre enfance, celle-ci est passionnée par ce sujet. Seulement voilà, Me Sophie Gaillard n’avait jamais vraiment pensé qu’elle pouvait faire de son engagement, son métier.
Celle qui a démarré son parcours professionnel en tant qu’orthophoniste clinicienne a rapidement été confrontée à une importante remise en question existentielle.
« Je me suis demandée ce qui me passionnait réellement dans la vie et comment je pouvais faire de ma passion, mon gagne-pain », confie Me Sophie Gaillard.
Le métier d’avocat était assurément la voie parfaite. Après mûres réflexions, elle retourne alors sur les bancs de la faculté, direction McGill.
Si à son époque, il n’y avait pas de cours consacrés aux droits des animaux, elle s’active autant qu’elle peut pour faire le plus de choses possibles en lien avec ce domaine.
C’est en 2013, après avoir obtenu son Barreau qu’elle décide de rejoindre la SPCA, la première organisation créée au Canada, entièrement dédiée au bien-être animal.
Et le moins que l’on puisse dire, c’est que depuis quelques mois, l’association et, au passage, Me Sophie Gaillard sont véritablement au cœur de l’actualité judiciaire québécoise.
En effet, la SPCA agit en qualité d’intervenant dans le cadre de l'affaire des cerfs du parc Michel-Chartrand.
Cela fait plusieurs années que la ville de Longueuil constate qu’il y a un problème de surpopulation de cerfs au sein de ce parc.
Au début de l’été 2021, la municipalité a ainsi annoncé qu’elle allait procéder à leur abattage. C’est à ce moment-là que la SPCA a décidé de s’impliquer.
« C’est une problématique qu’on voit de plus en plus au Québec », explique Me Sophie Gaillard. En effet, avec les changements urbains et climatiques, on assiste à de véritables conflits entre la faune et la société.
Cette affaire a été l’occasion parfaite pour la SPCA d’encourager le gouvernement québécois à développer des méthodes de gestion de l’environnement respectueuses du bien-être animal ne reposant pas sur des méthodes létales.
Nouveau statut
Pour défendre son raisonnement, l’association a, tout d’abord, décidé de faire valoir des arguments juridiques en lien avec le nouveau statut des animaux.
En effet, rappelons que, depuis 2015, les animaux ne sont plus reconnus comme des biens meubles dans le Code civil du Québec. Un changement auquel Me Sophie Gaillard n’est pas étrangère…
Entre 2014 et 2015, avec la SPCA, l’avocate a mené une importante campagne baptisée « Les animaux ne sont pas des choses ».
Ce qu’elle décrit comme sa « plus grande fierté professionnelle » a mené à l'adoption du fameux article 898.1 du Code civil qui reconnaît les animaux comme des êtres doués de sensibilité.
Un autre argument de taille a été avancé par l’association : l’argument sociétal. Les récentes prises de consciences écologiques soulèvent désormais instantanément un tollé populaire face à ce genre de situation.
Pour l’avocate, il est évident qu’en 2022, les québécois n’acceptent plus qu’on procède par défaut à la mise à mort de l’animal quand il nous pose un inconvénient.
Une autre affaire récente illustre bien cette prise de conscience collective. Un ours polaire en Gaspésie a été abattu par le Ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs parce qu'il posait un danger.
Dans d’autres provinces canadiennes, c’est plutôt la relocalisation des ours polaires qui est favorisée. Selon Me Sophie Gaillard, au Québec « on a tendance à très vite avoir recours à des solutions létales ».
La chasse à l'arbalète prévue par la municipalité pour abattre les cerfs s’avère particulièrement problématique selon elle, « quand on voit la littérature à ce sujet, on voit que bien souvent les animaux ne meurent pas tout de suite donc ce sont des animaux qui vont souffrir de blessures ».
« Et puis ce n’est pas une solution efficace à long terme, parce que si on laisse la population des dix cerfs, il faudra refaire la même chose dans deux ans, puis dans quatre ans… », poursuit l’avocate.
Selon elle, il faut des mesures proactives et préventives pour ceux qui vont rester sur place. Celle-ci donne pour exemple la stérilisation chirurgicale ou encore les contraceptifs injectables.
En attendant le procès qui aura lieu en avril prochain à la Cour supérieure de Longueuil, Me Sophie Gaillard poursuit son combat législatif.
Celle-ci propose d’aller encore plus loin dans les réformes. Selon elle, il faut bonifier le régime existant et accorder de véritables droits aux animaux qu’ils pourraient exercer via des représentants.
La loi actuelle sur le bien-être et la sécurité animale exclut tous les animaux utilisés en agriculture et en recherche scientifique. Une aberration totale aux yeux de l’avocate « ces animaux ne bénéficient d'aucune protection juridique alors qu’on parle d’animaux qui vivent probablement dans les conditions les plus difficiles ».
Le Québec ne serait-il finalement pas à la traîne par rapport aux autres provinces ?
Sur ce point, l’avocate se montre plutôt optimiste. Celle-ci affirme que le gouvernement québécois se rattrape doucement mais sûrement sur ces questions.
« Depuis ces dernières années, ça s'est accéléré au niveau des progrès. La reconnaissance de la sensibilité animale dans la loi par exemple, on est la seule juridiction en Amérique du Nord à l’avoir fait », conclut l’avocate.