Le droit de l’immigration, carrière en pleine essor
Céline Gobert
2018-06-21 11:15:00
« Dans les négociations autour des accords de libre échange, le tiers des discussions concernent la mobilité des personnes, qui est une valeur ajoutée dans les équipes de travail. C’est au coeur de l’actualité », a-t-elle indiqué dans une conférence intitulée « S’ouvrir sur le monde : comment le droit de l’immigration s’insère dans le contexte juridique moderne ».
Évidemment, tout cela signifie : plus de travail pour les avocats. Dans son équipe, pas moins de 34 personnes se consacrent désormais à la mobilité des personnes.
« Auparavant, c’était un droit social, aujourd’hui c’est davantage un droit économique, stratégique, commercial, explique à Droit-inc l’associée. En raison de l’importance de l’immigration pour les entreprises, un regard nouveau est porté sur cette pratique, qui est plus près du monde corporatif, du milieu des affaires. »
Sans talents, pas de compétition
De nombreux permis de travail peuvent ainsi être émis aux professionnels de l’étranger, a expliqué l’avocate.
Parmi eux, le programme des travailleurs étrangers temporaires (PETET)-EIMT, le programme de mobilité internationale (PMI) ou encore le programme des talents globaux / secteurs innovants. Chacun d’entre eux possèdent ses propres conditions d’acceptation et caractéristiques.
« Si l’on n’est pas capables de faire venir ses talents, on n’est pas compétitifs, explique Me Lessard. L’immigration est un outil qui permet de rester compétitif sur le marché. »
Attention aux responsabilités des employeurs
Toutefois, il va sans dire que les employeurs ont de grandes responsabilités quant aux travailleurs étrangers. L’employeur a la responsabilité des démarches d’immigration mais aussi des questions périphériques comme des taxes, des assurances, etc.
« En tant qu’avocat, quand on travaille avec les entreprises, on s’assure qu’elles respectent les obligations rattachées aux permis de travail. On met par exemple en place des audits internes des pratiques, on demande : qui sont les voyageurs? Que viennent-ils faire? Sont-ils documentés ou doivent-ils l’être?»
Me Lessard cite par exemple le cas d’une compagnie canadienne qui avait envoyé un employé donner une formation de quatre jours aux États-Unis et qui n’avait pas convaincu les autorités de son statut de « visiteur d’affaires ».
Banni des États-Unis, l’employé s’est retourné contre l’employeur, affirmant qu’il n’était plus compétitif sur le marché. En effet, si l’on se crée une présence en sol étranger, on perd son statut de visiteur d’affaires…
Me Lessard évoque en outre le cas d’un ingénieur de 32 ans qui a renversé quelqu’un en voiture alors qu’il était aux USA en train de travailler illégalement. Les assurances professionnelles n’ont pas voulu prendre en charge les coûts…
Autant de situations qui démontrent que les entreprises ont la responsabilité de s’assurer que leurs employés voyagent sous le bon statut…
D’autres impératifs...
Les employeurs devraient également inclure dans leurs offres d’emploi des clauses sur le fait que celles-ci sont « conditionnelles », explique Me Lessard.
Ainsi, un couple de l’étranger qui vendrait sa maison et quitterait ses emplois pour venir rejoindre un employeur au Québec pourrait se retourner contre lui si finalement l’offre tombait à l’eau.
Attention également aux échanges de courriels, et autres lettres d’invitation et de mission. Dans l’affaire Infosys par exemple la révélation des courriels à l’interne concernant des travailleurs indiens exerçant illégalement aux USA a entraîné 34 M$ d’amendes pour non respect des règles.
« La réglementation est désormais plus stricte, ici comme à l’étranger, explique Me Lessard. On sent ce “shift” au niveau mondial. Il y a une recherche pour être conforme partout car les pénalités sont importantes ».