Vaincre le cancer, entre deux dossiers
Éric Martel
2019-08-09 15:00:00
Fidèle à son habitude, et avec un certain coup de pouce de ses collègues, la plaideuse d’expérience de Décarie avocats atteinte d’un cancer du sein de stade 3 continuait à travailler avec ardeur ses dossiers.
L’une de ses grandes craintes était la réaction de ses clients face à la perte de ses cheveux.
« J’étais vraiment stressée, mais finalement, les clients ont super bien réagi! Mes clients auraient pu avoir peur de me confier des dossiers à nouveau, mais finalement, personne n’a hésité à le faire. »
Au départ elle était aussi incapable d’annoncer la nouvelle à ses collègues, elle a alors demandé à la présidente du cabinet, Me Sophie-Anne Décarie, de se charger de la lourde tâche.
« Ça aurait été beaucoup trop difficile de le faire. Avec un cancer comme celui-là, je n’étais pas du tout certaine de m’en sortir. »
Son équipe a tout simplement été incroyable, confie à Droit-inc la juriste de 38 ans.
« J’ai été chanceuse d’être aussi bien entourée. »
Durant ses traitements, alors qu’elle ne supporte plus de rester chez elle à la maison, elle parvient même à convaincre ses employeurs et ses médecins de la laisser effectuer un retour au travail.
« Ils voulaient que je prenne du temps pour moi, mais je n’étais plus capable de rien faire, raconte-t-elle. C’est vraiment dans des moments comme ceux-là que l’on réalise à quel point on aime notre travail. »
Survivre
À la suite de cette épreuve, Me St-Amour a subi une ablation partielle du sein gauche, une opération majeure.
Si l’avocate a pu traverser toutes ces épreuves, c’est grâce à sa force de caractère dit-elle, qui lui a permis de garder le moral.
Elle n’a d’ailleurs qu’un seul conseil à offrir aux juristes qui pourraient avoir à vivre la même épreuve qu’elle.
« Le truc, c’est de ne pas se poser de questions. De faire ce qu’on a à faire et de continuer de croire qu’on peut s’en sortir. »
Et lorsqu’on lui demande ce qu’elle a trouvé le plus éprouvant lors de son processus de guérison du cancer, un mot lui vient en tête : la peur.
« J’ai vraiment eu peur de mourir. C’est un sentiment que je n’avais jamais eu dans la vie et qui m’est resté par après. Maintenant, je sais que c’est possible, de mourir. Cette peur-là reste avec moi au quotidien. »
Donner un sens
Me Sophie Truesdell-Ménard a elle aussi entamé des traitements de chimiothérapie afin de soigner son cancer du sein de stade trois. C’était en janvier 2017.
« J’ai craint le pire », avoue-t-elle.
À la maison, un garçon de trois ans et des jumelles âgées de six ans l’attendent. Beaucoup d'incertitudes planent sur les six prochains mois au cours desquels elle devra subir 16 traitements de chimiothérapie.
Celle qui était à l’époque cheffe des affaires juridiques chez Kiewit, une entreprise de construction, décide de prendre un arrêt de travail pour mettre toutes les chances de rétablissement de son côté.
« J’ai tout de suite pensé à ma perte de cheveux. Je pensais au fait que je pouvais les perdre, et ce que cela représenterait pour mes enfants. Je le ressentais comme un drame épouvantable, et je ne voulais pas me sentir comme si ma vie était menacée. Je ne voulais pas voir la pitié des gens, parce que moi, je n’ai jamais trouvé que je faisais pitié. »
Après avoir traversé la tempête, l’avocate a éprouvé un fort désir de donner une signification à son parcours. Elle lance en juillet 2018 un organisme, ayant pour mission de promouvoir l’utilisation des casques réfrigérants lors des traitements de chimiothérapie : Garde tes cheveux.
Elle s’inspire donc de l’une de ses amies, ayant précédemment affronté un cancer, qui avait fait l’usage de casques spéciaux réfrigérés pour limiter sa perte de cheveux lors de ses traitements de chimiothérapie.
« C’est une technique qui existe depuis longtemps, mais dont on ne parle pas. C’est déplorable que les gens ne connaissent pas son existence. Je voulais donc faciliter son accès, la faire connaître. J’ai perdu des cheveux, mais j'en ai conservé suffisamment. Ça m’a donné une victoire, de la confiance. Je sentais que j’avais le contrôle sur quelque chose, alors qu’à l'hôpital, c’est assez déroutant...on sent qu’on perd le contrôle de sa vie. »
En septembre dernier, alors qu’elle souhaitait jouir d’une certaine flexibilité afin de guérir complètement, la juriste a décidé de quitter ses fonctions chez Kiewit, afin de lancer sa propre pratique.
Elle a suivi des cours de médiation civile et commerciale à l’Université de Sherbrooke, afin de lancer sa propre offre de service en tant qu’avocate et médiatrice en droit de la construction.
« Maintenant, en choisissant mes mandats, je peux équilibrer mon travail par rapport à mon état. Mon but est d’éventuellement retrouver la pratique à plein temps. »
De toute manière, Me Truesdell-Ménard a de quoi s’occuper : gérer Garde tes cheveux.
« Je me suis donnée ce qu’il fallait pour prendre soin de moi, en me tournant vers des actions concrètes pour les deux choses les plus importantes : mes enfants et mon organisme », conclut-elle.