«On ne gère pas le Barreau comme un Walmart!»
Céline Gobert
2015-04-21 15:00:00
Devant une assemblée de représentants du Jeune Barreau du Québec, du Jeune Barreau de Laval et du Jeune Barreau de Montréal, qui ont pu se régaler d’un buffet composé de salades et de petits fours mis à leur disposition, Me Paul-Matthieu Grondin, président du JBM, a souligné le courage qu’avaient les deux candidats au Bâtonnat à se prêter à l’exercice du débat, les qualifiant « d’avocats de talent, archi sympathiques et disponibles de leur temps. »
Le débat s’est divisé en deux temps. Les deux avocats ont d’abord présenté leur programme, avant de discuter autour de thématiques majeures telles le rôle du bâtonnier dans les affaires publiques, la situation d’emploi des avocats, la question des honoraires des mandats juridiques, ainsi que la situation financière du Barreau.
Bien que tous les enjeux soient d’importance, il est clair que les questions de l’emploi des jeunes, de la contingence de la profession ainsi que celles entourant la sensibilisation des doyens d’universités à la réalité des jeunes ont davantage éveillé l’intérêt du public majoritairement trentenaire, explique Me Caroline Larouche, vice-présidente du JBM.
« Les positions des candidats sont maintenant claires, il est temps de participer et de voter ! Je vais quant à moi garder mon vote secret ! » a-t-elle déclaré.
Une candidate plus solide ?
Me Lu Chan Khuong a précisé que les qualités essentielles d’un bâtonnier étaient la compétence, incluant le savoir-être et le savoir-faire, l’expérience et la vision. « Je dispose de toutes ces qualifications et je souhaite amener le Barreau à un autre niveau ! » a-t-elle déclaré.
Me Deshaies a pour sa part invité les électeurs à considérer trois éléments avant de voter. Le bâtonnier, en tant que porte-parole devant la magistrature et les instances gouvernementales, doit d’abord être crédible. Ensuite, il doit être rassembleur. Enfin, il doit être un « gestionnaire responsable. » « On ne gère pas le Barreau comme un Walmart en promettant des rabais ! » a-t-il lancé.
Selon une avocate de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse qui préfère garder l’anonymat, Me Khuong semble « plus solide », « plus préparée », plus « au courant des préoccupations des avocats des plus petits bureaux.» « Me Deshaies qui arrive avec « sa gang » toute faite semble moins ouvert », explique l’avocate.
Points de discorde
Les deux candidats se sont notamment divisés sur les questions des cotisations, des interventions judiciaires du Bâtonnier et des honoraires des avocats assurant des mandats d’aide juridique.
Alors que Me Khuong n’était pas en défaveur d’une baisse de la cotisation des juristes, Me Deshaies a salué « la cotisation la moins chère du Canada. » D’autres provinces en aimerait une semblable, a-t-il précisé. Il s’est montré réfractaire à de possibles interventions judiciaires du bâtonnier là où Me Khuong a rappelé que l’avocat devait « militer», « être présent dans l’espace public ». « On ne joue pas le rôle de procureur général ! » a rétorqué Me Deshaies.
Sur la question des mandats de l’aide juridique, Me Khuong a rappelé qu’elle percevait un montant de 62 dollars pour un aller-retour Québec/Saint-Jérôme pour faire du pro bono. Elle touche aussi 11 dollars de remboursement pour les photocopies. « Même si ce n’est pas suffisant, on rétablit l’équilibre avec des mandats plus payants. Je ne le fais pas pour l’argent mais pour la cause. » Me Deshaies a affirmé que tout le monde n’avait pas les mêmes moyens que Me Khuong et qu’il fallait donc revoir les honoraires de l’avocat sur ce type de mandats.
Formation continue = une cotisation déguisée ?
La question des heures de formation continue a aussi provoqué de vives discussions.
Sur ce dernier point, Me Khuong a préconisé une division des heures de formation continue : 15 heures de formation, 15 heures de pro bono, afin de « redistribuer » à la société, un « devoir de l’avocat », dit-elle. Les frais de la formation continue peuvent être perçus, selon elle, comme « une cotisation déguisée ». En outre, il peut être difficile pour les avocats en région de faire des heures de formation et de les comptabiliser.
Quant à Me Deshaies, il a déclaré ne pas voir le lien entre la proposition de Me Khuong et l’idée d’un avocat « plus compétent ». Il a évoqué une formation accessible sur Internet pour les avocats de province.
Alors qu’une avocate de Montréal en droit de la famille confiait rapidement à Droit-inc suite au débat, et notamment sur cette question du pro bono, ne plus être certaine pour qui voter, Me Daphney Colin, criminaliste à son compte et membre du Barreau depuis dix ans, a vu son intention de vote se confirmer.
« Elle (Me Khuong) m’a le plus touchée, dit-elle. Seule à ton compte, les cotisations sont plus lourdes. » Elle admet aussi, à l’instar de Me Khuong, avoir parfois l’impression que les frais de formation continue sont des cotisations déguisées. « Quand on débute, il y a les frais de cotisation, les frais de bureaux, plus les frais de la formation continue. Ça coûte quand même un certain montant ! »