Pourquoi les cabinets ne changent jamais ?
Céline Gobert
2015-09-17 15:00:00
Ainsi, un avocat interrogé sur les domaines d’innovation de son cabinet, évoquera selon lui les « méthodes de facturation alternatives » mises en place au sein de sa firme. Et rien d’autre. Pourtant, ces méthodes ne sont pas innovantes du tout !, explique-t-il dans un article rédigé sur LinkedIn.
« C’est comme dire que la 3D au cinéma est novatrice, elle ne l’est pas ! L’IMAX est innovant, que je puisse apporter ma bière et ma pizza dans la salle, c’est innovant. Les frais alternatifs, eux, peuvent être rentables ou réconfortants, mais ils ne sont pas innovateurs ! »
Alors qu’est-ce qui retient les cabinets d’avocats?
Les structures de rémunération: Dans la plupart des cas, les cabinets d’avocats ont une structure de rémunération très simple. Les avocats sont tenus de facturer autour de 2000 heures par année et reçoivent un salaire souvent calculé en fonction de leurs résultats à la Faculté de droit et de leurs années de barreau.
Les avocats en dessous des objectifs d’heures facturables auront à écouter un discours sur la motivation et le dépassement de soi. Les autres, soit ceux qui dépassent les objectifs d’heures facturables du cabinet, seront étiquetés « bourreaux de travail » et récolteront… encore plus de travail !
Les associés obéissent eux aussi à une structure de rémunération similaire. On donne des heures, on récolte des dollars. Où est alors l’incitation à essayer quelque chose de nouveau ?, demande-t-il.
La répartition des pouvoirs : Bien que 40% des grands départements juridiques d’entreprises soient dirigés par gens d’affaires, diplômés en MBA, ces derniers ne disposent que d’un pouvoir limité et ne peuvent pas toujours implanter des graines de changements ou de perspectives un peu plus « business » au sein de ces départements.
Selon Friedman, ce sont les avocats à l’interne - les conseillers juridiques d’entreprise - qui détiennent le pouvoir et qui sont en contact avec les cabinets d’avocats. Et ces “In-house”, comme on les appelle en anglais, ont eux-mêmes travaillé au sein de cabinets … dans lesquels il était difficile d’implanter des idées de créativité, de business ou de marketing car ils y étaient eux-mêmes réfractaires!
Pour résumer, voici ce qui se passe : les orientés « business » passent leurs journées à bâtir des plans d’affaires sur Excel que les avocats refusent d’utiliser, pendant que les chefs de départements juridiques se tapent la tête contre le mur en essayant d’implanter des mesures que les avocats à l’interne ...ne vont jamais appliquer.
L’innovation requiert de prendre des risques, et d’être possiblement vulnérable, ce qui n’est pas envisageable pour la plupart des cabinets.
L’aversion au risque : Friedman ne compte plus le nombre de cabinets qui lui ont dit : « Nous ne voulons pas être des meneurs, nous préférons rester dans la voie du milieu. » Une attitude qu'il nomme « un programme de médiocrité »: la voie de gauche est libre, mais la plupart préférera demeurer dans le trafic et ne pas bouger plutôt que d’oser prendre des risques.
Qu’en pensez-vous ?