Conseillers Juridiques

Faut-il embaucher des cabinets ou des avocats?

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Mark Herrmann

2011-05-05 15:00:00

Éternelle question s'il en est : les entreprises doivent-elles embaucher des cabinets ou des avocats ? Un patron des Affaires juridiques d'une grande société a quelques idées là-dessus...
A chaque conférence, et dans de nombreux articles, les gens posent la question: "En tant que client, embauchez-vous des cabinets d'avocats, ou des avocats?" Les clients répondent consciencieusement qu'ils engagent des avocats, et non des entreprises. N'est-ce pas devenu tellement évident que nous pouvons arrêter de poser la question?

Pourquoi un client raisonnable embaucherait-il des avocats plutôt que des cabinets d'avocats?

Pour Mark Herrmann, les cabinets ne sont pas sûrs de la valeur de leurs propres avocats
Pour Mark Herrmann, les cabinets ne sont pas sûrs de la valeur de leurs propres avocats
Parce que les cabinets sont une agrégation d’avocats. Dès lors qu’un cabinet se développe au-delà d'une taille relativement petite, la qualité des avocats varie. En tant que client, ce qui importe c'est la qualité de l'avocat qui travaille sur le dossier, pas la qualité de ceux qui ne travaillent pas sur le dossier, ni même l'identité du cabinet. (Exception faite du client timide qui se protège contre la possibilité d'un mauvais résultat. « Nous avons engagé le plus grand, le plus mauvais cabinet d'avocats disponible pour traiter notre dossier. Maintenant que les choses tournent au vinaigre, vous ne pouvez pas me blâmer, parce que j'ai embauché le meilleur et que j’ai perdu beaucoup de l'argent dans l'affaire. » Mais ce raisonnement est une folie, et j'espère que cela n'arrive pas souvent.)

La vérité est que les cabinets eux-mêmes ne sont pas sûrs de la qualité de leurs propres avocats. Pourquoi?

Dans de nombreuses firmes, les associés ont rarement l’occasion de voir ou d’évaluer le travail d’autrui. Un avocat travaille pour un client, et le client voit le travail. Mais, souvent, ce n’est pas le cas des autres associés. Dans la mesure où le client est satisfait, les associés sont occupés, les factures sont payées, et nul n’éprouve le besoin de revoir le travail du voisin.

Le cabinet s’appuie ainsi grandement sur ce qu'elle connaît historiquement de la qualité de travail de ses associés. Ce n’est peut-être pas suffisant.

Qualité des avocats

Ce n’est peut-être pas suffisant pour de nombreuses raisons.

Premièrement, l’avocat peut avoir été embauché de manière latérale. Peut-être que le cabinet a engagé l’associé exclusivement en raison de la qualité de son travail, mais il est plus probable que le guide d’affaires des nouveaux associés latéraux ait quelque chose à voir avec la décision d'embaucher. Et, même si la qualité du travail de l'avocat compte, il y a peu de chance que la nouvelle entreprise en ait connaissance. La nouvelle entreprise, après tout, peut très bien avoir travaillé avec l’avocat sur une ou deux transactions, mais le nouveau cabinet n'a jamais vu l'avocat sur le terrain, quotidiennement et sur de nombreuses années, comme ce serait le cas avec des associés de la boîte.

Deuxièmement, de nombreux associés peuvent avoir rejoint le cabinet suite à des fusions. Quand une grande entreprise choisit d'ouvrir un bureau à Denver, elle peut acquérir une petite entreprise avec, disons, cinquante avocats à Denver. Quelques-uns de ces avocats peuvent se révéler vraiment extraordinaires, d'autres moins. Mais tous se retrouvent à bord, la plupart en tant qu’associés. Lorsqu’ensuite les avocats d’un grand cabinet de New York vantent les mérites des personnes de Denver, ils n’ont pas la moindre idée de si oui ou non les types de Denver font du bon boulot.

Troisièmement, au fil du temps, la qualité des avocats peut varier considérablement dans les différents bureaux d’un cabinet. Pensez à la branche de Denver dans la situation que je viens d’évoquer. L'an prochain, les partenaires de Denver (qui, par hypothèse, ne seraient pas aussi bons dans d'autres bureaux) vont être invités à évaluer de nouveaux associés. Ces associés appliqueront leur propre jugement d'évaluation concernant la qualité de travail et, ainsi, leur nombre va croître. Mais les nouveaux associés seront eux-mêmes jugés par des gens de qualité bas de gamme, et donc, au fil du temps, il se pourrait que la qualité du bureau de Denver diminue de manière significative.

Quatrièmement, même dans un cabinet qui offre généralement un excellent niveau de qualité, et qui croît légèrement suite aux fusions, des avocats de moindres compétences feront leur chemin dans les rangs du partenariat. Cela peut se produire: pour des raisons financières (« son travail est moyen, mais c’est un aimant à clients »), pour d'autres avantages inhérents à l’embauche de la personne au sein de l’entreprise (« avec un handicap ou une adhésion à ce club d'élite, nous pouvons nous servir de lui »), ou pour des raisons politiques (« il y a beaucoup de partenaires dans cette entreprise qui ne peuvent pas se confronter à des questions difficiles ou juger des affaires importantes. Mais si Fred peut faire d’un avocat un nouvel associé dans cette entreprise, alors je peux le faire aussi. Et Joe a travaillé dur pour moi ces dernières années, je vais donc faire de lui mon partenaire. » Ou encore : « si nous n’avons pas davantage d’associés cette année à Atlanta, les gens vont penser que notre bureau d'Atlanta n'a aucun poids, et nos associés seront démoralisés. Nous devons donc pousser les deux personnes à un partenariat. ») Dans ces circonstances, l'embauche pour l'entreprise au détriment de la qualité de chacun des avocats, est pure folie.

Se méfier des ventes croisées

Franchement, cette lacune des cabinets quant à la qualité de leurs propres associés explique aussi pourquoi les clients doivent se méfier lors des ventes croisées de services. L'avocat en charge de la vente croisée peut très bien ne pas connaître la qualité du travail de la personne qu’il a en face. Dans certaines situations, il est même possible que l'avocat s’en moque. Quand un client appelle à Shanghai pour demander des conseils sur la propriété intellectuelle, la bonne réponse à donner pour le partenaire de Chicago est : « c'est votre jour de chance ! Nous avons justement un avocat spécialiste de la propriété intellectuelle en Chine dans notre bureau de Shanghai. Permettez-moi de vous rappeler afin de vous faire part de ses coordonnées.» Ensuite, le partenaire de Chicago multiplie frénétiquement les coups de fils : « hey ! Avons-nous quelqu’un qui s’occupe de la propriété intellectuelle à Shanghai ?»

Certains associés peuvent même se retenir d’effectuer des ventes croisées agressives, par peur de ruiner leurs relations avec la clientèle. « Le client m'aime. Si je lui refile Joe Schlock de Denver, le client va être mécontent, et je risque de perdre l’affaire.» Mais les pressions institutionnelles concernant les ventes croisées sont importantes, et le souci du bien-être d'un client est souvent relégué au second plan.

Alors cessons simplement de nous demander si les clients engagent des avocats ou des cabinets. Si les clients n’ont aucun bon sens, ils engagent des avocats. Contentons nous de clore ce débat et demandons-nous plutôt comment les clients devraient réagir aux ventes croisées, question qui, elle - au moins - demeure d’actualité.


Note

Mark Herrmann est responsable juridique des litiges et vice président chez Aon, premier fournisseur mondial de services en gestion des risques, courtage d’assurance et capital humain. Sa chronique a été publiée initialement sur Above the law.


Traduction : Céline Gobert
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3 commentaires
  1. DSG
    I've changed my title
    It would by hypocritical for me to criticize crown prosecutors for being incapable of representing themselves when despite of my protests this ACC keeps giving the impression that in-house counsel do nothing but hand out files to better qualified lawyers. So as to no longer be associated with this group, from this day forward I no longer want to be referred to as in-house counsel. My new title is Special Purpose Attorney.

  2. Anonyme
    Anonyme
    il y a 13 ans
    "Si les clients n’ont aucun bon sens, ils engagent des avocats."
    Il y a erreur de traduction ici. La version originale anglaise de l'article dit "If clients have any sense at all, they hire lawyers." Ceci se traduit plutôt par "si les clients ont un tant soit peu de bon sens, ils engagent des avocats"

    • Anonyme
      Anonyme
      il y a 13 ans
      Mauvaise traduction
      > Il y a erreur de traduction ici. La version originale anglaise de l'article dit "If clients have any sense at all, they hire lawyers." Ceci se traduit plutôt par "si les clients ont un tant soit peu de bon sens, ils engagent des avocats"


      Bof, les gens et les journalistes se foutent des traductions approximatives.

      Pour un exemple extrême, voyez le cas de la traduction qui a fait dire aux journaux occidentaux "mainstream" qu'Ahmadinejad voulait rayer Israel de la carte.

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