Comment rendre vos données plus intelligentes
Jean-francois Parent
2019-07-18 11:15:00
L’enchevêtrement est tellement dense qu’on a l’impression qu’une araignée n’y retrouverait pas ses petits… Sauf que chaque point, et chaque segment qui y converge, représente le détail d’une loi ou d’un règlement d’application fédérale donnant lieu à une mesure fiscale.
François Gaudreau, associé chez KPMG, explique ainsi le projet. « Nous proposons une application pour analyser le rendement des quelque 2600 mesures fiscales fédérales, leurs impacts et leurs ramifications », explique le spécialiste de l’intelligence artificielle et de l’automatisation des processus.
On clique sur un des points à l’écran—le ministère canadien des Transports, par exemple—et chacun des crédits que le ministère administre se décline, visuellement, en une multitude d’interconnexions regroupant toutes les autres lois et règles impliquées dans chacune mesures fiscales analysées.
L’IA, cette inconnue
Ce projet de KPMG n’en est encore qu’à l’étape de la proposition, mais il donne une idée de ce qu’il est possible de faire quand on passe l’information au filtre de l’intelligence artificielle.
Le diplômé de HEC Montréal en finance et économie dans les années 2000 a rapidement pris le virage numérique au lendemain de ses études. D’abord dans le secteur minier, où il lui fallait travailler avec des programmeurs afin d’optimiser les processus. Puis, comme consultant, il a développé son expertise en analytique d’affaires pour gérer la planification de projets et en optimiser les rendements financiers.
Fort de cette expérience, il est devenu consultant en 2015, d’abord avec EY, puis avec KPMG, où il gère une pratique d’intégration de l’apprentissage machine et du réseau neuronal chez les clients du cabinet. Organiser des montagnes de données, les structurer et y superposer une couche d’intelligence artificielle est donc le pain et le beurre de François Gaudreau.
L’Idée est d’appliquer une dose de réflexion aux algorithmes. « Dans un contexte d’affaires juridiques, on peut par exemple analyser les clauses de milliers de contrats et en identifier les tenants et les aboutissants », explique-t-il.
Analyse du sens
Alors que l’automatisation permettra d’extraire les données pertinentes en un moins de temps, il faut aller plus loin et faire en sorte que l’application puisse tirer des conclusions à partir de données incomplètes. « L’analyse de contenu se fait donc en tenant compte des diverses formulations contractuelles », permettant à la machine d’identifier un même contexte se rapportant à deux clauses contractuelles formulées différemment.
« On le voit déjà dans le monde financier. On prend les données financières usuelles, et on y ajoute des données contextuelles, comme l’expérience et l’âge des gestionnaires, la gouvernance, la concurrence, etc. » On peut arriver ainsi à prévoir le rendement financier d’une entreprise, voire son rendement boursier.
Reportons une telle analyse en droit des affaires par exemple, et on peut « situer le contexte légal d’une décision d’affaires, ou encore l’impact commercial d’une décision juridique », explique François Gaudreau.
On voit déjà dans le monde anglo-saxon des services d’analyse juridique des contrats. L’application de l’apprentissage machine aux multitudes de variables qui émaillent la pratique juridique n’est qu’une des multiples promesses de l’intelligence artificielle afin de dégager un sens du fouillis de données légales et juridiques qui émaillent le quotidien des juristes.
Dégager des tendances
L’application de l’intelligence artificielle au cadre juridique permet cependant d’aller plus loin, poursuit François Gaudreau. « Dans les grands contentieux, en recoupant l’analyse des litiges, des contrats et de toutes les données pertinentes aux affaires juridiques avec l’intelligence artificielle permet par exemple de dégager les grandes tendances en matière de litige, ou la probabilité qu’une entreprise perde un litige. »
Il y a loin de la coupe aux lèvres cependant. En effet, du côté de KPMG, on remarque que bien peu d’entreprises sont outillées pour passer à cette étape. « On a rarement les actifs pour indexer les contenus et se doter d’outils permettant de chercher les tendances », explique François Gaudreau.
Car la première étape, souvent négligée, est d’indexer et de numériser les données de façon à ce qu’on puisse les faire parler. Et surtout en tirer une valeur prédictive. « Il arrive souvent que les bases de données soient disparates, non structurées. »
Il faut donc organiser des données comme des contrats, des jugements et finalement beaucoup de texte libre afin d’en extraire une valeur ajoutée.
Tout le monde peut embaucher des spécialistes des données, mais le défi est de faire parler ces données quant au contexte et aux tendances dans lesquelles elles sont générées.
Et ainsi doter les avocats d’outils leur permettant d’aller au-delà de la jurisprudence et de la réglementation.