La COVID-19 influence la justice dans des affaires de violence conjugale
Radio -canada
2020-10-19 12:00:00
En Alberta, comme ailleurs au pays, au début de la pandémie, les palais de justice ont fermé leurs portes au public. Certaines cours se sont limitées aux causes urgentes, et de nombreux procès ont été reportés.
C’est le cas des deux procès de l’ancien conjoint d’Amber Solberg, une femme de Red Deer. Il devait comparaître pour des voies de fait ayant entraîné des lésions corporelles.
« Je voulais être capable de lui faire face une nouvelle fois, sans être dans la même position qu’avant, sans qu’il ait tout le pouvoir », raconte Mme Solberg.
Les procès ont été reportés à plusieurs reprises. Finalement, l’ex-conjoint a décidé de plaider coupable et a été condamné à 731 jours de prison. Selon les documents de la cour, 120 jours sont liés aux agressions dont a été victime Mme Solberg, les jours restants concernent d’autres accusations.
En raison des restrictions liées à la COVID-19, Amber Solberg n’a pas été autorisée à assister à sa condamnation au palais de justice de Red Deer.
« Je n'ai pas l’impression d’avoir eu la chance de raconter ma version des faits (...) Cela envoie en quelque sorte le message que ma version ne compte pas vraiment », déplore Amber Solberg. Elle se demande si la peine aurait pu être plus lourde si le tribunal avait entendu son témoignage.
Des jugements passés en revue partout au pays
La professeure de droit à l’Université de Calgary Jennifer Koshan a étudié, avec des collègues, 67 affaires jugées au Canada, de la mi-mars au mois de juin.
L'étude montre, tout d’abord, que le risque de transmission de la COVID-19 a parfois eu un fort impact sur les décisions de justice.
« Dans certaines affaires criminelles, les juges donnent l’impression d'accorder plus d'importance au fait que des détenus pourraient potentiellement attraper la COVID-19 en prison qu'au fait que des victimes pourraient voir leur agresseur revenir dans la communauté et potentiellement faire à nouveau preuve de violence à leur égard », explique Jennifer Koshan.
Elle cite un cas en Ontario où le juge a accordé une caution à un homme accusé d’agression, d'entrée par effraction et de harcèlement. « Être en prison en tant que détenu ou membre du personnel doit faire partie des endroits considérés comme les plus dangereux », a écrit le juge dans sa décision.
De plus, selon la professeure, peu de juges ont pris en compte le fait que les femmes couraient plus de risques d’être maltraitées par leur conjoint durant la pandémie.
Jennifer Koshan regrette également que des juges ne prennent pas en compte le fait qu’il est plus difficile pour certaines femmes de récolter des preuves de violence dont elles sont victimes en raison de la pandémie.
« S’il y a des barrières pour l’accès à la justice en temps normal, elles ne vont que se renforcer lorsqu'une pandémie rend l’accès aux tribunaux plus difficiles », résume-t-elle.
Une bonne initiative de l'aide juridique en Alberta
Jennifer Koshan a tout de même noté une bonne initiative mise en place par l’aide juridique de l’Alberta. Depuis la fin du mois d'avril, il est possible de faire une demande d'ordonnance de protection d'urgence par téléphone ou par vidéoconférence.
Christina Riddoch, qui dirige l'aide juridique de l'Alberta, à Edmonton, note que les demandes ont augmenté de 10 % en avril, en mai et en juin, comparativement à la même période l’an dernier. « Nous avons certainement constaté une augmentation, et je peux dire que nous allons probablement constater qu'il y a eu une plus grande augmentation au cours des trois derniers mois », affirme-t-elle.
Christina Riddoch espère que cette initiative sera prolongée au-delà de la pandémie, tout comme Jennifer Koshan.