Premier emploi: la quête du graal
Emeline Magnier
2015-04-01 15:00:00
C'est le cas de Justine (nom fictif): diplômée de l'Université de Montréal, la jeune femme a effectué son stage au Fonds d'assurance responsabilité du Barreau à Montréal, une expérience au cours de laquelle elle a « beaucoup appris » et est intervenue dans le cadre de litiges pour assister des avocats poursuivis au civil.
À l'issue de son assermentation en avril 2014 et faute de pouvoir être embauchée par le Fonds d’assurance, la jeune femme n'était pas inquiète quant à ses chances de pouvoir trouver un emploi. « J'avais de bonnes lettres de référence, je n'étais pas stressée et j'ai décidé de profiter de l'été avant de rentrer dans la vie active », explique-t-elle.
Manque d’expérience
Mais depuis le mois de septembre dernier, l'avocate multiplie en vain les candidatures pour des postes en droit civil, droit de la famille, droit commercial et litige : après 73 postulations et six entretiens d'embauche, elle n'a toujours par reçu d'offre de collaboration. « Mon cv intéresse les employeurs mais ils retiennent toujours quelqu'un de plus qualifié », confesse Justine.
Elle a refait son cv et ses lettres de présentation, s'est rendue au Carrefour de recherche d'emploi, et a commencé à s'impliquer dans des comités Pro Bono, histoire, dit-elle, « de mettre un pied dans le milieu ». Même si elle ne veut pas abandonner, elle avoue que sa situation est parfois déprimante. « Je n'aurais jamais pensé que ça serait si difficile. Le temps est long et je ne sais pas où je m'en vais; j'ose croire que quelqu'un finira par me donner ma chance.»
Parce que ses prestations d'assurance emploi ont cessé en décembre, elle envisage d'étendre ses recherches à d'autres secteurs d'activités, avec la crainte toutefois de ne pas réussir à réintégrer le milieu juridique par la suite.
Cumuler plusieurs emplois
Si trouver un emploi en région pour les jeunes juristes est parfois plus facile, les conditions offertes ne sont pas toujours optimales, comme en témoigne Catherine (nom fictif). La jeune femme de 26 ans a effectué son stage du Barreau au sein d'un petit cabinet en Beauce et a été embauchée après sa prestation de serment. Elle travaille 32 heures par semaine et développe une pratique générale, les dossiers étant trop peu nombreux en région pour se spécialiser, explique-t-elle.
Heureuse d'avoir été recrutée, Catherine avoue toutefois être déçue par sa rémunération, indiquant percevoir environ 30 000 dollars par année. « C'est un peu décourageant, je pensais gagner entre 40 000 et 45 000 dollars. J'espère que ça ira mieux après », dit-elle, ajoutant que si la situation devait perdurer, elle essaierait de trouver un autre poste à Québec, où les salaires sont d'après elle plus élevés.
Parce que « ce n'est pas assez payant d'être avocate », la jeune femme travaille aussi comme conseillère en voyage et a poursuivi l'emploi qu'elle occupait pendant ses études, dans une usine la fin de semaine.
Dresser le tableau de la situation
Des histoires comme celles de Justine ou Catherine, Me Paul Matthieu Grondin, président de l'Association du Jeune Barreau de Montréal (AJBM) en entend régulièrement. C'est d'ailleurs ce qui a motivé l'association à effectuer un sondage en début d'année auprès de ses membres pour faire le point sur la situation d'emploi chez les jeunes avocats. « Quand on entend parler de plus en plus souvent d'un problème, il faut voir ce qu'on fait pour le résoudre », lance Me Grondin.
Avec les résultats de cette étude, un rapport sera rédigé et présenté lors de l'assemblée générale de l'AJBM le 29 mai prochain. « Il y a actuellement 98% plus d’avocats qu’il y a 20 ans, alors que la population québécoise n’a augmenté que de 15%, il y a des questions à se poser », ajoute-t-il.
Selon Me Grondin, la situation n'est pas typique qu’au Québec et touche aussi les jeunes dans le reste du Canada, aux États-Unis et aussi en Europe, un propos partagé par Me Caroline Haney. « Le phénomène est présent dans d'autres domaines, comme la finance, la comptabilité ou le génie, tous les jeunes souffrent », ajoute la recruteuse juridique.
Pour pallier à ses difficultés, elle conseille de ne pas hésiter à parler autour de soi de sa recherche d'emploi, de se tenir occupé avec du travail bénévole et de siéger à différents comités ou conseils d'administration. « Il faut garder des inscriptions sur le cv. Au-delà d'un an sans activité, la situation devient plus délicate. Soyez créatifs ! », conclut-elle.